Xavier Mirindi Kiriza
24/05/07
Pour ceux qui l'ont peut-être oublié, les sophistes sont ces anciens philosophes et rhéteurs grecs antiques qui faisaient du sophisme. Lequel, dit Larousse, est un faux raisonnement conçu dans l'intention d'induire en erreur.
Nous sommes tenté de croire, depuis que nous suivons Me Azarias Ruberwa, l'ancien vice-président, dans ses développements discursifs, qu'il ne manque véritablement pas d'atomes crochus avec ces braves penseurs. Cela parce que toutes les fois qu'il a fini de parler, nous réalisons que nous n'avons rien compris de son discours. Mieux, qu'il a plus jeté du brouillard dans notre esprit qu'il ne nous a éclairé.
Interrogé, il y a deux jours, par un confrère de Rfi, sur l'avenir politique de son ancien collègue, Jean-Pierre Bemba, visiblement rattrapé par ce qu'il convient d'appeler la mauvaise aventure de son armée à Bangui (Centrafrique) à la rescousse du président Patassé dont le fauteuil était menacé, l'ancien vice-président a reconnu que cet avenir pourrait effectivement être compromis. A condition, a-t-il ajouté à raison, que les preuves de sa responsabilité dans les éventuels forfaits commis par cette armée soient apportées. Non sans souhaiter vivement que, dans cette affaire, la justice soit juste, impartiale, etc.
Jusque-là, le discours est limpide et correct. Mais, là où il cesse de l'être et crée, par conséquent, la confusion dans les esprits, à commencer par le nôtre, c'est lorsque l'ancien vice-président- fervent homme de Dieu doublé d'un excellent avocat- soutient que tout en veillant au respect strict de la loi, l'on tienne compte absolument, pour le cas de Jean-Pierre Bemba, de la donne politique. Autrement dit, si nous l'avons bien compris, Me Azarias Ruberwa propose que son ancien collègue bénéficie d'une mesure de grâce au cas où, à la fin de son éventuel procès, il était reconnu coupable. Ou carrément, que ce procès n'ait pas lieu du tout. A ce sujet, nous nous posons deux questions. La première est celle-ci : du moment que l'on innocente ou que l'on ne punit pas un coupable avéré, la justice est-elle encore juste et impartiale ? Est-elle encore la même pour tous ? Manifestement, Ruberwa dément là cet homme de loi, son confrère, qui affirme que lorsque le droit est pour quelques-uns, il n'est plus pour personne.
La deuxième question consiste à savoir à qui se fier, à qui se confier encore, dès lors que le culte de l'impunité est ostensiblement professé par un homme de Dieu et de loi.
Dans son sophisme, l'ancien vice-président est allé plus loin en soutenant encore que l'éventuelle inculpation de Jean-Pierre Bemba pourrait assombrir la situation politique dans notre pays. Personnellement, nous nous demandons de quelle manière. L'ancien vice-président de la Commission économique et financière aura été jugé et condamné pour des forfaits commis indirectement par un chef rebelle à la tête d'une armée insurrectionnelle. Vraiment, il faudra qu'on nous explique comment un cas comme celui-là pourrait concerner de près ou de loin l'Etat congolais. Qui, pour l'honneur et le respect de la justice, doit accepter sereinement que son ressortissant, reconnu objectivement coupable, boive jusqu'à la lie son éventuel calice.
Mais, nous avons bien compris Azarias Ruberwa. On raconte que lorsque la tête de Charles 1er d'Angleterre- décapitée par ses sujets- roula sur l'échafaud, tous les monarques européens eurent mal à la nuque. L'ancien vice-président sait parfaitement qu'il n'y a pas que Jean-Pierre Bemba qui, en RDC, doit être approché par la Cour pénale internationale. Le parti à la tête duquel il se trouve, le RCD, a aussi en tant qu'ancien mouvement rebelle, beaucoup de situations qu'il n'a jamais expliquées aux Congolais.
En effet, pendant qu'il dirigeait ou co-dirigeait l'Est du pays, il s'est produit d'horribles massacres à Makobola, Kasika, Mwenga, Kabare, Walungu (Sud-Kivu), à Kisangani (Province orientale), etc. On a parlé même de l'enterrement de femmes vivantes à Mwenga et de viols comme l'une des stratégies de la guerre. Nous n'oublions pas le pillage des ressources. En ayant tout cela à l'esprit, il ne faut pas exclure le fait qu'en prônant une solution politique dans le dossier de Jean-Pierre Bemba, Me Ruberwa n'avait que le nom de celui-ci sur sa langue. En réalité, c'est pour sa propre maison qu'il prêchait. Autrement dit, c'est son propre cas qu'il défendait. Autrement dit encore, c'est l'inquiétude, son inquiétude, qui a parlé.
L'Observateur