Pourquoi, devrait-on avoir besoin de médiateurs dans des négociations, si c’est pour voir ceux-ci imposer leur diktat aux parties qui n’auraient qu’à plier et s’exécuter ? C’est pourtant ce qui s’est passé à Nairobi le week-end dernier. Voici-ci brièvement la chronologie des faits :
– Le vendredi 19 décembre, la délégation gouvernementale et celle du CNDP adoptent deux textes, l’un sur les modalités de négociations et l’autre sur le règlement intérieur des négociations. Le troisième reste en suspens, parce que les deux parties ne sont pas parvenues à s’accorder sur la proposition du CNDP de voir la Médiation inviter, en qualité de facilitateurs du Dialogue, les deux Présidents du Parlement National ou leurs délégués ainsi que des parlementaires nationaux, à raison de deux membres de la majorité et de l’opposition parlementaires au sein de chacune des Chambres. La Médiation clôture les débats et propose le point à débattre le lendemain à savoir ‘’Une déclaration de cessez-le-feu et de cessation des hostilités ». La délégation du CNDP interpelle la médiation sur ce point, car elle estime que tant que les points de procédure ne sont pas encore vidés, il est impossible de passer à autre chose, encore moins aux questions de fond, sans violer le Règlement d’Ordre Intérieur. D’autant plus que dans toute négociation normale tendant à mettre fin à un conflit armé, le cessez-le-feu fait partie intégrante de l’accord. La médiation répond que l’ordre du jour n’est pas statique et peut être modifié à tout moment. Sauf que le Règlement d’Ordre Intérieur adopté quelques instants auparavant prévoyait que tout établissement et modification de l’ordre du jour se fait avec l’assentiment des parties. La médiation a alors décidé de lever la séance, après l’avoir reportée au lendemain samedi.
– Le samedi 20 décembre, dans la matinée, le CNDP présente à la médiation ses inquiétudes sur l’occupation par l’armée gouvernementale de plusieurs localités situées dans les zones dont ses il s’était désengagé pour éviter toute possibilité de confrontation. Il s’agissait notamment de l’axe Goma-Kibati, l’axe Kanyabayonga-Nyanzale, l’axe Kabasha-Rwindi et l’axe Ishasha-Kiwandja. La délégation du CNDP proposait à la médiation de vérifier préalablement ces allégations. Tout en acquiesçant, la médiation se crut en devoir de déposer pour étude à la délégation du CNDP un texte d’une page intitulé ‘’Continuation de cessations d’hostilités’’. Celle-ci, après analyse, retourna à la médiation son document légèrement amendé en fin de texte. La médiation rétorqua : ‘’ce texte est à prendre ou à laisser. Si vous ne voulez pas le signer, vous partez’’. La délégation du CNDP opta pour le départ. Interceptée à la sortie par le Médiateur en personne, la délégation fut invitée à retourner dans la salle pour une plénière, ce qui fut fait. Chief OBASSANDJO annonça qu’après vérification auprès de trois sources différentes, il concluait que les allégations du CNDP étaient infondées. Il ordonna de distribuer le document intitulé « Continuation de cessation des hostilités » et demanda qu’il soit signé sans possibilité de l’amender, alors qu’il n’était même plus le même que celui communiqué la veille. Surprise, la délégation du CNDP déclara s’abstenir de signer et exigea une vérification de terrain par le Médiateur ou le Co-médiateur en personne sur ses allégations. Le Médiateur rétorqua qu’une telle vérification ne relevait pas du mandat de la Médiation. La séance fut suspendue et sa reprise fut programmée pour le 7 janvier.
Dans sa lettre adressée à la médiation, le CNDP dénonce l’invasion par l’armée gouvernementale de plusieurs entités dans les zones désengagées par lui et exige une mesure de condamnation du Gouvernement pour cette violation du cessez-le-feu assortie de l’obligation du retrait.
Voice ces zones :
1. Sur l’axe GOMA – KIBATI : les FARDC des 18ème et 83ème brigades ont réoccupé et se sont renforcées sur les 12 km dont le CNDP s’était désengagé lors de sa proclamation unilatérale de cessation des hostilités en date du 29 octobre 2008. A l’heure actuelle, les troupes ne sont plus séparées que de 150m. Cela veut dire qu’à tout moment le feu peut être mis aux poudres.
2. Sur l’axe KANYABAYONGA – NYANZALE où le CNDP s’est désengagé sur 40km à partir du 18 novembre 2008, la coalition gouvernementale FARDC-FDLR a repris 20Km dont les localités suivantes : LUSHOA, BULINDI, BUTALONGOLA, BIRUNDULE et le pont stratégique de LUHOLU. La force prédominante est composée des 2ème et 15ème brigades FARDC.
3. Sur l’axe KABASHA – KIWANDJA, la même coalition s’est déployée sur une distance de 12Km et sa progression continue sans désemparer. Les mêmes 2ème et 15ème brigades ont réoccupé le terrain et contrôlent les localités suivantes : KABASHA, KIMAKA et MILIKI. Par ailleurs, hier matin, la paroisse catholique de KATWE, toujours dans ce secteur, a été pillée par la coalition FARDC-FDLR.
4. Sur l’axe ISHASHA – KIWANDJA dont le CNDP s’était retiré sur la propre insistance du Médiateur, alors que le CNDP y pourchassait les FDLR et les Mai-Mai qui avaient terrorisé la cité de KIWANDJA quelques jours plus tôt, l’ennemi a repris 60Km et menace désormais cette cité si rien n’est fait pour l’en dissuader.
5. Sur l’axe MINOVA – BWEREMANA au sud-ouest de Goma sur la route Bukavu – Goma, le gouvernement est entrain, depuis plusieurs jours, de procéder au renforcement des FARDC en hommes et en matériel lourd, notamment plusieurs chars de combat, dans l’intention manifeste de progresser jusqu’à l’axe GOMA – KIBATI et de reprendre les hostilités.
6. Le même renfort en hommes et en matériel se poursuit dans la ville de BENI, le but étant de servir de base-arrière à la coalition gouvernementale déployée jusqu’à la RWINDI et en direction de Nyanzale.
Au stade actuel, le CNDP exige que la médiation se transporte sur terrain pour l’établissement de toute la vérité sur ces allégations avant la rencontre du 07 janvier 2008, faute de quoi sa participation aux négociations prévues à cette date est incertaine.
Par ailleurs, le CNDP vient d’apprendre sur les antennes de la Voix de l’Amérique la décision du Gouvernement de Kinshasa communiquée ce matin par l’entremise de son Porte-parole. Elle indique que "désormais, il ne négocierait exclusivement qu’avec les vrais décideurs du CNDP qui ont été cités dans le rapport des Nations-Unies".
Le CNDP en prend acte et lui souhaite bonne chance.
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