Antoinette K. Kankindi
Navarre, 16/01/08
Koko Swing est parti de sa chère RDC sans fanfare ni trompette! Quoi qu'il ait affirmé qu'il laissait le pays sur une note d'espérance, le « gardien » de la transition congolaise, puis de la toute nouvelle république sortie des urnes discutables et discutées de 2006 ne pouvait plus empêcher son visage soucieux de garder les traits tirés ces derniers mois. Percevait-il comme les déplacés et les exilés du Kivu que sa mission n'avait accouché que de résultats frustrants pour le dire avec des mots pour le moins mitigés? Mais il ne pouvait pas partir sans un dernier saut à Goma, et d'ailleurs son successeur y fait son premier depuis hier. Décidément la petite ville calcinée par l'impitoyable Nyiragongo occupe de plus en plus une place privilégiée, mais pour l'instant sans aucun résultat duquel sa population puisse s'enorgueillir. Elle est le théâtre d'un autre ballet qui risque de tourner à la cacophonie. Le ciel nous en garde. Elle grouille d'un monde bigarré. Aux représentants des chancelleries étrangères, tribus autochtones, allautochtones, ONG, diverses sociétés civiles, groupes armés, ministres, députés, nouveau représentant du SG de l'ONU s'est ajouté hier le raïs lui-même, et M. Charles Michel incessamment. Le chef de l'État y a atterri, sans fanfare ni trompette non plus ! Seule l'indiscrétion des journalistes a réussi à lui faire crépiter une menace, à peine voilée, à l'intention du leader du CNDP, en discordance totale avec l'effort général en direction de la paix. Enfin, restons dans le rêve de paix qu'est la conférence et notons que celle-ci fait de Goma le cœur d'un nouvel ordre en RDC.
Les sceptiques croient que, puisqu'elle ne prendra pas de décisions mais ne soumettra que de recommandations au chef de l'État et au Parlement, elle risque de subir le sort des commissions diverses et autres conférences dont le pays a déjà une longue expérience. Elle a commencé à leur donner raison puisqu'elle éclipse des choses graves qui se passent comme la nomination d'un cabinet de 60 conseillers pour le premier ministre ! Où passé le sens de la mesure ? Les sceptiques ont raison de se méfier. Car il est difficile de régler des problèmes d'ordre national et régional avec des notables des chefferies du coin, même si c'est sous l'œil à la fois amusé et calculateur des prédateurs occidentaux. Ils ont raison de se méfier car, la conférence n'a pas été l'occasion de tempérer le ton divisionniste d'un bon nombre d'intervenants au moins jusqu'à présent. L'on ne saurait construire une paix sur le divisionnisme tout simplement parce qu'il est aéré en public. C'est en vain que l'on cherche un discours intégrateur et réconciliateur si on ne sort pas de cette tendance.
Une exception cependant, en marge des discours théoriques du premier jour de la conférence, aura été l'intervention du CNDP remarquée par son ton respectueux, patriotique sans cesser d'être musclé et constructif. Cette conférence n'aura pas été l'assise des négociations et du dialogue que ce mouvement n'a pas cessé de prôner depuis le début. Avec un peu de bon sens cela devrait venir au moment opportun. Elle aura été néanmoins la tribune de laquelle le mouvement a pu s'adresser à la nation avec une sincérité qui a dû surprendre ceux qui entendent parler du CNDP seulement à travers les medias de l'intoxication. C'est notamment le cas de ceux qui se surprennent qu'il réclame le retour du chef de l'opposition ! Quoi de plus naturel puisque l'opposition a au moins la même légitimité que le pouvoir en place. Pourquoi son chef resterait-il indéfiniment écarté des affaires publiques du pays dans une période aussi cruciale ?
Confrontée à une crise structurelle endémique, la RDC ne peut pas hypothéquer l'avenir à travers une conférence qui donne l'image d'un cocktail explosif à partir d'ingrédients abrasifs comme le problème des FDLR que tout le monde reconnaît être la principale cause de l'insécurité, mais alliées du gouvernement, des conflits fonciers, la participation au pouvoir (que le gouvernement avait pris soin d'exclure de l'agenda), les réfugiés et les déplacés internes, et les revendications des groupes armés. Jusqu'à présent la capacité du gouvernement de gérer les crises n'a pas convaincu. Le soutien de la communauté internationale à travers la Monuc n'a pas convaincu non plus puisqu'elle a été émaillée de scandales énormes. L'option militaire a échoué. Il faudra éviter que cette conférence ne se termine pas en queue de poisson. La légitimité des nouvelles institutions de la RDC dépend de la manière dont les recommandations de cette conférence seront gérées. Celles-ci devront inclure quelques éléments qui devraient figurer en toute priorité, notamment:
– Corriger le discours au niveau du pouvoir et à la base pour déraciner le divisionnisme facile et revanchard qui se meut si facilement en haine et xénophobie. La conférence n'a pas fait exception, et il est particulièrement inquiétant de constater à quel point ce discours est encore présent, même au niveau d'ONG internationales. Il est si répandu parce qu'il constitue un instrument que le pouvoir lui-même manie, relayé par les médias qui influence l'opinion. Sans cette correction, il est impossible de penser une réconciliation qui aille au-delà d'un slogan vide.
– Mettre fin à la guerre. Il n'y a pas encore un cessez-le-feu de droit comme tel. Une fois le cessez-le-feu décrété, il faudra alors des mesures répondant aux revendications légitimes des fils du pays qui ont pris les armes pour des raisons dont l'objectivité a été pleinement expliquée à la conférence. Négocier avec les groupes armés nationaux en tenant compte des leurs doléances respectives constitue une condition indispensable à la réconciliation nationale. Pour ce faire, il faut distinguer clairement ces groupes nationaux de groupes étrangers.
– Honorer sans ambiguïté les engagements pris par la RDC pour le désarmement et rapatriement des FDLR. Leur alliance avec les FARDC doit cesser formellement.
– Penser un meilleur mécanisme de l'intégration et de la gestion de l'armée et réduire l'excessive présence militaire des FARDC et de la MONUC dans l'Est.
– Prendre des mesures de rapatriement expéditif des réfugiés et la réinstallation dans leurs lieux d'origine.
– Quoi que la conférence n'avait pas le droit de toucher des questions d'ordre constitutionnelles, elle devrait cependant recommander le re-examen de certaines dispositions constitutionnelles dans le sens de préparer une meilleure réconciliation et intégration. C'est notamment le cas des dispositions relatives à la nationalité et les dispositions relatives au système de gouvernance. Il est plus que temps d'envisager le système fédéral qui permettrait une meilleure gestion des ressources humaines et matérielles du pays, ainsi qu'une meilleure participation démocratique à partir de la base. Le système actuel ne permet pas de relance économique viable pour les régions.
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