Le “scoop du siècle”: Kabila se serait enfin lâché.

Colette Braeckman

02/10/07

 

Ca, pour un scoop, c’est un scoop : dans les couloirs de l’Assemblée générale de l’ONU, où comme chacun sait, chacun circule librement, où les journalistes rencontrent les chefs d’Etat dans les couloirs ou dans les ascenseurs, un confrère répondant au nom plus vrai que nature de «Jackson Wilson » a réussi non seulement à interviewer le président Kabila mais à lui arracher des paroles qui devraient faire date si elles étaient prises au sérieux.

Dans cette interview, diffusée sur le Net, on lit en effet l’analyse très particulière que le président aurait fait des évènements du 21 août, où des diplomates, le CIAT tout entier, s’étaient retrouvés sous le feu, alors que les ambassadeurs étaient réunis dans la maison de Jean-Pierre Bemba : Joseph Kabila, sans exprimer la moindre compassion, aurait assuré crûment que « ces diplomates se sont retrouvés au mauvais endroit et au mauvais moment, je me demande s’ils n’ont pas voulu servir de bouclier humain… » Plus loin encore dans ce texte surprenant, l’illustre interlocuteur se serait lâché : il dénonce Guantanamo, assure que « la Belgique et la France ont construit des prisons sur les tarmacs de leurs aéroports internationaux. » Plus encore, le prudentissime Kabila aurait assuré dans cette « interview du siècle » que « la coopération bilatérale avec nos partenaires occidentaux traditionnels n’a été qu’une duperie », dénoncé le « néocolonialisme sournois », invoqué Hugo Chavez et Fidel Castro et défendu les accords économiques avec la Chine. Jusque là, tout en sachant que Kabila est bien plus modéré que cela, -ses actes l’ont prouvé depuis des années-, on aurait pu croire que l’ « illustre » confrère avait saisi le chef de l’ Etat congolais dans un de ces moments rares où les hommes expriment sans détour ce qu’ils pensent vraiment. Mais vers la fin, les propos prêtés au président congolais deviennent totalement improbables : l’interviewé n’assure-t-il pas que l’uranium congolais étant « naturellement enrichi » (ce minerai a plus de chance que la plupart des citoyens de son pays…) lui, Kabila, entend doter le Congo de la bombe nucléaire d’ici 2011…Rien de plus, rien de moins……
Au vu de tels propos, on ne peut que sursauter, se demander comment un chef d’Etat connu pour sa prudence, pour son manque de loquacité, voire son absence quasi-totale de communication sinon de charisme se serait soudain laissé aller à tenir des propos aussi provocateurs, et à New York de surcroît. Lui qui, lors de son passage à Bruxelles, passait à côté des journalistes congolais de sa suite sans un regard, qui refusait d’adresser la moindre phrase à des Belges qu’il connaissait cependant de longue date, peut on vraiment imaginer qu’au détour d’un couloir onusien ou d’un drink à la cafetaria il se soit ainsi confié au sieur « Jackson Wilson », inconnu dans toutes les rédactions africaines et occidentales et dont le nom pue à plein nez le pseudonyme ?
Vérification faite auprès de ceux qui l’accompagnaient ou qui le virent à l’œuvre, il apparaît que Kabila s’est montré aussi peu bavard à New York qu’à Bruxelles, au grand dam d’ailleurs de tous les journalistes professionnels, qu’il n’a pas accordé d’interview et en tous cas pas au sieur Wilson. Ce dernier a donc vraisemblablement monté son histoire de toutes pièces, spéculant peut –être sur la crédulité de collègues qui allaient reprendre son « scoop » et lui donner ainsi une aura de véracité…
Reste à savoir qui se cache réellement derrière le sieur Wilson : il pourrait s’agir d’un grand professionnel de la manipulation, habile à mêler le vrai, le possible et le faux total dans une pièce de désinformation telle qu’en produisent toutes les officines et agences de renseignement du monde, officines qui se sont révélées particulièrement actives durant la campagne électorale lorsqu’il s’agissait de mettre en cause les origines du chef de l’Etat, de prôner la « congolité » de suggérer une éventuelle division du Congo entre l’Est et l’Ouest. Aujourd’hui que tous ces mensonges, toutes ces balivernes ont fait leur temps, ne faut-il pas inventer autre chose pour discréditer le vainqueur des élections… A la réflexion, les motivations du sieur « Jackson Wilson » apparaissent transparentes : il s’agît d’affaiblir le président Kabila en le présentant comme un autre Chavez, un nouveau Sankara, (ce qui n’est pas une injure, loin de là) mais il s’agît surtout de le couper des décideurs occidentaux en le présentant comme un ingrat, un gauchiste irresponsable et cela en sachant très bien les risques d’entraîne une telle attitude (est-il besoin de rappeler les vraies raisons de la mort de son père, Laurent Désiré Kabila ?)
Hélas, le « cher confrère » qui s’est aventuré dans cette manipulation grossière a oublié une règle de base de l’exercice: ce qui est excessif est insignifiant, et surtout invraisemblable et, comme on dit à New York et ailleurs, l’histoire de l’uranium est « too much » elle détruit tout le reste…Qu’on nous permette de respirer : le Congo ne sera pas un nouvel Iran et les frappes américaines ne sont pas pour demain…

 

 

Le Carnet de Colette Braeckman

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