RDC : Diplomatie française dans les Grands Lacs, une vengeance en veilleuse.

Antoinette K. Kankindi

 

Nairobi, 01/06/07

frenchandinterahamwe.jpgC’est la très célèbre spécialiste de l’Afrique Centrale, Colette Braeckman, qui dans l’un de ses non moins célèbres carnets, a essayé de ramener l’attention sur quelques «questions non résolues que continue à poser le génocide rwandais ». Elle y reconnaissait que le monde a eu, à ce sujet, des réponses de toute sorte d’experts, psychologues, anthropologues, historiens, criminologues et autres, mais qu’il manquait cependant l’apport des spécialistes de l’art militaire et les analystes de la guerre psychologique, pour utiliser ses propres mots. Elle dit que cette déficience est désormais comblée grâce à un livre apparemment publié par  le professeur Gabriel Péries, spécialiste des doctrines militaires contre insurrectionnelles et le journaliste David Servenay, reporter à Radio France Internationale. Voilà ce qu’elle nous en dit : «  Essayant de remonter aux sources du génocide rwandais, ils ont croisé l’idéologie des années 60, celle de la guerre froide, des luttes anti- subversives menées en Indochine, en Algérie puis dans toutes les colonies françaises contre les mouvements politiques qui réclamaient l’ indépendance. 

 

 

Etudiant à fond l’idéologie et les méthodes de la « guerre noire » celle qui joue sur la peur, le contrôle des populations,  les manipulations psychologiques, les auteurs citent de grands noms, le colonel Trinquier, Lacheroy. Et rappellent que des officiers belges, comme le colonel Marlière, qui fut le mentor du président Mobutu, ou le colonel Logiest, tristement célèbre au Rwanda, furent des émules doués de la stratégie contre insurrectionnelle française.  Les auteurs prennent leur temps pour rappeler l’histoire de l’armée française, sa répression des luttes de libération, ses  méthodes, soudain officiellement proscrites après l’aventure algérienne, mais toujours appliquées. Ils évoquent les élèves rwandais de l’Ecole de Guerre de Paris, dont le colonel Bagosora et surtout le général  Ndilindyimana, qui commanda la gendarmerie, ce corps d’élite formé par les Français et mis au service du président et ils dévoilent les coulisses de la coopération militaire française au Rwanda ». Il serait très intéressant de lire de première main ce matériel. Et de toute evidence, dans le jargon militaire français toute lutte de libération ou d’indépendance n’est qu’insurrection, et par ce simple fait, elle est à écraser.

De toute manière cette information, je la relis cette semaine après que Mr Bernard Prévost ancien militaire, actuellement ambassadeur de France en RDC ait fait une escapade au Sud-Kivu, concrètement à Uvira et Fizi. Une escapade pour le moins suspicieuse quand on sait qui fait la loi dans plusieurs contrées de cette partie des Grands Lacs : les FDLR. Que l’on le veuille ou pas, ces forces génocidaires, par ailleurs amis de la France, ont un contrôlel extraordinaire au Sud-Kivu. Dans l’empressement de déclarer Kabila victorieux des élections de 2006, on n’a pas assez insisté sur le fait qu’il leur doit une chandelle pour sa victoire là-bas. C’est donc connu de tous qu’elles y sont dans leur fief et avec l’accord plus qu’explicite du pouvoir à Kinshasa. La visite du diplomate français ne cesse quand même pas d’intriguer les observateurs habitués à voir au delà des apparences. Quel sera  au juste le travail de l’attaché de coopération à Bukavu que Mr Prévost a promis aux habitants d’Uvira et de Fizi ? Quelle est exactement la portée du projet militaire dont le financement serait assuré par la France et Mr Prévost était dans l’obligation de présenter personnellement à Uvira et Fizi ? Et puis était-ce une simple coïncidence que l’Evêque de Bukavu ait adressé un mémorandum à l’Ambassadeur français, un mémorandum qui montre aussi bien la naïveté du clergé catholique du Sud-Kivu, que sa tendance trop marquée à servir les néo-colonialistes sans se soucier du prix énorme que leur idéologie fait payer au peuple ? Peut-être il s’agissait seulement de joindre leur force à celle de la France, après tout ce clergé travaillait déjà avec la DGSE que la France compte appuyer.

 

On ne peut pas s’empêcher de voir dans toute cette manoeuvre  le bout du nez ou la petite main du Quai d’Orsay, ou faut-il dire l’ombre sinistre d’une vengeance en veilleuse, qui en ce moment précis prend une forme officielle d’un signal fort. Mécontente de n’avoir pas réussi l’annihilation des tutsi au Rwanda, la France continue « sa guerre noire » contre les tutsi congolais et va pourvoir son soutient militaire aux génocidaires FDLR sur le sol congolais en toute règle. Les methodes décrites par Braeckman sont réunies, le contrôle des populations est acquis grâce à la cruauté des FDLR, l’aveuglement des autorités religieuses qui ont toujours donné dans la xénophobie depuis l’époque coloniale etc. La manipulation psychologique est garantie par le fait qu’on a réussi à réduire tout le problème d’insécurité au seul nom de Nkunda, évidemment puisqu’étant tutsi et aux « 47 insurgés » dans les hauts plateaux de l’Itombwe. Le coup de maître de la diplomatie française de ce cas d’espèce est de faire en sorte que les congolais ne mettent plus en question le nombre d’incroyables bévues dans lesquelles Kabila et ses nouvelles institutions nagent. Le coup de double si l’on y voit clairement une démarche vengeresse qui se prépare contre Kigali en faisant comme victimes premières et directes les tutsi congolais. C’est tout de même dommage qu’une grande nation comme la France s’empêtre dans des situations aussi macabres qui restent dans son histoire comme des grosses contradictions avec son idéal de liberté. Il faut se souvenir que ses diplomates ne se sont mis à condamner les massacres d’Arménie que pour trouver un argument massu contre la possible entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. De même ils n’ont officiellement reconnu leur responsabilité dans la déportation de 100.000 juifs dans la seconde guerre mondiale que 60 ans après. Ils n’ont jamais fait de « mea culpa » pour l’Indochine, l’Algérie etc… Mais les français devraient savoir que s’il y a des congolais encore naïfs, il y en a aussi qui n’ont plus peur de dire non à cette nouvelle colonisation déguisée en coopération.

 

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