Les massacres du Bas-Congo :105 tués et 100 blessés, selon les Nations Unies.

Amba Wetshi

29/07/07

 

louise_arbour.jpgLa Canadienne Louise Arbour, haut commissaire aux Droits de l’homme des Nations Unis

Le Haut commissaire aux Droits de l’homme des Nations Unies, la Canadienne Louise Arbour, invite les autorités congolaises à identifier et à engager des poursuites judiciaires à l’encontre de policiers et des militaires ayant réprimé le 31 janvier et le 1er février derniers des manifestations des adeptes du mouvement politico-religieux Bundu Dia Kongo (BDK).

 

Dès les jours qui ont suivi les événements sanglants du Bas-Congo, la Monuc (Mission de l’ONU au Congo) a publié le rapport de ses enquêteurs. Bilan : 134 morts et plusieurs dizaines de blessés. Sept mois après, les conclusions des investigations menées par la commission parlementaire présidée par le député national Kembukuswa Ne Lanza se fait toujours attendre. Couardise ? Président de l’Assemblée nationale, le PPRD Vital Kamerhe – lequel n’ignore pas les enjeux politiques et diplomatiques – a, à l’instar du dossier Kahemba, opté pour un débat à huis clos. N’empêche.

D’aucuns n’hésitent pas à qualifier ce qui s’est passé au Bas-Congo de « crime d’Etat ». Les parlementaires congolais viennent d’entamer leurs vacances jusqu’en septembre prochain sans que les députés aient pu dire à la nation toute entière le « pourquoi » des affrontements qui ont eu lieu à Matadi, Boma, Muanda et Songololo et partant, déterminer les responsabilités. Vendredi 27 juillet, le haut commissaire des Nations Unies aux Droits de l’homme, Louise Arbour, a publié son rapport à lui. Dans les grandes lignes, le document rapport ce que l’on savait. A savoir que des soldats et policiers « avaient fait un usage excessif et aveugle de la force pour mettre fin à des soulèvements au début de l’année dans l’ouest du pays ». Bilan : 105 morts et une centaine de blessés. Parmi les tués, on dénombre, une dizaine de policiers dont un a été décapité à Boma, selon l’AFP.

 

Huis clos

 

Dans les milieux diplomatiques à Kinshasa, certains membres de l’entourage de Joseph Kabila sont pointés du doigt. C’est le cas notamment du « général » John Numbi Banza, alors chef d’état-major de la Force aérienne congolaise. Il est devenu le patron de la police nationale. Ancien activiste de la tristement célèbre « Jeunesse » de l’Uferi (Union des fédéralistes et républicains indépendants) de l’ex-duo Nguz-Kyungu, « John » passe, à tort ou à raison, pour l’exécuteur des « basses œuvres » de Kabila. Ne l’a-t-on pas vu en 2005 procédant à des arrestations – en lieu et place des magistrats du parquet – à Lubumbashi dans une prétendue « tentative de sécession » imputée à André Tshombe ? Deux années après, c’est le silence plat. Sans doute que « l’enquête est en cours », selon la formule consacrée. Ancien patron des services spéciaux de la police, le « colonel » Raüs Chalwe Ngwashi serait également dans le collimateur des investigateurs. Les soupçons dirigés vers ces deux caciques du régime kabiliste – lesquels bénéficient, comme tout accusé, de la présomption d’innocence, expliqueraient-ils le secret qui a entouré et continue à entourer l’examen de cette affaire au sein de l’Assemblée nationale ?

Sans avancer des noms, le haut commissaire onusien espère que les autorités congolaises auront à coeur d’assumer leurs responsabilités. Et ce, en identifiant et surtout en mettant en oeuvre des poursuites judiciaires à l’encontre de « ceux qui se sont rendus coupables d’exécutions sommaires et d’autres crimes ».

 

Election contestée

 

Tout a commencé par l’élection contestée du gouverneur et du vice gouverneur de cette province, au mois de janvier. Pour cause, l’opposition, bien que majoritaire à l’Assemblée provinciale, a vu son candidat se faire coiffer au poteau par une personnalité portant le label du cartel politique AMP (Alliance de la majorité présidentielle) qui a soutenu « Joseph » au second tour de l’élection présidentielle. Député national, candidat malheureux au poste de vice-gouverneur, Ne Muanda Nsemi, leader du mouvement politico religieux Bundu Dia Kongo a accusé le gouvernement de « fraude » avant d’inviter ses adeptes à organiser des manifestations de protestation. L’affaire a pris une tournure de « guerre civile » lorsque des agents de police venus perquisitionner le domicile de Nsemi se sont vus opposer une « farouche résistance » des membres du BDK. La police suspectait le chef charismatique de ce mouvement de détenir des armes. Connaissant les « mœurs politiques » du pays, les adeptes de BDK redoutaient que les « flics » glissent quelques « preuves matérielles » dans le domicile de leur leader. La suite est connue.

Le rapport rédigé par les experts onusiens note que si, « dans certains cas, les forces de sécurité ont probablement fait feu en état de légitime défense, il apparaît clairement que la police nationale et les forces armées ont fait usage d’une force excessive en tirant à balles réelles sur des sympathisants du BDK simplement armés de bâtons et de pierres ». Le BDK en prend également pour son grade.

 

Pertes et profits

 

Le rapport de l’ONU indique que le mouvement politico-religieux « n’est pas un groupe armé ». Cependant, il a fait montre d’une « forte propension à la violence et aux actes criminels, allant jusqu’à manipuler des mineurs ». Ajoutant que le BDK « n’a pas non plus respecté la procédure légale régissant les manifestations publiques ». Un argument que cette organisation a toujours réfuté arguant que la nouvelle Constitution impose aux organisateurs des manifestations publiques « d’informer » les autorités compétentes. Et non de solliciter une « autorisation préalable ». Selon les responsables du BDK, les autorités ont été informées. Signalons que le ministre de l’Intérieur Denis Kalume Numbi semblait justifier ce carnage en affirmant qu’il a « voulu tuer dans l’œuf un plan visant à paralyser la province qui abrite le premier port du pays ». Dans une déclaration faite à l’AFP le 31 janvier, le ministre annonçait le déploiement de l’armée au Bas-Congo « pour appuyer les efforts de la police ». Des militaires venaient de la Base de Kitona. Questions : qui avait ordonné l’envoi des renforts militaires dans une opération de maintien de l’ordre ? Kabila pourrait-il se tirer une balle dans le pied en livrant à la justice des membres de son entourage impliqués dans ces tueries ? Des militaires congolais peuvent-ils opérer, loin de leur Base, sans instruction personnelle émanant du commandant suprême des Forces armées de la RD Congo ? En recommandant aux autorités congolaises d’engager des actions judiciaires à l’encontre des fautifs, les Nations Unies ne trouvent-elles pas une parade pour passer cet épineux dossier par pertes et profits connaissant l’inféodation de l’appareil judiciaire au pouvoir politique ?

 

B. Amba Wetshi

© Congoindépendant 2003-2007

 

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