Yolande Makolo (*)
9/22/13
Dix jours après sa critique du portrait que Jeffrey Gettleman avait dressé de Paul Kagame – une critique qui s’était répandue en cascade sur la toile internet dans toute l’Afrique – Yolande Makolo, Directrice de la Communication du Président rwandais, se tourne maintenant sur la décision de la chaîne Al Jazeera d’inviter le très controversé Filip Reyntjens comme expert du Rwanda.
La veille du jour où les Rwandais se sont rendus aux urnes pour élire leurs nouveaux députés, la chaîne Al Jazeera, dans son émission Inside Story, a diffusé un débat sur les élections qui a consolidé ma conviction sur le fait que la soi-disant nécessité de « contrebalancer » les opinions à tout prix, fait beaucoup de tort aux Rwandais et aux Africains en général, par sa façon de nous enfermer dans un scénario fixé d’avance. Le débat mettait en présence le Professeur Anastase Shyaka depuis Kigali, le Professeur Filip Reyntjens de l’Université d’Anvers ainsi que Kris Berwouts, un observateur belge des questions de la Région des Grands Lacs.
En apparence, le plateau d’invités était tout ce qu’il y a de plus classique. Un Rwandais professeur d’université, un Belge professeur d’université et un expert belge. Au cours de ces 25 minutes de discussions pourtant, était-ce normal qu’à aucun moment, le téléspectateur n’en vienne à apprendre que le professeur belge débarqué de sa lointaine Anvers, n’était autre que l’ancien conseiller du président rwandais Habyarimana, pour le compte de qui il avait rédigé l’ancienne Constitution monopartite qui consacrait la ségrégation ethnique? Et à quel moment de son analyse d’expert allait-on donc savoir que le professeur au discours si compétent sur son sujet n’avait plus mis les pieds au Rwanda depuis 20 ans au moins?
La présence de Reyntjens sur le plateau mise à part, je trouve qu’il est difficile de comprendre comment Al Jazeera en est venu à présenter, non pas un, mais deux Belges “experts” supposés du Rwanda. Pour commencer, c’est l’héritage empoisonné laissé par la Belgique au Rwanda qui a rendu le parcours de ce dernier si douloureux. Cette tendance à privilégier le point de vue des anciens colonisateurs est malheureusement trop courante. Il est particulièrement décevant de voir Al Jazeera – une chaîne de télévision qui cherche à promouvoir la diversité des points de vue et à donner plus souvent une voix aux sans-voix – choisir de décrire le Rwanda à travers le regard de colonisateurs hostiles et non avec celui des Rwandais eux-mêmes.
S’agissant de faits concrets que même Reyntjens ne pouvait contester, il a du s’accorder avec le Professeur Shyaka sur les réalisations socio-économiques du Rwanda. Il s’est mis alors à recourir aux épouvantails habituels que l’on agite devant les Africains comme “la démocratie”, “la liberté” et “les droits de l’homme”, des thèmes qui servent rituellement à exprimer des griefs contre le Rwanda sans devoir produire la moindre preuve pour les justifier.
(*) Yolande Makolo est directeur de la communication à la Présidence du Rwanda.