au sommet de l'Etat
J.-P. Mbelu
17/07/07
17 juillet 2007 – Les Congolais (es) luttant contre l’amnésie se souviennent des appels lancés par « les faiseurs des rois » après le deuxième tour des élections présidentielles : « Tournons la page, disaient-ils, après ces élections libres transparentes et démocratiques. Allons résolument de l’avant. » Sceptiques, ces Congolais (es) restent à l’écoute de leur histoire immédiate et refusent de tourner vite « la page des élections » avant qu’elle n’ait révélé toutes ses vérités. Le temps est et restera toujours pour eux un bon conseiller! Les langues se déliant petit à petit, le passé électoral dévoile ses secrets. Les présidentielles (et les autres) ont été gagnées à coup de billets de banque. Qui le dit? Un proche du pouvoir dont Sarkozy serait le modèle : Vital Kamerhe. En effet, le témoignage fourni au journal Jeune Afrique par l’actuel président de l’Assemblée Nationale Congolaise se passe de tout commentaire. Reproduisons-le. « Fin juillet 2006, à Kinshasa, capitale frondeuse et hostile, le grand meeting de clôture prévu par Kabila menace de tourner au fiasco. « Aide-nous Vital, cela se présente mal », lui demande Olive Kabange, la première dame. Kamerhe sillonne les quartiers populaires avec sa mallette à billets et rameute la population qui accourt. Les apparences, au moins sont sauvées. Dans la fièvre de ce jour-là, il pense entendre Joseph Kabila lui promettre de devenir son Premier ministre. » (F. SOUDAN, Jusqu’où ira Kamerehe?, dans Jeune Afrique n° 2426 du 8 au 14 juillet 2007, p 46)
Kamerehe a acheté la population des quartiers populaires de la capitale frondeuse afin qu’elle vote pour l’actuel chef de l’Etat. En échange, il s’attendait à devenir son Premier Ministre. Ce qu’il a fait à l’Est n’est pas encore dévoilé. Ce témoignage trahit davantage un secret de polichinelle : « Nos populations sont achetables par nos hommes politiques ». Elles sont, pour un bon nombre d’entre elles, sans idéal. Il y a là un travail de réarmement moral et spirituel dont les fruits risquent de prendre beaucoup de temps à mûrir. Nous devons arrêter de nous leurrer en trouvant rapidement un bouc-émissaire. Ce secret de polichinelle pose quand même des questions de nos responsabilités politiques face à l’histoire. Faudra-t-il que nos enfants, quand ils auront à relire notre histoire, acceptent comme nous aujourd’hui que les dernières élections congolaises ont été libres, transparentes et démocratiques? Ne faudrait-il pas rendre justice à l’histoire en la réécrivant et en soulignant que le manque de maturité politique de nos populations et la course effrénée de nos hommes politique au pouvoir ont fait que les élections de 2006 se sont gagnées à coup des billets de banque?
Et puis, avec toutes ces révélations, la question de l'intégrité morale de nos hommes politiques revient au galop. Kamerehe n’en est pas à sa première aventure. Après les élections législatives, il avait osé affirmer dans un numéro du journal Le Potentiel qu’il y avait à l’Assemblée Nationale des députés élus en violation flagrante de la Constitution de la Troisième République parce qu’ils l’avaient été sans avoir renoncé à leur double nationalité. Et que l’Assemblée Nationale leur accordait un moratoire de trois mois pour qu’ils se mettent en règle. Voyons la qualité de nos hommes politiques! Capables de se glorifier des exploits de corruption et de violation des textes fondamentaux du pays! Et il n’y a qu’au Congo où de « tels crimes » demeurent impunis. Demain, nous continuerons d’appeler Kamerhe ‘Honorable’, ‘Homme d’Etat’. Qu’y a-t-il d’honorable dans cette façon de faire? En quoi rapproche-t-elle du modèle Sarkozy?
Kamerhe, rusé ou malin?
Chaque peuple a des dirigeants qu’il mérite, dit-on. En dépit de nos vociférations, il y a lieu de dire que plusieurs d’entre nous ont des dirigeants qu’ils méritent. Pour cause. Qu’est-ce que ces dernières révélations de Kamerhe ont suscité en nous? Un peu d’indignation. Sans plus. Une marche de protestation demandant que ces dirigeants corrompus et corrupteurs aillent « dehors » n’aurait-elle pas été un geste symbolique fort? Aussi, malgré toutes ces révélations, sommes-nous encore nombreux à croire que ces « ambitieux corrompus et corrupteurs » finiront par se convertir en démocrates, soucieux du bonheur collectif!
Les confidences de Kamerhe trahissent aussi l’omniprésence de l’actuel Commissaire Européen au Développement dans notre histoire. C’est lui qui, après que Kamerhe ait jugé la proposition du Conseil du gouvernement de proposer Joseph Kabila pour assurer l’intérim après la mort de Mzee Kabila indécente, « l’appelle depuis Bruxelles (pour lui dire) : « Ta vie est menacée, tu devrais venir te réfugier avec ta famille dans notre ambassade. » (Ibidem, p.45). Un lecture attentive de ces confidences renseigne de Louis Michel et Kamerhe savent qui, au Congo, peut facilement menacer la vie des autres. Après le coup de fil de Bruxelles, « une heure plus tard, nouveau coup de fil : il émane cette fois de l’amiral Etumba, chef de renseignement militaire : « Joseph t’attend. » Kamerhe hésite, ne sachant pas s’il reviendra vivant de ce rendez-vous. » (Ibidem)
Le Président de l’Assemblée Nationale, Vital Kamerhe, est convaincu, jusqu’au moment où il se confiait à François Soudan que la paix et la sécurité au Congo ne sont pas pour demain. Comme beaucoup de « nos invités à la mangeoire », il a mis les siens à l’abri. Son épouse et ses enfants sont en Afrique du Sud; sa mère en Grande-Bretagne. Ainsi peut-il facilement influencer, à coup de billets de banque les enfants, les femmes et les mères des autres pour servir son ambition de devenir Premier Ministre! Cette ruse abusivement nommée malignité ne paie pas pendant longtemps. Sacrifier les enfants, les femmes et les mères d’autrui sur l’autel de ses ambitions personnelles se paie un jour. Mobutu l’a appris à ses dépens.
Franchement, à la lecture de François Soudan, il est difficile de conclure que Sarkozy est le modèle de Vital Kamerhe. A moins que Vital l’ait choisi comme le font nos musiciens quand ils choisissent comme sobriquet Bill Clinton, Washington, etc. Cela étant, cette lecture vaut la peine d’être faite en attendant que Vital nous dresse « la carte de la magouille congolaise » sur laquelle nous verrons comment opèrent « généraux, juges, patrons de la sécurité, etc. » L’avenir risque d’être riche en rebondissements…
J.-P. Mbelu