AFP
06/12/08
L'annonce d'une rencontre entre le gouvernement congolais et la rébellion de Laurent Nkunda lundi à Nairobi est un pas vers un règlement politique du conflit en République démocratique du Congo (RDC), qui reste toutefois conditionné à leurs vraies intentions, selon des analystes.
A Kinshasa, l'enthousiasme était de mise samedi dans la presse pro-gouvernementale: "Enfin le dialogue!" titrait L'Avenir. "Les armes sont en voie de ne plus crépiter dans la partie orientale de la RDC", renchérissait La Prospérité.
L'envoyé spécial de l'Union européenne (UE) pour la région des Grands Lacs, Roeland van de Geer, se déclarait également "très optimiste".
"Il est important qu'il y ait des négociations entre les belligérants" pour tenter de mettre fin aux combats qui déchirent depuis plus de trois mois la province du Nord-Kivu (est), a-t-il dit à l'AFP.
Le gouvernement congolais, qui a longtemps refusé de discuter avec l'ex-général Nkunda, a annoncé vendredi la tenue d'une réunion lundi à Nairobi avec des représentants de la rébellion, sous les auspices du médiateur de l'ONU, l'ex-président nigérian Olusegun Obasanjo.
"On remet sur rail le processus de négociations au Nord-Kivu: c'est sans aucun doute un pas dans la bonne direction", commente François Grignon, directeur du programme Afrique de l'institut International Crisis Group (ICG).
Mais, souligne-t-il, "ce n'est qu'un début" et il se jouera sans les principaux protagonistes.
La rébellion sera représentée par son secrétaire exécutif adjoint, Serge Kambasu Ngeze, et Kinshasa par son ministre de la Coopération internationale et régionale, Raymond Tshibanda.
"Aura-t-on les bons acteurs pour avoir des décisions opérationnelles?", s'interroge M. Grignon.
Le gouvernement a traîné des pieds avant d'accepter la rencontre et a cédé parce qu'il est en position de faiblesse sur le terrain, ont estimé plusieurs sources diplomatiques.
Les troupes du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Nkunda ont infligé d'humiliantes défaites à l'armée de RDC et campent depuis fin octobre aux portes de Goma, la capitale du Nord-Kivu.
Pour stabiliser la situation, Kinshasa espérait l'envoi de troupes européennes, en attendant les renforts annoncés de la Mission de l'ONU en RDC (Monuc). Mais Bruxelles a indiqué cette semaine qu'elles n'étaient "pas à l'ordre du jour".
Le gouvernement souhaitait aussi une intervention angolaise, par le biais de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), qui ne s'est pas concrétisée jusqu'à présent.
"Militairement, le gouvernement est bloqué: ni les Européens ni les Angolais n'iront dans l'est. Kinshasa a donc besoin de temporiser", estime un expert international.
Le gouvernement a déjà tenté de banaliser la rencontre de Nairobi, affirmant qu'elle s'inscrivait dans le cadre du "programme Amani" lancé en janvier avec tous les groupes armés de la région. L'Abbé Appolinaire Malu Malu, coordinateur de ce programme, figurera d'ailleurs dans la délégation congolaise.
Côté rebelle, la nature des intentions n'est pas davantage établie, estime un diplomate occidental. "Vu ses effectifs et le territoire qu'il contrôle, le CNDP a aussi besoin de marquer le pas pour réorienter ses actions. Il y a un risque de pourrissement de la situation."
Dès samedi, le CNDP assurait que la rencontre ne serait qu'un "préalable" pour lever certaines "équivoques" avant l'ouverture de négociations de fond et rejetait le cadre Amani.
Malgré toutes ces ambiguïtés, "si les médiateurs ont du talent", ils pourront amener les parties à réellement négocier, souligne l'expert étranger qui a requis l'anonymat.
"Nairobi", selon lui, "peut aussi bien être une amorce de dialogue qu'un paravent pour préparer une offensive militaire."
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