AFP
17/12/12
La Cour pénale internationale a acquitté mardi l'ancien chef de milice congolais Mathieu Ngudjolo Chui de crimes contre l'humanité et crimes de guerre, l'accusation n'ayant pu prouver qu'il avait dirigé l'attaque en 2003 d'un village du nord-est de la République démocratique du Congo ayant fait plus 200 morts.
Les juges n'ont pas pu conclure, au vu de l’ensemble des éléments de preuves figurant au dossier, que "l'accusé était le chef des combattants Lendu ayant participé à l’attaque de Bogoro le 24 février 2003", a déclaré le juge Bruno Cotte à La Haye, siège de la CPI.
Le juge français a demandé au greffier de prendre les mesures nécessaires pour la libération de Mathieu Ngudjolo, détenu à La Haye depuis début février 2008. Le procureur de la CPI a néanmoins demandé que cette libération soit examinée de plus près: une audience était prévue à 13H30 (12H30 GMT) pour entendre les arguments des parties sur la question.
"Le gouvernement (de RDC) ne peut que prendre acte d'une décision de justice. Nous n'avons pas à commenter dans un sens ou dans un autre", a très sobrement réagi Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais, à Kinshasa, dans une déclaration à l'AFP.
Ancien dirigeant présumé du Front des nationalistes et intégrationnistes (FNI), une milice congolaise, Mathieu Ngudjolo était accusé d'avoir voulu "effacer totalement" la population du village de Bogoro, dans la région de l'Ituri.
Selon l'accusation, des combattants des ethnies Lendu et Ngiti du FNI, en collaboration avec des hommes de la Force de résistance patriotique en Ituri (FRPI), une autre milice, avaient attaqué le village, tuant plus de 200 personnes.
Mais les trois témoins clés de l'accusation, qui avaient déposé sous des pseudonymes et assuraient notamment avoir été membres du FNI et avoir participé à l'attaque de Bogoro, ne sont pas crédibles et leurs déclarations ont une "très faible valeur probante", a assuré le juge Cotte.
Le verdict de mardi "prive les victimes de Bogoro du sentiment justice", a déclaré à l'AFP Géraldine Mattioli-Zeltner, du programme Justice Internationale de l'ONG Human Rights Watch.
"Les juges ont vraiment insisté sur le fait que beaucoup de témoins n'étaient pas assez crédibles et qu'ils n'avaient pas assez de preuves devant eux (pour une condamnation, ndlr)", a-t-elle ajouté : "il est urgent que le bureau du procureur tire des leçons importantes de la manière dont les enquêtes sont menées".
Au centre de Bogoro, village de l'ethnie Hema, se trouvait un camp militaire de leurs ennemis de l'Union des patriotes congolais (UPC) de Thomas Lubanga, qui a été déclaré coupable en mars d'avoir enrôlé des enfants soldats lors du premier jugement prononcé par la Cour. Il avait ensuite été condamné à 14 ans de prison.
Pendant l'attaque de Bogoro, M. Ngudjolo, 42 ans, et le chef des FRPI, Germain Katanga, 34 ans, avaient selon l'accusation "utilisé des enfants soldats et tué plus de 200 civils en quelques heures, ils ont violé des femmes, des filles et des femmes âgées, ils ont pillé le village et transformé des femmes en esclaves sexuelles".
Mais ni les enfants soldats, ni les crimes sexuels, ni les meurtres n'ont pu être "reliés" à Mathieu Ngudjolo, a précisé le juge, soulignant néanmoins que cet acquittement "ne signifie en aucun cas pour la chambre que des crimes n'auraient pas été commis à Bogoro".
Les affrontements inter-ethniques entre milices qui se disputaient les terres de cette région riche en ressources naturelles, dont l'or ou le pétrole, avaient débuté en 1999 et ont, selon l'accusation, "dévasté" la zone. Selon les ONG, ces violences ont fait plus de 60.000 morts.
Les juges ont également souligné qu'ils ne pouvaient "exclure que l'accusé ait été lors des faits l'un des commandants ayant occupé une place militaire importante" mais les preuves rassemblées par l'accusation, ont-ils ajouté, n'étaient pas en mesure de l'établir.
Le procès de Mathieu Ngudjolo Chui s'était tenu en commun avec celui de Germain Katanga, transféré à La Haye en octobre 2007. Ils ont tous les deux plaidé non coupable pendant leur procès, qui avait commencé le 24 novembre 2009 et s'était achevé le 23 mai. Les deux affaires ont ensuite été disjointes en novembre.
A la fin du procès, Mathieu Ngudjolo avait affirmé ne pas avoir participé à l'attaque sur Bogoro et ne jamais avoir été membre d'une milice.
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