Pierre Rousselin
25/02/10
Seize ans après le génocide, le temps est venu de tourner la page avec le Rwanda. À Kigali, Nicolas Sarkozy a réussi à le faire sans mettre en cause les principes qui doivent conduire la politique étrangère de la France.
Le président de la République a soigneusement calibré ses mots, allant plus loin que lors de son discours d'il y a deux ans, au sommet franco-africain de Lisbonne. Il a reconnu, cette fois, les « graves erreurs d'appréciation » et « une forme d'aveuglement » de la part de la France, comme de la communauté internationale, lors du déclenchement du génocide en 1994.
Notre pays ayant appuyé le régime hutu qui allait organiser le massacre des Tutsis, il est assez naturel que ceux-ci nous reprochent ensuite de ne pas avoir empêché le drame. De là à en déduire une culpabilité française, il y a un pas qui ne saurait être franchi. Les historiens feront la part des choses.
Compte tenu des procédures judiciaires en cours à l'encontre de responsables politiques, compte tenu des répercussions prévisibles sur d'autres dossiers complexes, il serait vain pour la France de parler de « faute », de présenter des « excuses », de demander « pardon », comme certains l'ont exigé.
Bill Clinton, Kofi Annan et Guy Verhofstadt ont chacun reconnu leur part de responsabilité. Cela les honore. Mais leur attitude ne peut servir de précédent. Chaque circonstance a ses mérites. Il n'y a là aucun mépris, aucune arrogance. La France ne peut ouvrir une boîte de Pandore, aux conséquences imprévisibles.
Paul Kagamé l'a bien compris. Au cours des dernières années, le chef de l'État rwandais n'a pas ménagé notre pays. Et pourtant, aux côtés du président de la République, il a refusé, hier, d'être « otage du passé » et a souhaité se tourner « vers l'avenir » . C'est une intention louable. Il y a trop de problèmes à régler dans les Grands Lacs et sur le continent africain dans son ensemble pour s'épuiser dans des querelles du passé.
Paris et Kigali ont fait, chacun, leur part du chemin. Leur démarche n'a pas été facile. Elle reste incomplète. Mais elle ouvre une voie qui devrait être suivie pour surmonter en Afrique le douloureux héritage du passé colonial. Quarante-huit ans après son indépendance, il serait temps que l'Algérie suive l'exemple que vient de lui donner le Rwanda et se montre prête à apaiser, elle aussi, ses relations avec la France.