Jean N'Saka wa N'Saka
6/12/13
Cette nouvelle donne est la preuve que l'ONU considère qu'il n'y a ni vainqueur ni vaincu. Aussitôt la défaite du M23 consommée, l'ONU par le truchement de ses plénipotentiaires de New York et de la MONUSCO, s'était empressée d'inviter les officiels rdcongolais à faire preuve de plus de retenue. Pourquoi rapidement cet appel à la réserve et à la prudence pour un événement qui, aux yeux des dirigeants rdcongolais, méritait d'être marqué d'une pierre blanche et donnait lieu de pavoiser légitimement ? En d'autres termes, les exhortations à s'abstenir des démonstrations excessives de jubilation parce que cette débâcle serait la résultante d'une tactique dont les plénipotentiaires de l'ONU seraient les seuls à percer le dessous des tenants et des aboutissants, mais inaccessibles aux Congolais ? Malgré cette exhortation à la modestie et à la pondération, Kinshasa n'a pas pu s'empêcher d'extérioriser ostensiblement son ivresse de la victoire.
Des marches collectives de soutien aux FARDC par certaines couches politiques et sociales; une pluie de messages de félicitations au commandant suprême des FARDC. La concours appuyé et déterminant de la Monusco et de la brigade spéciale d'intervention de l'ONU semblait compter pour du beurre. Des observateurs étrangers, des politiques nationaux avertis, des analystes lucides s'étonnaient de ce déploiement de griserie qui contrastait avec les réticences recommandées aux officiels rdcongolais par la communauté internationale.
Ce même quotidien " La Tempête des Tropiques ", dans son édition du mardi 05 novembre 2013, a publié une analyse en rapport avec la plus grande retenue à laquelle Kinshasa était exhorté. Le journal arrivait à la conclusion qu'en se laissant aller à pareil débordement de joie, les sphères officielles donnaient l'impression qu'elles n'ont rien compris au film de la débâcle du M23.
Logiquement, en cas de victoire, c'est le vainqueur qui dicte ses volontés au vaincu. Ce qui se passe encore maintenant entre Kinshasa et M23 est troublant. La défaite du M23 était-elle tout simplement apparente et non réelle ? La communauté internationale, par Martin Kobler et Mary Robinson interposés, obligent impérativement le gouvernement rdcongolais et le M23 à entrer de nouveau en pourparlers en vue de signer un compromis final de leurs tractations perturbées par la reprise fulgurante des hostilités qui ont mis le M23 K.O. débout.
Une tutelle inqualifiable
Il est donc clair que L'ONU et Kinshasa n'avaient pas la même perception et la même compréhension de la défaite du M23. Pour les dirigeants rdcongolais, les carottes étaient définitivement cuites pour le M23 ; tandis que pour les plénipotentiaires, on a tout simplement entrevu le bout du tunnel sans pouvoir en sortir.
C'est pour cette raison qu'ils avaient recommandé aux officiels rdcongolais de faire preuve de plus de retenue, car la partie cachée de l'iceberg n'était pas encore dévoilée.
Pour Kinshasa, le M23 est un mouvement rebelle déjà mis hors d'état de nuire à jamais, et avec lequel on ne peut pas traiter sur un pied d'égalité. Mais la communauté internationale persiste et signe : les deux parties doivent absolument entrer de nouveau en pourparlers et signer d'un commun accord un document final de 11 points.
Les sphères officielles ont beau donner de la voix et snober le M23, mais elles ne peuvent pas résister longtemps à la pression exercée discrètement par la communauté internationale, détentrice d'un schéma dont les méandres nous échappent totalement. Le président Joseph Kabila a dû se rendre à Kampala où il s'est retrouvé en tête-à-tête avec son homologue ougandais Yoweri Museveni.
Aux termes du communiqué final sanctionnant leur entrevue, Joseph Kabila a déclaré que les négociations à Kampala devraient reprendre rapidement et aboutir. Cela sous-entend la signature d'un modus vivendi entre les deux parties, c'est-à-dire en l'occurrence Kinshasa et le M23. Nous sommes sous une tutelle qui n'ose pas dire non.
C'est l'ONU qui assume notre destin. On ne peut rien entreprendre et réussir à l'encontre de son propre schéma vers lequel elle nous conduit graduellement et prudemment.
Pour elle, il n'y a ni vainqueur ni vaincu en dépit des fantasmes d'ivresse et de jubilation donnés en spectacle à Kinshasa. A-t-on le courage de s'interroger sur la signification et la portée des pourparlers encore à Kampala entre Kinshasa le vainqueur et le M23 le vaincu ? Des manifestations de joie et des marches pour la victoire, des tonnes de messages de félicitations au chef suprême des Forces Armées, n'ont-elles été que des mirages de fantasmes vaporisés aujourd'hui par le rendez-vous post-victoire de Kampala, une terrible douche froide ? On risque d'en apprendre encore de belles après la signature du compromis.
Indépendance et souveraineté soldées
Dans son analyse politique parue dans l'édition du jeudi 28 novembre dernier, le quotidien " La Tempête des Tropiques " sous le titre " Kinshasa embarrassé par le texte ", soulignait que des embûches tendues au pouvoir gisaient plutôt dans le texte et non dans l'intitulé du document à signer avec le M23 à Kampala.
Officiellement, selon le porte-parole du gouvernement montant au créneau à plusieurs reprises, Kinshasa bataillait apparemment pour faire modifier l'intitulé du document final conçu par le médiateur ougandais, qui devrait être une simple " Déclaration " et non un " Accord ".
A supposer que l'intitulé soit modifié, le contenu du texte restera toujours le même. Et si ce contenu est signé tel quel par les deux parties, il n'y aura plus de quoi pavoiser encore par les hautes sphères officielles comme elles l'ont fait depuis la défaite apparente du M23. Ni marches de joie ni messages de félicitations.
L'application des points énoncés dans le texte mettra sûrement le pouvoir dans l'embarras. L'intégration des milliers d'éléments du M23 et de réfugiés en provenance du Rwanda et de l'Ouganda soi-disant congolais, ce ne serait pas chose facile. Surtout que le pays est déjà infiltré presque partout d'agents de la cinquième colonne.
Nous prétendons être un pays tout à fait indépendant et souverain, capable de s'assumer et de défendre ses intérêts s'ils sont menacés d'une manière ou d'une autre. Mais nous n'avons pas réussi à récuser le président ougandais Yoweri Museveni devenu l'arbitre juge et partie dans les tractations avec le M23. Nous n'avons pas non plus amené les plénipotentiaires de l'ONU à considérer comme absolument inutiles et dépassés les pourparlers entre le vainqueur et le vaincu.
Au contraire, avec nos états d'âmes, nous nous résignons à nous retrouver nez à nez avec les rebelles défaits du M23 comme pour traiter d'égal entre le vainqueur et le vaincu ! La conscience de la souveraineté et le sens de la dignité nous interdisent pareille résignation.
Nous sommes tenus à la merci de l'ONU qui régule le sort de la RDC avec ses voisins de l'Est selon son schéma, et met le vainqueur et le vaincu au même diapason.
La victoire célébrée bruyamment du fait des revers infligés par les FARDC au M23 n'aurait été qu'un déjeuner de soleil, et nous voilà désillusionnés par la reprise des pourparlers à Kampala ! Ce, malgré les miettes exprimées cette sémaine par les députés nationaux.
La Tempête des Tropiques