Jean N’Saka Wa N’Saka, Journaliste indépendant
06/04/09
On a de plus en plus la certitude que le limogeage de Vital Kamerhe, Président de l’Assemblée nationale, par sa famille politique, était un coup de tête. On s’aperçoit que c’est une action qui n’a pas été suffisamment mûrie, dont on n’avait pas sérieusement pesé les conséquences orchestrée sans s’entourer de précautions requises. Certains disent que c’est une page tournée qu’il n’est plus indiqué d’évoquer, car il faut tourner désormais le regard vers l’avenir. Ne disent cela que ceux qui voudraient déguiser leur embarras après avoir agi comme les apprentis sorciers, et ceux qui ne mesurent pas les conséquences fâcheuses probables de certaines actions hasardeuses. La page ne sera tournée que lorsque l’Assemblée nationale sera dotée d’un nouveau bureau. Même si cette étape est plus ou moins franchie, on ne sera pas pour autant réellement sorti de l’auberge. Il faudra que le nouveau président soit à même de détendre l’atmosphère viciée par la crise de démission controversée du bureau précédent, et d’imprimer aux débats en plénière le tempo d’équilibre et d’équité entre la majorité allergique à la contradiction et l’opposition qui sert de vernis de démocratie au système. C’est après la démission de Kamerhe proclamée par lui-même en plénière à la veille de l’arrivée du Président français Nicolas Sarkozy qu’on se rend compte que son remplacement tient de l’énigme. Le PPRD et l’AMP sont encore à la recherche difficile d’un successeur idéal du partant. Selon les échos qui s’ébruitent des cercles de ces structures, la solution de l’énigme n’est pas facile.
Dans un pays où la politique est considérée comme une carrière et une activité rémunératrice, des ambitions ne peuvent pas manquer et se sont manifestées en pagaie. Malgré ce flux d’ambitions, le leadership de la plate-forme qui a le dernier mot à dire, tarde encore à y découvrir l’oiseau rare ; alors qu’il n’aurait pratiquement que l’embarras du choix. La difficulté n’est pas que les candidats sont les uns aussi bons que les autres. La difficulté qu’on éprouve est celle de trouver le pendant de Vital Kamerhe ; un homme doué, stratège, manœuvrier, meneur d’hommes, qui peut l’égaler pour le faire oublier au lieu de le faire regretter. L’opinion constate maintenant qu’on avait mis la charrue devant les bœufs. Contraindre Kamerhe à rendre son tablier aurait pu être le dernier acte ; le premier acte aurait dû être la certitude absolue du choix de son successeur. Pareille démarche suppose une action bien réfléchie, suffisamment étudiée sur toutes les coutures, à l’opposé d’un hold-up qu’on a opéré. Quand ce choix tardif difficile du successeur sera fait, il s’ensuivra sans doute d’autres désagréments. Aux blessures d’amour-propre causées par le départ de Kamerhe s’ajouteront les frustrations ressenties par ceux à qui la chance n’aura pas souri pour lui succéder, alors qu’on les avait encouragés à manifester leurs ambitions. Il ne faut pas être sorcier pour pressentir les difficultés qu’auront le nouveau président et son bureau à gagner la confiance et l’estime comme avaient réussi à le faire leurs prédécesseurs, la coalition n’étant plus aussi soudée qu’elle était au début de la législature jusqu’à l’apparition de cette crise qui laisse des stigmates de ressentiment et de la méfiance dans le cœur d’un certain nombre de députés. Puisque c’est la même coalition majoritaire au pouvoir qui s’est fissurée et a ébréché sa cohésion, il faut que l’oiseau rare activement recherché ait du ressort et les reins solides pour s’affirmer et maîtriser la situation, afin que la Chambre basse ne sombre pas dans l’anarchie, l’immobilisme et le blocage. C’est cette perspective qu’on entrevoit, du fait que les forces occultes tentées de ressusciter le Conseil législatif en Chambre basse ne sauraient le faire, les députés n’étant pas aussi homogènes et brevetés d’une école de parti qu’étaient les commissaires du peuple. C’est cette résistance qui conduira à l’anarchie, à l’immobilisme et au blocage. Toutefois, à entendre les conciliabules qui se tiennent encore dans les sphères PPD-AMP et les machinations qui s’y ourdissent toujours à propos de l’affaire Kamerhe, force est de constater que le bref séjour du Président français Nicolas Sarkozy à Kinshasa a été une courte période d’accalmie momentanée et illusoire. Son discours n’a pas été assimilé et mis à profit. On s’acharne à vouloir faire litière des textes légaux et réglementaires. Selon certains, Kamerhe ne devrait même pas expédier les affaires courantes jusqu’à l’élection et l’installation du nouveau bureau. Une accumulation d’inepties dont l’oiseau rare qu’on est en train de chercher devra fatalement subir l’onde de choc.
Le Phare