Antoinette K. Kankindi
Navarre, 22/01/08
1990, à l'heure où le vent venu de l'Est balayait les régimes autoritaires de l'Europe orientale et centrale, le président français annonçait qu' « il y aura une aide normale de la France à l'égard des pays africains, mais il est évident que cette aide sera plus tiède envers ceux qui se comporteraient de façon autoritaire et plus enthousiaste envers ceux qui franchiront avec courage le pas vers la démocratie ». Avec ces paroles, le président français déclarait pour la première fois que son pays accorderait une prime à la démocratisation des régimes africains. Ce discours se tenait au célèbre sommet franco-africain de la Baule, juin 1990. Il prit alors la peine d'expliquer ce qu'il voulait dire : « lorsque je dis démocratie, lorsque je dis que c'est la seule façon de parvenir à un état d'équilibre au moment où apparaît la nécessité d'une plus grande liberté, j'ai naturellement un schéma tout prêt : système représentatif, élections libres, multipartisme, liberté de presse, indépendance de la magistrature, refus de la censure…A vous peuple libres, à vous Etats souverains que je respecte, de choisir votre voie, d'en déterminer les étapes et l'allure ». Nous connaissons la suite de la contribution de la France à la démocratisation, surtout en Afrique des Grands Lacs, avec son active participation au génocide au Rwanda, et sa responsabilité dans l'instauration des forces qui déstabilisent la RDC depuis 1994.
Comme le disait déjà Boutros Ghali, alors ministre égyptien des affaires étrangères présent à la Baule, tout le monde était d'accord quant au principe, mais aussi tout le monde était d'accord sur le fait que personne ne savait comment s'y prendre, car disait-il, multipartisme ne voulait pas nécessairement dire liberté pour tous. La RDC d'aujourd'hui peut ajouter à ces propos que même les élections ne veulent pas dire liberté. (Curieusement Mobutu et Houphouet Boigny ont manqué au rendez-vous de la Baule !)Voyez où en est le candidat malheureux aux élections de 2006, et où en est le seul mouvement de résistance qui réclame encore, et sans se fatiguer, la liberté la plus élémentaire, celle de vivre et d'être citoyen ; celle d'exiger que le leadership assume ses devoirs. Car c'est cela la lutte du CNDP, malgré tout ce qu'en disent les medias inféodés aux extrémistes du régime de notre jeune raïs. Celui-ci, après avoir manqué l'ouverture d'une conférence qui devait servir à redorer son image, a trouvé cependant le moyen de faire quelques crocs en jambe à des assises qui étaient supposées, faire oublier Mushaki, restaurer l'autorité de l'Etat à l'Est et tant d'autres grandiosités. Observant de très loin, donc sans l'adrénaline de ceux qui se sont livrées aux accusations et condamnations verbales incendiaires dans les locaux de la conférence, on se demande si vraiment le raïs ne continue pas à caresser son option guerrière. Voilà qui en dit long sur les raisons pour lesquelles la conférence n'a pas pu être clôturée le 22 janvier.
On soupçonnait déjà que tout cela pouvait être de la mascarade à voir le nombre de déclarations qui parlent du Rwanda qui doit se démocratiser, quand on discute paix et développement au Kivu. Certains journaux ont donné l'impression que le seul point à l'ordre du jour était le sort d'une personne. D'autres ont donné l'impression qu'il s'agissait de plaider la cause des FDLR, négligées par leur suprême parrain. Normal, s'il agit de son armée supplétive. Pour couronner le tout DigitalCongo annonçait triomphalement, aujourd'hui même une loi sur l'amnistie commençant son article avec un « très rapidement, nous nous sommes convenus avec le CNDP, en accord avec le président de la République que nous puissions nous engager ». Ce triomphalisme émeut moins ce qui savent déjà comment le raïs tient ou ne tient pas les engagements. Cfr Accord de Rome, Gentleman's agreement de Kigali, Accord de Nairobi etc… Curieusement Digitalcongo écrit son article à la première personne du pluriel, donc on ne sait si c'est toute la conférence qui parle, ou si c'est le rapporteur ou même le président de la de la conférence ou le journaliste. Il ne faut pas se faire des illusions, si le raïs a séché la clôture le 22 janvier, c'est que la clôture aura lieu un autre jour ou la conférence se terminera en dispersion inorientée pour ne pas dire désorientée. Le contraire surprendrait.
Mais, les consciences averties ont de la patience, surtout quand la finalité en jeu est si noble et qu'elle requiert que l'on calibre bien les moyens honnêtes pour l'atteindre. Ces mêmes consciences continueront à travailler et à attendre patiemment l'heure des vraies négociations que cette conférence aura voulu éclipser. Un bon nombre de participants à la conférence ont tenu de propos plus guerriers que pacifiques, il fallait s'y attendre. C'est toujours la qualité qui donne des résultats, pas la quantité. La paix demeure donc partie remise, mais une fois de plus on aura publiquement constaté une volonté politique défaillante de la part de ceux qui tiennent les rennes d'une démocratie qui n'a pas encore les titres pour être considérée telle. C'est là le côté tragique de l'affaire.
Le côté comique tient du destin diplomatique qui échoit à la « ville-lave » aujourd'hui. D'abord la délégation angolaise qui est venue et repartie, presque en catimini. Ensuite, il fallait voir la photo que le Soir a apposée pour illustrer son article rapportant la visite de Charles Michel au camp de Buhimba. Et bientôt ce sera le tour de Bernard Kouchner, un saut à Goma démange littéralement ces diplomates de haut vol. Mais quand la France entre dans la danse aux Grands Lacs africains, il faut se méfier. Cela donne du tonus aux génocidaires et autres extrémistes de même plumage. Un signe qui vaut bien un approvisionnement. Des engagements historiques encore en cours. Des primes enthousiastes, que Mitterand promettait, à distribuer aux seuls bénéficiaires de la démocrature instituée chez nous par cette chère communauté internationale ? Qu'en savons-nous ! Bernard Kouchner doit tout de même savoir que l'équilibre de force souffle non plus au gré de la globalisation, c'est le vent qui secoue les autoritarismes d'aujourd'hui. La communauté internationale commence à s'en rendre compte par les résultas de son « protégé » au Congo. Et qu'il ne sera pas si aisé de financer ou soutenir si facilement une autre guerre génocidaire. A bon entendeur !
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