Antoinette K. Kankindi
Navarre, 05/01/08
Le quotidien “La liberté” d’Alger a trouvé, à propos de la crise kényane, une expression éloquente pour décrire l’effet des fameuses élections démocratiques qui se succèdent sur le continent Africain. Un petit morceau de l’article vaut la peine d’être cité : « Sur le continent noir, le coup d’État traditionnel consistait à déposer un chef par les armes (…). Aujourd’hui, il consiste à conserver le pouvoir en maintenant les résultats des élections, quitte à prendre le risque d’une émeute, voir d’une guerre civil. C’est le choix entre un individu ou le chaos ». Le problème est que même après l’intronisation d’un individu, le chaos est souvent difficile à contrôler car, malgré tout, le mécontentement est toujours le fruit des injustices que le leader élu ne résoud pas.
La pauvreté des masses, le chômage d’une grande partie de la population en âge de travailler, l’insécurité physique des biens et des personnes aggravée par le divisionnisme à outrance, l’insécurité culturelle même dépassent largement les intérêts partiaux de ceux qui gagnent les élections généralement entachées de fraude massive. Pour affronter ce genre de défis, il ne suffit pas d’être élu par fraude, encore faut-il être doué d’un grand sens du bien commun de toute une nation dans sa diversité. A défaut de ceci, le leader élu se retrouve dans la situation du président congolais en ce moment : Une année d’exercice de son mandat s’est soldée par une déception massive du peuple. Sous le coup d’une grande pression d’on ne sait que trop les auteurs, il veut rectifier le tir avec la Conférence de paix de Goma. Les sceptiques quant à l’efficacité de ce genre d’assises en ont déjà prédit l’échec.
Tout en voyant les limites presque insurmontables, il sied de penser qu’il faille donner à toute démarche vers la paix sa chance de réussir. C’est seulement dans ce sens que l’on comprend la participation, avec bonne volonté, du CNDP. Donc, laissons de côté le fait qu’elle ait été convoquée trop précipitamment pour être bien préparée, et ce malgré le changement de date. Laissons de côté sa composition qui allèche les per-diemistes comme certains l’ont déjà dit. Laissons de côté l’inopportunité de son coût qui aurait mieux servi au secours des déplacés, et oublions que sa composition et même son agenda ne répondent pas à la cause de l’insécurité dans le pays et dans la région. Oublions enfin que, comme l’option guerrière du président, elle court-circuite l’Accord de Nairobi.
Alors que faut-il penser la veille du début de cette conférence ? Deux congolais célèbres nous en donnent le ton aux micros des journalistes comme toujours. Mais il ne s’agit pas du tout d’un ton pacifique:
– Le premier, c’est l’abbé Malu Malu qui, lors de sa campagne de sensibilisation au Sud-Kivu, a expliqué au fond comment cette initiative ne vise rien d’autre qu’entretenir l’équivoque. Il a dit à son public pour rassurer quant au succès de la conférence: « une conférence n’échoue jamais parce qu’elle n’est pas une négociation ». Révélatrice cette clarification du guru de la démocratie congolaise. On ne négociera pas à Goma, qui fera-t-on ? On ne dialoguera pas non plus. Le dialogue se tient entre deux protagonistes, pas entre 600, ni même entre 400, la cacophonie de la CNS et de Sun City est un précédent convaincant. A qui était adressée cette clarification ? A ceux qui ont encore peur de résoudre politiquement le conflit à l’Est.
– Le second c’est le guru des affaires militaires à la 8ème région, le célèbre colonel Delphin Kahimbi. Xinhuanet du 4 janvier qui rapporte ses propos. Tout en sachant quel est vraiment le fond du problème de l’instabilité à l’Est et en voulant rappeler au monde l’alliance de l’armée dans laquelle il sert avec les FDLR, il a déclaré « que le démantèlement du groupe armé étranger des FDLR basé à l’Est de la RDC n’est possible qu’après le désarmement du général dissident Laurent Nkunda (…) – qui selon lui– doit disparaître afin de permettre aux troupes loyalistes de se mouvoir dans les positions qu’il occupe ainsi que pour plus de facilité et pour plus de manœuvres opérationnelles et logistiques. Pour le commandant Kahimbi, – poursuit Xinhuanet- la sensibilisation annoncée par le ministre Chikez Diemu ne doit pas se limiter aux groupes armés, mais elle doit s’étendre aux groupes ethniques (…) ». Inquiétant tout cela, surtout quand c’est proféré à la veille d’une conférence de paix. Non seulement on entretien l’équivoque, mais le dessein persécuteur contre les victimes de xénophobie est on ne peut plus clairement planifié !
Un double langage qui démenti encore plus évidement que cette conférence de paix n’échappera pas à une instrumentalisation dangereuse : celle de la division et de l’exclusion. Que de prudence il va falloir aux participants !
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