Le Pays
07/01/10
L’année 2010 semble mettre le feu aux trousses de la diplomatie française. En effet, son premier responsable, sitôt digérés les plats des fêtes de Noël et du Nouvel an, a entrepris de rendre visite à "ses amis Africains". Qu’est-ce qui fait donc tant courir le french doctor ? Quels sujets seront-ils débattus lors de ces visites au Congo Brazzaville, en RD Congo, au Rwanda, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire ? Quel intérêt dans cette tournée sinon pour resserrer les liens avec certains états fidèles et donner un coup de pouce aux régimes en place ?
On se rappelle, suite à sa nomination, le tout nouveau ministre français des Affaires étrangères s’était d’abord rendu au Mali puis au Tchad. Si la question des immigrants africains, notamment maliens, préoccupaient à l’époque, la crise du Darfour interpellait tout autant le Monsieur Humanitaire qui dormait en lui. Aujourd’hui, l’Afrique francophone commémore dans la désillusion ses cinquante ans d’indépendance factice.
On le sait, au sein de la FrançAfrique, il n’existe pas de visite de routine. Tout de même excitant de voir que le Rwanda et la Côte d’Ivoire figurent sur la liste des pays à visiter.
Certes, le Rwanda a eu ces dernières années des velléités de rébellion et c’est significatif qu’il commence par là et termine par le Burkina Faso, pays sans histoires. Certes, le "Pays des Hommes intègres" assure la médiation dans trois pays : Côte d’Ivoire, Togo et Guinée, le dernier pays n’étant pas sur la liste de Bernard Kouchner. Il a choisi de le contourner, sachant qu’il y est perçu comme un "va-t-en guerre". A Ouagadougou, on aura donc l’occasion de faire le point et de donner un coup de pouce à la facilitation. Un coup de main ne sera jamais de trop. En Côte d’Ivoire, la visite permettra au chef de la diplomatie française de s’assurer de la bonne tenue de la prochaine élection présidentielle qui tient à cœur à l’Elysée. On sait que le chef de la diplomatie française s’est toujours montré plutôt pessimiste s’agissant de la sortie de crise en Côte d’Ivoire. Par le passé, Bernard Kouchner, évoquant une visite en Côte d’Ivoire, soutenait qu’il voulait des signes concrets sur "la réalisation d’élections contrôlées et libres selon les critères internationaux". Aujourd’hui, la machine électorale ivoirienne semble encore grippée, quoi qu’en disent ses thuriféraires. Même si les relations entre Paris et Abidjan se réchauffent graduellement, faut-il attendre des miracles de cette autre visite en Eburnie ?
Sur un autre plan, cette virée africaine de Kouchner fait suite à celle de Jacques Toubon. Il est donc probable que l’on cherchera à s’assurer de la présence effective de certains chefs d’Etat africains aux prochaines festivités du 14 juillet. Celles-ci coïncident avec les 50 ans des indépendances africaines et partout sur le continent, nombreux sont les Africains qui ne savent pas ce que les dirigeants ont fait de cette indépendance. L’arrivée de Kouchner en Afrique est peut-être aussi en rapport avec un défi évoqué par le passé par le président Sarkozy face à 180 ambassadeurs français : faire face à des risques majeurs comme le réchauffement climatique, les nouvelles pandémies ou la pérennité des approvisionnements énergétiques. Récemment, à Copenhague, les questions écologiques ont beaucoup fait l’objet de débats controversés. L’Afrique, la grande région de l’Afrique équatoriale en particulier, avait beaucoup polarisé l’attention des experts et des acteurs politiques. On le sait, la forêt équatoriale est en mauvaise posture.
Par ailleurs, la lutte contre le terrorisme intéresse l’Elysée au plus haut point. Dans la même sortie devant ses diplomates, Sarkozy avait indiqué son souci de "prévenir une confrontation entre l’Islam et l’Occident, voulue par les groupes extrémistes comme Al-Qaïda qui rêvent d’instaurer, de l’Indonésie au Nigeria, un khalifat rejetant toute ouverture, toute modernité, toute idée même de diversité". Or, la visite de Kouchner intervient au lendemain de l’échec de la tentative de faire exploser un avion en plein vol par un jeune nigérian accusé de terrorisme. Il est donc évident que le chef de la diplomatie française vienne aussi dans sa zone d’influence pour échanger sur la manière de contrer le terrorisme sur le continent.
Enfin, la France ne doit certainement pas voir d’un très bon œil l’offensive diplomatique chinoise en Afrique. Il est vrai que parmi les défis qui préoccupent Nicolas Sarkozy, figure l’intégration dans le nouvel ordre global, des géants émergents que sont la Chine, l’Inde ou le Brésil. Toutefois, la visite qu’entreprend le ministre chinois des Affaires étrangères cette semaine, semble bien agacer les pays occidentaux. Ils perçoivent dans la poussée chinoise un véritable danger pour leur propre influence.
Mais les Africains n’en ont cure. En cinquante année de pseudo indépendance et de coopération, les voilà qui cherchent toujours à manger, à boire, à se soigner, à s’éduquer, etc. Ils sont aussi fatigués de voir les pays occidentaux parler constamment de promotion des droits de l’homme alors qu’ils coopèrent allègrement avec des régimes sanguinaires et dictatoriaux qui dépouillent le continent, anéantissent les espoirs des peuples et perpétuent leur asservissement. La tournée en Afrique de Yang Jiechi, le chef de la diplomatie chinoise, le conduira dans cinq pays : le Kenya, le Nigeria, la Sierra Léone, l’Algérie et le Maroc. Elle vise, dit-on, à renforcer la présence chinoise en Afrique. Tout compte fait, le discours que viendra tenir Kouchner aux dirigeants des pays visités risque d’être sans relief et sans originalité. Il ne visera qu’à les caresser dans le sens du poil.
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