Marie-France Cros
25/07/07
L'armée a lancé une offensive disproportionnée contre des mutins. La communauté dont ils sont issus, les Banyamulenge, fait l'objet d'exactions graves. Le sort de cette ethnie a déjà été à l'origine de la première guerre du Congo.
Depuis la mi-juillet, de nouvelles violences armées ensanglantent le plateau de Minembwe (Sud-Kivu), où vit la minorité des Banyamulenge (Tutsis congolais). Leur sort a déjà été à l'origine du déclenchement de la première guerre congolaise (1996-1997).
Le plus connu d'entre eux, Me Azarias Ruberwa, président du Rassemblement des Congolais pour la démocratie (RCD, ex-guérilla appuyée par le Rwanda, devenue parti politique), jette "un cri de détresse" au sujet des habitants de cette région.
Mutins et réfractaires
Le 10 juillet, l'armée congolaise a lancé 2 500 de ses hommes contre 150 à 250 mutins retranchés sur le plateau de Minembwe. Il s'agit d'ex-troupes de Jules Mutebusi (mutinerie de 2004) ou en rébellion contre Patrick Masunzu (ex-rebelle, intégré aujourd'hui à l'armée).
Comme ceux de Laurent Nkunda (mutin tutsi du Nord-Kivu), les mutins de Minembwe sont réfractaires au brassage, qui prévoit la dilution au sein de l'armée des anciens groupes insurgés et leur dispersion dans tout le pays. Ils craignent, en effet, que les civils de leur ethnie, s'ils sont privés de leur présence, soient massacrés par les FDLR (rebelles hutus rwandais, issus des génocidaires de 1994 et réfugiés au Kivu).
Les FDLR commettent journellement des exactions épouvantables, notamment le viol systématique et public de villageoises congolaises, avec mutilations génitales, ce qui entraîne – selon la coutume locale – la répudiation des victimes. En raison du nombre de cas, cette pratique entraîne la déstructuration des villages, ce que plusieurs observateurs considèrent comme une politique d'épuration ethnique.
" Les FDLR contrôlent totalement environ un quart du Sud-Kivu et partiellement près de la moitié de la province", commente un diplomate. Jusqu'il y a peu, ils jouissaient encore – malgré toutes les déclarations officielles – d'un soutien important de Kinshasa, "notamment sous la forme d'ordres téléphoniques d'abandonner les poursuites lorsque l'armée, voulant défendre la population, se lance à la chasse aux FDLR", poursuit cette source.
Atrocités
L'offensive du 10 juillet – confirmée par la Monuc – entraîne, selon Me Ruberwa, "des déplacements massifs de populations civiles fuyant les atrocités" ( meurtres, viols, pillage), notamment dans les villages de "Kanono, Bikinga, Nyakidegu, Gongwa, Majaga, Kagerigeri, Bijabo, Kamombo, Katenga, Itara et Ruhuha et des milliers de têtes de bétail sont tuées, pillées, acheminées et vendues à Uvira comme butin de guerre". Ce qui ruine ces populations d'éleveurs.
Me Ruberwa affirme que l'armée congolaise s'est adjoint des Maï Maï (bandes armées anti-tutsies). Il s'insurge contre la violence de l'opération, souligne que les mutins de Minembwe ne sont pas les seuls réfractaires de la province et que rien n'est fait, en revanche, contre les FDLR. Est-ce parce qu'ils ont commis "le péché d'être Banyamulenge", interroge le président du RCD.
Selon une source diplomatique, "il y a eu des négociations entre les mutins et l'armée; plusieurs d'entre eux ont d'ailleurs rejoint l'armée. Mais certains éléments de celle-ci et les Maï Maï veulent en découdre. Il est possible qu'il y ait un effet d'entraînement sur le terrain".
Selon cette source, en toile de fond des violences, on assisterait à un déplacement de pouvoir à l'intérieur de la communauté des Banyamulenge : les clans jouissant d'un statut inférieur se rallieraient à l'armée, les dominants refusant le brassage, ressenti comme mettant leur société en danger.
La Libre