La rédaction
23/09/12
Jeudi 20 septembre 2012, une délégation des Evêques membres de la CENCO (Conférence Episcopale Nationale du Congo, en sigle) a visité le territoire de Rutshuru. Accompagné de Monseigneur KABOYI (Evêque du diocèse de Goma), la délégation a tenté le tout pour le tout, la MONUSCO ayant refusé de les sécuriser, pour arriver à Rutshuru où une foule immense les attendait. Au cours de la célébration d’une messe dite de solidarité, les évêques ont lu un communiqué dans laquelle ils demandaient au peuple congolais de barrer la route aux personnes qui veulent balkaniser la République Démocratique du Congo et piller les richesses du pays. Tel était le message clé de la CENCO aux populations de Rutshuru, message qu’ils ont emmené partout dans le monde et qu’ils comptaient amener à Bukavu et dans les camps des déplacés internes du Nord-Kivu. En marge de cela, rappelons, en passant, que ces évêques venaient de faire le tour du monde pour rapporter aussi le message du gouvernement congolais, accusant le M23 en complicité avec le Rwanda et d’autres puissances mondiales, de vouloir balkaniser le pays et livrer certaines parties du Territoire national aux étrangers.
C’est dans un message court et clair que le numéro un de l’armée du M23 a donné la position du M23 sur à ce qui a fait couler tant d’encre et de salive dans notre pays, à savoir la balkanisation. La substance du message du Colonel Makenga, car c’est de lui qu’il s’agit, est la suivante : « Les revendications du M23 sont nationales et non sectaires. Il n’existera jamais de balkanisation au Congo tant que le M23 aura la force qu’elle a aujourd’hui. Le plan de balkanisation n’existe pas et n’existera pas » a-t-il rassuré aux évêques membres de la CENKO.
Ci-dessous, en intégralité, le message du Chef d’Etat Major Général de l’Armée et Vice-président du Mouvement du 23 mars :
«Excellences Messeigneurs représentants de la CENCO,
C’est pour moi un honneur et une grande opportunité de m’adresser à vous, au nom du M23, pour retracer l’historique qui nous a amené jusqu’à ce jour de notre rencontre dans cette salle du diocèse de Rutshuru.
Merci encore une fois du courage, que vous avez eu, de braver toutes les prophéties de malheur débitées par ceux qui vous voulaient vous dissuader de venir voir la réalité du terrain et merci pour le message de réconfort que vous avez apporté à la population du Nord-Kivu en général et, en particulier, à celle de Rutshuru. Nous savons que rien n’a été facile. Vous avez entendu beaucoup des choses concernant le M23, mais nous vous promettons qu’avant votre départ d’ici, vous aurez un jugement personnel de ce Mouvement, jugement qui vous permettra d’avoir une version des faits contraire à celle que vous aviez en arrivant et qui vous permettra de fixer, une bonne fois pour tous, l’opinion tant nationale qu’internationale sur les raisons logiques et objectives qui ont pousse le M23 de prendre sa part de responsabilité dans l’Histoire de notre cher et beau pays la RDC.
Le M23 est un mouvement politico-militaire dont les membres proviennent majoritairement du Congrès National pour le Défense du Peuple (CNDP, en sigle). Vous êtes sans ignorer que ce dernier Mouvement a, en son temps, combattu contre le gouvernement de Kinshasa, 5 ans durant, et à l’issue d’un accord de paix signé à Goma (mais négocié dans un processus de paix de Nairobi sous l’égide de la facilitation des Nations Unies) les militaires ex-CNDP ont été intégrés dans l’armée congolaise et le CNDP parti politique a adhéré au camp de la majorité présidentielle.
Mon intervention, d’aujourd’hui, retracera l’historique depuis l’accord du 23 mars, jusqu’au jour où le gouvernement de Kinshasa a pris la décision de nous abattre : Nous étions convenus avec le gouvernement de Kinshasa que les forces intégrées ne seront déployées que dans les deux Kivu pour combattre toutes les forces négatives étrangères et les groupes armés réfractaires aux accords de paix du 23 mars, afin de permettre aux refugiés congolais et aux déplacés de guerre de regagner leurs contrées d’origine. Bien qu’ayant chaleureusement adhere au projet, durant les trois ans passés au sein des FARDC, le gouvernement de la République ne nous a jamais dotés des moyens nécessaires pour éradiquer ces forces négatives étrangères et les autres groupes armés ciblés à cet effet.
Pire, il s’était installée, au sein même de l’armée nationale, une discrimination envers les militaires des ex-mouvements rebelles qui ne bénéficiaient pas du même traitement que leurs collègues de l’ex-composante gouvernement. Alors que ceux du gouvernement touchaient leur solde sur base de grade, ceux des composantes ex-rebelles recevaient un montant forfaitaire et inconstant. A titre d’exemple un Colonel ex-cndp percevait l’équivalent de la solde d’un caporal de l’ex-composante FARDC. Durant toutes ces années passées au sein des FARDC, nous avons été humiliés et dénigrés n’eut été la sagesse de notre part, nous aurions quitté le processus juste quelque temps après l’intégration (c’est-à-dire vers fin 2009 déjà!). Nous avions, à maintes reprises, demandé que soient respectés les accords signés le 23 mars 2009, mais une fin de non recevabilité était réservée à notre requête et en lieu et place nous avions subi des menaces et deux d’entre nous qui avaient signé une pétition, ont été radiés de l’armée pour cela.
Bien que nous nous étions convenus que les militaires intégrés ne seraient déployés que dans les deux Kivu, nous avons accepté, par patriotisme, que certains d’entre nous aillent servir sous le drapeau contre les INYELE à DONGO dans la province de l’Equateur, mais hélas, certains avaient été assassinés par leurs « frères » d’arme de l’ex-composante gouvernemental, tandis que d’autres ont subi des traitements inhumains et dégradant avant de les laisser regagner Goma. D’autres, 59 d’entre nous, qui étaient partis à DUNGU pour combattre les LRA et les ADF-NALU ne sont jamais retourné (à l’exception d’un rescapé qui s’etait échappé par le soudan et qui nous a reporté les circonstances de la mort de ses collègues, tués par le major responsable du bataillon qui, au lieu d’être poursuivi en justice, a été promu au rang de Lt Colonel en guise remerciement de la part du gouvernement de Kinshasa.
Il en est de même des militaires ex-CNDP qui ont été déployés dans des opérations à Kindu, trois d’entre eux ont été lapidés par la population au motif qu’ils étaient des rwandais. Le Nord-Kivu n’est pas laissé en reste : dans cette discrimination organisée contre les militaires ex-cndp intégrés après les accords du 23 mars 2009, le Colonel YAV, alors commandant secteur, avait fait assassiner le Lt Colonel ALI, sur l’axe Rumangabo-Rutshuru, et toutes les preuves avaient été présentées à la hiérarchie, mais aucune poursuite n’a jamais été menée en son encontre…
Durant les trois ans passés au sein des FARDC, nous n’avons fourni aucun effort pour dénoncer toutes les injustices, la corruption et le détournement des fonds alloués aux militaires et qui n’arrivaient jamais à la base. Nous étions profondément préoccupés par les répercussions de ces injustices sur l’avenir de l’armée et de notre pays, symboles majeurs de la souveraineté nationale; c’est pourquoi, en tant que patriotes, nous avons attendu 3 ans pour méditer suffisamment, avant de décider, en âme et conscience, de nous insurger contre tous ces fléaux. Drogués en permanence dans l’espoir de se soustraire de la dure réalité de la vie qui leur est imposé par des gouvernements prédateurs, manque des soins pour les blessés de guerre, la corvée de débrouille, les vols, les extorsions, bref, la vie infra-humaine que mènent les militaires congolais, dans l’indifférence arrogante de la hiérarchie militaire et civile, la peur bleue surtout du risque constant de voir nos éléments se contaminer par ces antivaleurs ainsi que celle de participer à ce crime organisé contre la nation et son peuple, nous avaient poussés à franchir le Rubicon.
Tout citoyen congolais est touché par l’institutionnalisation de la corruption dans notre pays mais quand le mal ronge l’armée, cela devient plus qu’inquiétante et tout patriote devrait le dénoncer. Nous avons fais trois ans au sein des FARDC sans solde alors que nous avons passé les épreuves du contrôle physique et l’enregistrement biométrique. Où va la solde destinée aux militaires ? C’est une question taboue dans l’armée et, de plus en plus, les politiciens perdent leur langue quand il s’agit de dénoncer le mal. Toute personne qui en parle devient l’ennemi numéro un du régime KABILA : Ils ont tué le Lt. Colonel BULIMASO à Masisi, ils ont tendu une embuscade au Lt. Colonel Kifaru à Walikale, Le Colonel Byamungu a été attaqué dans son Quartier Général à Uvira, Les Lt Colonel Saddam et Nsabimana attaqués à Fizi sans que moi qui était commandant des opérations au Sud-Kivu je ne sois informé. La chaine de commandement n’existe pas dans les Forces Armées de la République Démocratique du Congo.
Alors que la situation devenait de plus en plus tendue, le Chef d’Etat Major Général des FARDC au lieu de calmer le jeu et de résoudre les problèmes au sein de l’armée, il a mis le feu aux poudres : Il a appelé le Colonel Baudouin NGARUYE à Goma pour recevoir le briefing pour rejoindre, son nouveau poste d’attache à Shabunda, en remplacement du Colonel KABUND, en lieu et place du briefing il fut humilié et désarmé devant soldats et caporaux ; le même sort fut réservé au Colonel Zimulinda, alors qu’il était convié à une réunion avec le Chef d’Etat Major Général des FARDC. Certains militaires ayant senti venir les menaces, se sont vite retranchés dans les montagnes de Masisi pour se protéger contre l’inconnu que ces comportements du gouvernement Kabila venaient d’adopter vis-à-vis des Officiers supérieurs ex-CNDP intégrésdans les FARDC. Le Colonel BIYOYO(Officier ex-CNDP Shi) fut intrepellé, désarmé, arrêté et transféré à Ndolo (à plus de 1000 km de sa famille). Enfin nous avons fait avec l’état Major Général beaucoup de réunions dans lesquelles j’ai dénoncé toutes les antivaleurs(la corruption, le non respect de la chaîne de commandement, le clientélisme, l’affairisme et le tribalisme qui s’installaient au sein de l’armée) et ces exactions à l’égard des militaires rwandophones et non rwandophones et, la seule réponse qui m’avait été réservée c’est l’embuscade qui m’avait été tendue à Nyabibwe, en Mai dernier, alors que je venais de Bukavu pour Goma, en réponse à l’invitation du CEMJ-Force terrestres.
Excellence les représentants des Evêques membres de la CENCO, vous êtes les premiers à avoir dénoncé avec force la culture du mensonge, de la tricherie, du vol qui s’installent au sommet de l’Etat, nous avons, dans l’armée apprécié à juste titre cette très grande contribution, qui consistait à rappeler aux autorités congolaises leur rôle des dirigeants. Vous savez bien que la question de la Balkanisation est un mensonge grossier inventé par le gouvernement Kabila pour embarquer le peuple congolais tout entier dans ses mésaventures bellicistes au Kivu. L’histoire est têtue, mais il semble que les congolais n’apprennent rien de leur histoire : en 1998 lors de l’avènement de l’AFDL, ce sont les mêmes personnes qui criaient à la Balkanisation, je parle du Prof Kin Kye et le très eternel Ministre de la communication Lambert Mende Omalanga. A l’époque c’était pour discréditer et empêcher le père de celui qu’ils servent aujourd’hui à hériter le pouvoir. Nous avions entendu la même rengaine lors de la rébellion du RCD et celle du CNDP. Cela n’étonne personne que ce pouvoir, à mal de légitimité, utilise un discours nationaliste pour se rallier les congolais, mais de là, réussir à embarquer même les Evêques, cela nous imposent des questions !
En tant que deuxième personnalité du Mouvement du 23 mars, au nom de notre Président (qui est aussi un Bishop) nous disons au peuple congolais que le M23 est un Mouvement National pour libérer tous les congolais, et que la balkanisation n’existe que dans l’imaginaire de Mende pour distraire le peuple congolais et prolonger son, peu soit-il, son séjour au pouvoir. Le Congo est un et indivisible, il restera uni et les Congolais doivent être unis derrière le M23 pour se défendre contre cette nouvelle féodalité compradore que Kabila tend à installer à Kinshasa.
Quant à la question de l’aide que le M23 bénéficierait du Rwanda, le récent retour en pleine journée de tout un bataillon des militaires rwandais vêtus en uniformes congolais, a mis à nu les mensonges du gouvernement Kabila qui croyait qu’il continuerait à tromper éternellement au peuple congolais. Le M23 félicite la population de Rutshuru qui a refusé de céder à la manipulation des politiciens de Kinshasa. Cette population a compris que, finalement, à chaque fois que le pouvoir de Kinshasa est menacé, il appelle le peuple à la solidarité alors que les FDLR ont toujours constitué la source principale de l’insécurité, mais le gouvernement de Kabila n’a jamais utilisé autant des moyens que ceux déployés pour combattre le M23 !
Pour terminer, leurs Excellences, permettez-moi de rappeler à l’opinion qu’au lendemain des élections présidentielles, les Evêques du Congo s’étaient levés, comme un seul homme, pour dénoncer les fraudes massives dont étaient entachés les scrutins.
Nous retirer dans les montagnes de Runyoni (où le gouvernement de Kabila nous a attaqué, car c’est lui qui avait pris l’initiative de la guerre dans l’espoir de nous anéantir en un clin d’œil, dans une sorte de guerre-éclair, conscient d’avoir totalement réussi à nous désorganiser par l’atomisation de nos troupes ex-CNDP en plusieurs régiments) était, pour nous, une façon de suivre votre mot d’ordre. Chers Messeigneurs, qu’est-ce qui s’est donc passé depuis ? Avez-vous changé de point de vue où tout simplement les réalités ont-elles changées ? Si tel est le cas, leurs Excellences, je voudrai, au nom de toute ma délégation, que vous :
- Rassuriez le peuple congolais que les élections se sont déroulées en toute transparence, liberté et régularité,
- Rassuriez le peuple congolais que toutes les forces négatives étrangères qui sèment l’insécurité et la désolation à l’Est de la RDCongo, ont toutes étaient éradiquées,
- Rassurez le peuple congolais que l’insécurité est terminée sur tout le territoire congolais du Sud-Kivu au Katanga, en passant par la province Orientale.
- Rassuriez le peuple congolais que tous les réfugiés congolais vivant à l’étranger et les déplacés internes ont été rapatriés et réinstallés.
- Rassuriez le peuple congolais que le social du congolais a été amélioré au point que le salaire est devenu décent et régulier,
- Rassuriez le peuple congolais que la justice est exercée partout et sur tout congolais.
Si vous nous rassurez solennellement de tout cela, Excellences, nous sommes prêts à déposer nos armes et à vous suivre à Goma, pour mettre fin aux hostilités.
Apres les applaudissements des Evêques, L’Evêque de Goma a pris la parole pour dire au Président à l’intérim du Mouvement, le Colonel Makenga SULTANI, qu’ils ont écouté attentivement, qu’ils sont désormais informés et satisfaits des assurances que le M23 a donné concernant la balkanisation.
Pour terminer son mot, le chef de la délégation des Évêques de la CENCO, a demandé ce que le M23 attendait de l’Eglise.
Prenant la parole, l’Administrateur du territoire de Rutshuru, Monsieur Benjamin MBONIMPA, est revenu sur la balkanisation en disant que c’est une intoxication, un stratagème pour se dérober de ses devoirs régaliens et qui ne relève que de la fiction et des supputations du gouvernement congolais. Aussi le M23 demande-t-il aux Evêques d’être rassurés que la balkanisation n’existe que dans la tête de Kabila et de celles de membres de son gouvernement et demande à cette délégation de corriger le message qu’elle a donné à la population en prêtant des intentions au M23. La délégation du M23 a, enfin, exhorté les Evêques à dire fidèlement ce qui est, réellement, sorti de la bouche de l’autorité numéro un du M23, à savoir que, si cela ne peut dépendre que du M23, la Balkanisation n’existera jamais au Congo. A cet effet, le Colonel MAKENGA priera aux évêques de rapporter que les symboles de l’Etat congolais n’ont pas été touchés : le drapeau flotte et l’hymne national est partout chanté.
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