Le Révélateur
16/11/2007
Personne ne croit plus aux ‘‘regrettables malentendus’’ du ministre de la Justice, Georges Minsay Booka. ‘‘L’affaire Mongulu’’, du nom du sénateur MLC ancien Procureur général de la République dont la résidence a fait l’objet d’une perquisition musclée par les forces de l’ordre (seize éléments des FARDC et de la Police nationale), continue à défrayer la chronique. L’opinion nationale est restée sur sa soif après les explications empreintes de contradictions fournies mercredi 14 novembre au Sénat par le ministre de la Justice et l’Inspecteur général de la Police, le général John Numbi.
C’est le Sénat, institution à laquelle appartient Polycarpe Mongulu T’Apangane, qui s’est insurgé en premier, lundi 12 novembre, contre cette brutalité excessive et l’ignorance de procédure qui ont accompagné la perquisition.
En effet, aux dires de Georges Minsay qui y répondait à une question d’actualité, un auditeur militaire avait établi un mandat de réquisition sur base d’information relative à une cachette d’armes dans une parcelle appartenant à feu Mungul Diaka. C’est ainsi qu’un Inspecteur judiciaire et une équipe de militaires et policiers se sont rendus sur la parcelle indiquée qui n’était que celle du sénateur Mongulu. Sur place, ils ont procédé à des fouilles tant à l’intérieur de la maison que dans la parcelle même avant d’emmener ses deux enfants à l’auditorat militaire pour interrogatoire. On aurait trouvé chez lui, un fusil mauser et une cartouche anti-aérienne (Sic). Faux, rétorque le sénateur Mongulu. ‘‘Les policiers sont arrivés avec un document. Ils disaient être mandatés, à la recherche des armes que les militaires de Jean-Pierre Bemba auraient laissées chez moi et d’arrêter un élément qui vivrait chez moi. Ce qui n’est pas du tout vrai. Ils ont effectivement perquisitionné, entrant dans le plafond, faisant le tour de toutes les pièces, renversant tout ce qu’ils pouvaient trouver. Mon fils a été tabassé, menacé’’, a-t-il révélé. Le rapporteur du Sénat, Modeste Mutinga précisait lundi que ‘‘toutes les pièces du domicile du sénateur ont été systématiquement visitées et leur contenu mis à sac, de même que le jardin fouillé et le sol retourné à plusieurs endroits… Ne l’ayant pas trouvé…, les policiers ont mis la main sur deux de ses enfants qu’ils ont enlevés et séquestrés de 15 heures à 18 heures 45 minutes, pour contraindre le père à se présenter devant eux dès son retour.’’
Des sanctions pour violation d’immunité
Le Sénat a exigé jeudi 15 novembre des sanctions contre les auteurs et responsables de cette perquisition illégale, a indiqué Mutinga après avoir annoncé qu’une commission avait été constituée pour faire la lumière sur cette infortune. ‘‘Je suis couvert d’immunité. On aurait pu s’adresser au bureau du Sénat… Agir comme cela signifie que nous sommes loin d’un Etat de droit’’, s’inquiétait Mongulu.
Le Mouvement de libération du Congo (MLC), dont est membre le sénateur, proteste vivement contre cette violation de l’immunité d’un de ses élus et des ‘‘tracasseries’’, ‘‘actes de violences’’ récurrents des forces de l’ordre à l’encontre de ses militants et sympathisants. Le MLC attire l’attention ‘‘sur la gravité de ces voies de fait qui sont lourdes de menaces pour la jeune démocratie en RDC’’ et demande aux autorités ‘‘de prendre les mesures nécessaires pour que de tels actes et attitudes ne se reproduisent plus’’.
Un nouveau rapport accablant de 42 pages de l’ONG Amnesty international documentait en détail, au mois d’octobre dernier, les exactions commises par deux services de sécurité, à savoir la Direction des Renseignements Généraux et Services Spéciaux de la police (DRGS, autrement connu par le pseudonyme de Kin-Mazière, du nom de l’immeuble qui l’abrite) et la Garde Républicaine (GR), ex GSSP. Arrestations arbitraires à caractère politico-ethnique visant les proches et ressortissants de la province de l’Équateur et plus particulièrement les Ngbaka, ethnie du sénateur Jean Pierre Bemba. ‘‘Le gouvernement du président Joseph Kabila doit lancer immédiatement une enquête indépendante sur les arrestations, les actes de torture et les meurtres dont se rendent coupables les forces de sécurité de la République démocratique du Congo à l’encontre des opposants politiques’’, recommandait le rapport.‘‘Loin de protéger le peuple de la RDC, les forces de sécurité sont plutôt des agents de torture et de la mort’’, concluait-il.
Seulement, en RDC, on propose avec pompe des commissions d’enquête et des sanctions. Et tout s’arrête là.
Cacophonie dans la justification
Depuis, des voix s’élèvent pour fustiger les justifications du ministre de la Justice qui se contredisent d’ailleurs elles-mêmes et avec celles de l’Inspecteur général de la Police. Les sénateurs ont relevé dans leur débat de mercredi 14 novembre la cacophonie que distillaient les déclarations du ministre de la Justice et celles de l’Inspecteur général de la Police qui a d’ailleurs nié être associé à l’affaire.
Par exemple, comment est-ce possible qu’un inspecteur judiciaire se mette à confondre Mungul Diaka, le défunt premier ministre de Mobutu et Mongulu T’Apagane, le sénateur et ancien PGR dont les résidence se situent depuis de longues dates, pour le premier à Righini, sur By-Pass dans la Commune de Lemba et pour le second sur l’Avenue de la Justice (et non Lukusa où les exécuteurs ont été mandatés), dans la Commune de Gombe ? Une contradiction flagrante est relevée dans l’usage d’un faux rapport sur l’information portant cachette d’armes antidaté du 11 novembre alors que le mandat de perquisition a été établi le 10 novembre. Les personnes trouvées sur place, dont les fils Mongulu ont bel et bien attiré l’attention des agents de l’ordre sur le fait que leur père était un sénateur. Peine perdue.
Des interrogations ont été soulevées tant dans la presse que lors de la plénière du Sénat : que serait-il arrivé si Polycarpe Mongulu était chez lui ? Pourquoi n’a-t-on pas tenu compte de la Constitution sur les immunités ? Ignorait-on ce que dit la loi à ce sujet si le Sénat était en session ? Si de telles brutalités sont faites sur des élus, qu’en sera-t-il si c’est face au simple citoyen ?
Cette affaire relance les craintes qu’affiche le sénateur Jean-Pierre Bemba à retourner au pays et jouer son rôle de leader de l’Opposition. Le Sénat se prépare d’ailleurs à s’y mettre alors que la Justice continue à semer des embûches.
Ainsi va la démocratie à la rdcongolaise. Lorsqu’elle fait un pas en avant, elle recule de deux pas.
Le Révélateur