Antoinette K. Kankindi
Nairobi, 14/04/07
Depuis les dernières élections au Congo-Kinshasa, on est constamment tenté de se demander le pourquoi de l’adjectif « démocratique » dans le nom complet de la République. Aussi on a envie de voir le peuple répondre à l’injonction de l’ancienne hymne nationale que Mobutu avait renvoyée aux archives. En effet le « débout congolais ! » est une sorte d’ordre impératif auquel il devient urgent de répondre. Certains avaient cru que les élections mettraient le pays entiers débout pour retrousser les manches et se mettre au travail. Cependant tout le monde savait que le processus était fauché depuis le début, et avec lui, la démocratie elle-même était fauchée. On en a lu les signes avant-coureurs dans la constitution reformée, dans la loi électorale, dans l’organisation matérielle, dans le type de campagne tout le temps semée de discours compromettant la paix fragile et presque impossible à travers le ton démagogique, xénophobe, divisionniste, prédateur et confusionniste etc… à souhait.
Il est impossible de prétendre d’être surpris par la tournure des événements au pays. Tout de même, puisque les forces derrière ces élections étaient plus fortes que le peuple, le public avait commencé à espérer qu’un semblant de démocratie se mettait en place et qu’avec un peu de chance elle préparerait le chemin à la construction d’une vraie. Malgré sa position minoritaire, en face de la toute puissante AMP dans les institutions, une opposition était présente. Elle se disait même républicaine et, dans sa naïveté comme d’autres l’ont dit, elle a cru pouvoir devenir une force avec laquelle compter pour démocratiser le pays. Hélas, cet espoir a subit depuis le mois de mars un coup très dur ! Ce coup dur est devenu un coup mortel pour l’opposition après avoir signé la sentence de mort de plusieurs centaines de kinois.
Comment interpréter la volonté radicale de décapiter l’opposition et de terroriser ses ténors au moment même où la pagaille au sein des institutions poursuit ce que les anglophones appellent escaltion ? Qu’est-ce que les nouveaux leaders de la RDC appellent démocratie ou qu’entendent-ils par la séparation des trois pouvoirs quand le parlement conteste les arrêts de la Haute Court, quand les membres de l’exécutif se tournent les pousses quand ils ne clament pas qu’il n’ y a pas d’invasion à Kahemba ou qu’ils ne constatent pas publiquement l’échec de l’intégration de l’armée sans proposer d’alternatives viables ? L’agression exercée contre l’opposition après sa décapitation vient de porter ses fruits. Les journaux à Kinshasa affichent à la une la décision de l’opposition de suspendre sa participation aux travaux de l’Assemblée Nationale. L’architecte ou les architectes d’une démocratie paralytique au Congo doivent être en train de se frotter les mains car tout se passe conformément à leur calcul impitoyable. Une neutralisation progressive et une paralysie complète de la démocratie sont en cours. L’on se rappelle que les media à la disposition de cette même opposition ont été réduites au silence sans que les champions de la défense de la liberté d’expression aient levé leur petit doigt!
Pendant que l’intimidation s’étend à l’Ouest, des efforts de paix à l’Est sont délibérément ignorés. Parfois ils sont même négativement présentés si pas directement attaqués. Il suffit de lire toutes les déclarations contradictoires dans la presse au sujet des opérations de mixage de troupes au Nord-Kivu. De la pure rhétorique qui fonctionne toujours sur l’imaginaire du congolais. L’incapacité de reconnaître un des rares événements positifs de ce chaotique début de la troisième république relève surtout de la malice. Un souhait au congolais : débout, réveille-toi et reconnaît ceux qui veulent vraiment construire le pays, dresse ton front pour leur prêter main-forte. Il ne faut plus écouter la rengaine de beaux discours. Seul le sacrifice bâtit un pays et pas de belles paroles ! Et encore moins les coups de canon tirés contre des innocents et contre une opposition déjà décapitée !
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