Bahati Amani
08/01/08
Avec le temps, le Kivu a fini par montrer qu’il représente un espace stratégique pour la RDC. La survie des institutions nationales dépend en grande partie de l’atmosphère qui règne dans cette partie du pays. Le président Joseph Kabila le sait très bien. Mais l’amateurisme des acteurs politiques congolais ne peut nullement inciter à l’optimisme. Le fait de voir qu’une conférence convoquée dans la précipitation prendre du temps pour démarrer, alors que tous les participants sont déjà présents, suscite des interrogations sur les intentions des organisateurs qui ne se rendent pas compte que ces hommes et ces femmes ont abandonné leurs familles pour venir plaider une cause salutaire.
Dès le départ, le représentant de Joseph Kabila, le général Numbi Kalume, ministre de l’intérieur, a répété comme un bon perroquet, les propos que le raïs aime déclarer, à savoir : « tous les groupes armées n’ont qu’un seul choix : soit accepter de revenir à la vie civile par la démobilisation, soit accepter d’intégrer l’armée nationale par le processus du brassage. » Il ne suffit pas d’être analyste politique pour voir vers quel mouvement est dirigée cette phrase. Sans pourtant s’attarder à la polémique organisationnelle, il y a des éléments de fonds qui ne permettrait pas en deux semaines de résoudre les problèmes du Kivu dans leur complexité. Sauf si les participants sont des démiurges, ce qui est loin d’être le cas.
Le mauvais accueil des participants
A l’exception du territoire de Masisi et RutShuru, l’ abbé Apollinaire Malu Malu et son ami Vital Kamerhe ont sillonné toutes les montagnes et les collines du Nord et du Sud Kivu pour expliquer le bien fondé de cette ultime rencontre pour le Kivu. Les populations ont cru, elles sont venues à Goma. D’après nos compatriotes en provenance d’Uvira, de Bukavu, de Baraka, de Luvungi etc., rien n’a été fait pour les accueillir. Excepté les discours pompeux qui se crient dans les salles de l’Université Libre des Grands Lacs de Goma où se déroule la conférence, rien n’est fait pour que les gens prennent au sérieux ce qui se passe. Bien sûr qu’il y a quelques déclarations tapageuses de certains ambassadeurs occidentaux qui n’ont pour vérité que de façade. Mais la réalité est que, les délégations venues de l’intérieur souffrent sérieusement. On se demande où trouveront-t-ils de l’énergie pour discuter du destin du Kivu ? Un des délégués du Sud Kivu n’a pas caché sa colère en déclarant à notre rédaction : « nous ne savons pas ce que nous sommes venu faire ici. On nous a parqués dans une salle non préparés et on ne nous donne même pas à manger. Ce sont nos amis députés de Kinshasa qui nous donne de temps en temps un peu d’argent que nous nous partageons pour la restauration. S’ils n’étaient pas là, on ne sait pas… en tout cas, Kabila a échoué ! »
La suspicion permanente
D’après nos sources, tout le monde suspecte l’autre de connivence avec l’ennemi. Les compatriotes de Kinshasa sont persuadés que le gouvernement a organisé ces assises pour donner la partie Est du pays au CNDP. Le gouvernement de son côté, essaie de tirer le diable par la queue, en montrant que c’est par le moyen de la conférence que la paix reviendra au Kivu. Les membres de l’AMP savent que 2011 arrive bientôt. Pour cela, il faut tout faire pour ne pas perdre le Kivu, ce qui sera synonyme de perte de pouvoir à Kinshasa. Quant au CNDP, ses revendications demeurent inchangées. Le départ des FDLR, le retour des réfugiés congolais des pays voisins et le respect du contrat social par les acteurs politiques. Ces réclamations légitimes sont loin de faire écho auprès des membres du gouvernement. A entendre les déclarations de Tchikez Diemu, ministre de la guerre à la BBC, le samedi 05 janvier dernier ou encore, celles de Kudura Kasongo, conseiller politique de Joseph Kabila, on se rend compte que l’heure est encore aux divagations. Pour le premier « il ne faut pas confondre une conférence à un dialogue et on ne peut dialoguer avec ceux qui ont pris les armes contre le pays… » Cela veut tout dire. Les propos du second peuvent se résumer en ces termes : « cette conférence a pour but de faire adhérer les populations du Kivu aux opinions du gouvernement. » Cette suspicion montre que l’objectif de cette conférence est loin d’être le bien être du peuple congolais, mais la survie du pouvoir de Kinshasa et la résurrection politique du RCD Goma.
Climat des participants
Tout le monde semble se sentir exclu. Les « Bami » du Nord et du Sud Kivu ont menacé de quitter la salle s’ils ne sont pas respectés. Les sociétés civiles des deux Kivu se plaignent d’avoir été écartées au profit du RCD Goma et du PPRD. Ils ont donné un ultimatum de quarante huit heures aux organisateurs. Le cas échéant, ils rentreront chez eux. Les Mai- Mai promettent le feu suite à leur exclusion. Ils ne digèrent pas qu’on leur demande : « de prendre les armes et d’aller sur le champ de bataille. » Les FDLR chers à Joseph Kabila et aux FARDC ne comprennent pas encore leur exclusion de la conférence, alors que ce sont eux qui défendent le territoire chaque fois que les FARDC battent en retraite face aux frappes militaires du CNDP. Pendant que les congolais se demandent ce qu’ils sont venus faire à Goma, des ambassadeurs, et William Swing en premier se pointent en premier pour dire toute leur satisfaction. Tout compte fait, la suite nous donnera tort ou raison. Mais cette conférence est une galerie de plus et ne contribuera pas à rétablir la paix dans le Kivu pour un réel développement. Le développement de la RDC passe nécessairement par le respect de ce peuple par ses dirigeants, la reconnaissance que la démocratie donne des droits mais aussi des exigences, parmi lesquelles la bonne gouvernance. Loin d’être pessimistes, la question du développement et de la construction d’un état fort exigent plus de sérieux et plus de préparation à travers un engagement vrai et sincère. Ce qui est loin d’être le cas en RDC.
Kivupeace / Lyon, France