RDC : Pas de Kouchner dans les Grands Lacs, s’il vous plaît !

Antoinette K. Kankindi

 Navarre, 10/11/07

 

kouchner.jpgAujourd'hui l'obligation de dénoncer les politiciens qui induisent leurs gouvernements à appuyer le pouvoir à Kinshasa dans sa détermination à faire cause commune avec les génocidaires est un devoir de résistance, voire de survie. C'était choquant de voir, il y a quelque temps l'américain Russell Feingold qui préside le sous comité des affaires africaines au sénat de son pays, se ranger du côté de William Swing, lors de son dernier voyage en Afrique, concrètement aux Kivus. Son collègue Brownback, qui a été aussi dans la région, ne semble y avoir vu que des réfugiés hutus, on se demande pourquoi il n'a pas daigné visiter, ou tout au moins parler des réfugiés tutsis croupissant dans les camps des réfugiés en pays voisins. Ni l'un ni l'autre n'ont encore fait des déclarations sur les déplacés que l'armée de Kabila isole même de l'assistance humanitaire. Ceux qui veulent savoir ce que Brownback a vu peuvent visiter son site internet. C'est choquant parce qu'il est très dangereux de la part des personnalités publiques, qui ont des comptes à rendre à leurs électeurs –système démocratique oblige- de minimiser par leurs attitudes ou déclarations le danger qui menace les tutsis congolais et la sous-jacente menace de guerre régionale que représente les FDLR. Mais du côté du pays de l'oncle Sam on remarque un léger effort, on se ressaisit, et la lettre de Feingold au président George W. Bush avant le voyage de Kabila à Washngton montre que l'on prend conscience de ce danger. Ce n'est pas certain dans le cas de Brownback. Peut-être il n'a pas encore pris la peine de consulter les sources correctes. Espérons que les citoyens du Kansas ne le laisseront pas fouler un sentier tout à fait erroné.

S'il y a une tendance de ressaisissement du côté des politiciens outre-atlantique à en juger par le communiqué du département d'Etat au début de ce mois, on déplore la maladresse des Nations Unies. On se demande bien à quoi aura servi le voyage de Hailé Menkarios si les FARDC et leurs alliées FDLR ont, hier, utilisé l'arsenal que la Monuc leur a transporté jusque dans les collines de Karuba, pour pilloner les positions du CNDP à Mushaki. Mais la maladresse de la Monuc et sa criminalité n'étonnent plus personne. Tout comme la fourberie de la diplomatie française dans les Grands Lacs d'ailleurs. A cet égard, il faut dans une certaine mesure saluer le report, in extremis, de la visite de Bernard Kouchner. Il est même préférable pour lui de ne plus jamais fouler le sol des Grands Lacs, surtout pas dans les circonstances actuelles. En effet il ne s'agit pas d'une affaire de quelques membres d'un personnel médical comme celle qui a emmené Sarkozy en catastrophe en Libye. Il ne s'agit pas d'une affaire d'une petite ONG s'exerçant au crime du trafique d'enfants, le dernier cas à avoir dépêché Sarkozy en catastrophe, une autre fois, sur le continent africain.

Où se trouverait la différence ? On est désolé pour le très médiatique Kouchner car son président lui dame le pion à l'avant-scène. Son « ego » d'habitué des caméras sur la scène internationale doit en souffrir un petit coup. Verra-t-on Sarkozy descendre sur la lave volcanique de Goma ? Pas très sûr et c'est ici qu'il faut expliquer la différence entre les manœuvres de la diplomatie française et toutes autres. Il s'agit de l'Est du Congo. Mr Bernard Kouchner, ayant été dépêché au Rwanda en 1994, pour le compte des Nations Unis, avec pour mission d'organiser les couloirs humanitaires n'a sans doute pas oublié ce qu'il a vu de ses propres yeux et que le monde connaît aujourd'hui.   C'est-à-dire que le pays dont il est le ministre des affaires étrangères a participé activement dans ce qui se passait alors au Rwanda, et par conséquent, dans ce qui se passe aujourd'hui au Congo. Ce pays n'a jamais reconnu sa part de responsabilité dans l'un et l'autre cas, confirmant ainsi que son dessein demeurait intact. Le dessein génocidaire de la France que les FDLR accomplissent si scrupuleusement est connu. Paris ne peut pas balayer d'un revers de la main, soit-elle du très expéditif Sarkozy ou de son fringeant ministre des affaires étrangères, treize ans d'histoire. Paris ne peut pas changer le fait que  la France, dans son dessein de régler ses comptes avec le gouvernement de Kigali, est en train d'appuyer Kinshasa pour enlever « l'obstacle Nkunda » de son chemin. Celui-ci en défendant, avec son CNDP, la communauté tutsie qui sinon serait à la merci des FDLR comme il est déjà arrivé depuis 1998, est la seule force qui résiste les FDLR et pourrait les désarmer s'il bénéficiait de l'appui logistique nécessaire.

Nkunda dérange dans le décor d'un autre génocide planifié. Il dérange puisqu'il est à la tête d'un vrai mouvement, qui plus qu'une insurrection, est une résistance contre l'extermination et une force pour l'édification d'une vraie paix. Voilà la raison pour laquelle il ne se fatigue pas de réclamer un dialogue dans un monde où les intérêts ont rendu ses interlocuteurs pratiquement sourds. La Monuc tient la position que tenait la Minuar dans le temps. Les soldats français ont été remplacés par les indiens, les uruguayens, guatémaltèques et que sais-je encore. Mais les officiers de la Monuc sont français et sénégalais. Sbires de la françafriques, ils continuent à appuyer les FARDC-FDLR contre le CNDP. En plus les vieux hommes de main, véritables mercenaires, tel que Barril n'ont pas disparu de ce décor. Et tant que ce décor persiste, cela veut dire que la politique génocidaire de la France demeure la même. En conséquence Kouchner ne fait pas partie d'une possible solution politique du conflit. Historiquement il fait parti du problème, jusqu'à preuve du contraire. Voilà pourquoi on est en droit de demander à la communauté internationale que, s'il lui reste encore une once de dignité, qu'elle nous épargne un visite de Kouchner. Les conditions ne sont pas réunies pour qu'il puisse s'aventurer dans les Grands Lacs sans honte et sans remords.

 

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