Antoinette K. Kankindi
Nairobi, 22/06/07
On n’a pas accordé assez d’importance à la caractérisation que Joseph Kabila fit de lui-même pendant la campagne électorale. Il s’était déclaré « porteur d’œufs ». La raison de ce manque d’importance tint au fait qu’il se précipita à la casse entre les deux scrutins, et plus tard, au mois de mars dernier. La parabole du « porteur d’œufs » qui casse perdit ainsi la crédibilité puisqu’en plus, la casse ne s’arrêta pas là. Son effort de déstabiliser le Sud-Kivu avec l’aide de son pion Masunzu et leurs alliés les FDLR continuent le travail sans relâche. Mais au Nord-Kivu ils n’eurent pas autant de succès car ils se heurtèrent contre une résistance juste un plus patriotique et peut-être plus coriace qu’ailleurs. De là l’approche négociatrice qui conduisit au Gentleman’s agreement de Kigali et le tant décrié processus de mixage. Car il faut reconnaître que le langage des armes n’est pas le plus approprié pour trouver des solutions aux problèmes uniquement politiques. Il y eut bien d’autres efforts dans ce sens tel que les réunions dites Tripartite+1 sur la sécurité dans les Grands Lacs. Le résultat qu’on serait en droit d’attendre de toutes ces démarches laissent encore à désirer, car ceux qui par pudeur et sens de bonnes manières il convient seulement d’appeler prédateurs ne veulent pas de solutions politiques pour les Grands Lacs. Nous avons vu cela dans l’acharnement de Mr William Lacy Swing à décrocher une extension du mandat de la Monuc juste en suscitant une aversion contre la solution du Gentleman’s agreement de Kigali. Il a fallu un autre petit effort dans ce sens pour mettre en marche « de la grosse artillerie » des Nations Unies, rien de moins que le Conseil de Sécurité dont la délégation était conduite, comme on pouvait s’y attendre, par personne d’autre que le français Jean Marc de la Sablière. Ce n’est pas du tout par hasard. La France a ce que les anglophones appellent « unfinished business » dans les Grands Lacs, une dent contre les tutsi. Et pour assouvir cette revanche, elle est prête à tout, comme elle l’était dans les années 1990.
Et pour preuve, après maints conciliabules avec le Sénat, le président de la République, conférences de presses, cette fameuse délégation du conseil de sécurité a réussi encore une fois à réduire le problème congolais à l’insécurité dans le Kivu. Du coup les congolais ont oublié qu’ils avaient un gouvernement qui leur devaient non moins de cinq chantiers, desquels la sécurité avait été soigneusement omise dans les discours de Kabila. Ce qui étonne quand on sait que c’est Kudura Kasongo qui lui prépare les discours ! Les congolais n’ont pas été informés de l’agenda de Mr de la Sablière en matière des contrats léonins, et pourtant agenda il y a ! Tous ces détails sont à tenir en compte pour une chronique d’une opération « Turquoise bis » en vue, aux bons soins de Mr de la Sablière. La diplomatie en surface ne répondait qu’au besoin de tromper les apparences et la réalité ne s’est pas faite attendre. Des mouvements de troupes dans la forêt équatoriale entre Kisangani et Walikale, c'est-à-dire en passant par Beni, Butembo… Et fort de ces mouvements de troupes les inconditionnels alliés des FDLR –devrait-on dire les collabo ?- dans ces contrées s’activent sur le net dans leurs invectives contre les forces du « maquisard de l’Est ». Mouvements de troupes relayés par la hausse de ton des parlementaires préconisant l’option militaire. Ces parlementaires ont tous été élus sur la promesse de paix, et les voilà en train de préconiser la guerre en bons élèves des visées génocidaires de la France. Ces visées sur les Grands Lacs datent d’il y a longtemps. Ceux qui sont attentifs à l’histoire croient qu’elles remontent de la vieille affaire « Fachoda », un incident colonial au cours duquel, répondant à un ultimatum de l’Angleterre, celui qui était alors ministre des affaires étrangères en France en 1899, fut obligé de faire déguerpir les troupes françaises pour laisser la place aux anglais. Mais il y a lieu de supposer que les parlementaires du Kivu ne poussent pas leur zèle jusque dans ce genre d’études historiques si nécessaires à la survie de notre peuple ! Au lieu de cela, ils dansent aveuglement au rythme de ceux qui veulent détruire l’avenir de nos enfants. C’est presque risible de lire comment, le dynamique, intelligent et éloquent président de l’assemblée a récitée sa leçon en bon élève pour montrer combien l’agenda de la communauté internationale a été mis en pratique en RDC: « nous avons dit comment nous avons été élus, comment nous avons impliqué l’opposition dans les commissions… ».
En attendant, il y a la résolution 1756 qui passe inaperçue des congolais occupés à vilipender le mixage. En réalité, avec cette résolution, la RDC est une nouvelle fois sous tutelle d’un organisme qui ressemble à un navire qui prend de l’eau partout. Et encore une fois, aux bons soins de la diplomatie française à l’ONU. Il n’ y a pas vraiment de partenariat pour le Congo dans cette résolution. Certains parlent même d’une recolonisation sous le mensonge pieux de partenariat. Il faut appeler la démarche par son nom : c’est de l’ingérence coupable, une autre forme de paternalisme contre lequel seul le « maquisard de l’Est » s’oppose en termes clairs, n’en déplaise à ses détracteurs. Mais ce qui fâche le plus c’est voir les députés de l’Est se laisser obnubiler par les diplomates de l’ONU et s’obstiner à réduire leur débat au mixage, qui a d’ailleurs ses mérites, au lieu de penser au développement de l’infrastructure qui manque tant cruellement dans leurs circonscriptions respectives et à tant d’autres limites auxquelles les FDLR ont mené des populations entières. Ils ne pensent pas aux écoliers qui doivent encore marcher 15 kilomètres pour atteindre des écoles délabrées ; ils ne pensent pas aux hôpitaux sans équipements ni médicaments, ni infirmières qualifiées ; ils ne pensent pas à la logistique qu’il faut aux brigades mixées pour faire « nettoyage » des forces négatives etc… La liste couvrirait un traité sur le développement de toute une région. Au fond c’est avec un leadership pareil que l’occident s’assure encore un control sur le continent. Et avec cela, le « porteur d’œufs » continue tranquillement la casse.
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