El Memeyi Murangwa
09/12/12
MUNYONYO – Une tension a été évitée de justesse grâce à la vigilance d’un officier supérieur du M23 qui a su calmer ses collègues après qu’un membre de la délégation Kinoise se faisant passé pour président du Congrès National pour la défense du peuple (CNDP) ai insulté certains membres de la délégation venus de Bunagana (Nord-Kivu) juste à l’entrée de la salle de conférence de Munyonyo à Kampala.
Etonné par ce comportement indigne qui ne reflète en rien son parti politique, le Président du CNDP Déogratias Nzabirinda a manqué les mots.
L’incident n’a pas empêché le Chef de la délégation, François Rucogoza de faire une sortie remarquée après le timide discours du ministre congolais Raymond Tshibanda ayant en charge les affaires étrangères.
Sur un ton vif, le secrétaire exécutif du M23 a condamné le gouvernement congolais pour sa gestion calamiteuse de la crise au Kivu: « La situation sécuritaire dans l’Est de notre pays s’explique en partie par le refus du gouvernement central de reconnaître qu’il y a des problèmes internes qu’il faut diagnostiquer et traiter en profondeur. Elle est aussi l’expression d’une conséquence visible d’une mauvaise gouvernance caractérisée par le manque d’un leadership visionnaire. »
François Rucogoza n’a pas manqué de fustiger le comportement anormal du régime Kabila qui entretient des relations douteuses avec les rebellions des pays voisins (Burundi, Rwanda, et Ouganda) qui déciment la population congolaise pendant que le même régime ne ménage aucun effort pour persécuter l’opposition politique.
Enervé par le discours du M23, le ministre Tshibanda a sollicité du facilitateur de faire une réplique le lendemain 10 décembre 2012, promettant de déballer le M23 devant la presse.
Nombreux politiciens congolais en séjour à Kampala espèrent que les deux parties privilégieront la recherche d’une solution politique au conflit.
L’occasion n’est certes pas propice à se livrer en pâture devant des voisins qui ne cessent de pousser à un dialogue constructif.
DISCOURS DU PRESIDENT DE LA DELEGATION DU M23 A L’OCCASION DES NEGOCIATIONS DE KAMPALA
Monsieur le représentant spécial du Président de la CIRGL,
Monsieur le Secrétaire exécutif de la CIRGL,
Monsieur les représentants du Corps diplomatique,
Distingués invités,Mesdames et Messieurs,
Chers compatriotes,
Permettez moi, au nom du mouvement du 23mars 2009 et en celui de son Président, et en mon nom propre d’exprimer toute notre gratitude à l’endroit du Président Yoweri KAGUTA MUSEVENI, Président de la République de l’Ouganda et Président en exercice de la CIRGL, qui ne ménage aucun efforts afin de permettre au peuple congolais de résoudre ses problèmes en toute responsabilité. A travers son auguste personne, c’est à tous les chefs d’Etats de la région des Grands Lacs que nous adressons nos sincères remerciement pour avoir convoque ces assises dans le 5eme sommet extraordinaire des Chefs d’Etat et des gouvernements réunis à Kampala le 24 novembre de cette année.
Nous leur renouvelons notre confiance et sommes disposés à collaborer avec la région jusqu’à l’accession à une paix durable en RDC.
La situation sécuritaire de l’Est de notre pays, s’explique en partie par le refus du gouvernement central, de reconnaitre qu’il existe des problèmes internes qu’il faut diagnostiquer et traiter en profondeur. Elle est aussi l’expression d’une des conséquences visible d’une mauvaise gouvernance imputable essentiellement au manque de leadership visionnaire.
Mesdames, Messieurs,
Distingués invités,
Chers compatriotes,
Voici bientôt huit mois que le gouvernement de Kinshasa nous a obligé à nous regrouper sur les collines de RUNYONI, afin d’échapper à une mort militairement programmée. Notre seul tort était de solliciter un dialogue ouvert dans le but de réévaluer les accords du 23 mars 2009 signés entre le gouvernement, le CNDP et les autres groupes armés du Nord et du Sud-Kivu sous la médiation et la facilitation des Nations Unis et de l’Union Africaine représentées par leurs Excellences OLUSSEGUN OBASSANDJO et Benjamin MKAPA. Il est à souligner que les mêmes délégués qui représentaient les deux parties en conflit en 2007 à Goma, 2008 à NAIROBI et 2009 à GOMA sont ceux présents dans cette salle, sauf qu’un camp, profitant du fait qu’il gère l’appareil étatique, réussit de temps à autre à peindre en force négative ses partenaires dont les visages lui sont, pourtant, devenus familiers. Nous regrettons la récente coutume des forums régionaux et internationaux qui établissent des jugements par défaut en faisant écho de l’arme propagandiste de la partie qui a le privilège d’y siéger.
Pourtant la médiation constituée par des ainés avisés ci-haut cités avaient exprimé des sérieuses inquiétudes, d’abord devant le Conseil de Sécurité sur le fait que les causes profondes des conflits n’étaient pas traitées et ensuite, à la tribune de l’Union Africaine en disant, nous citons : ‘’a futher grave concern remains… Without dealing with root causes, peace can neither be durable nor irreversible”.
Malheureusement, face à ce diagnostic fait par la Communauté internationale et aux memoranda ainsi que des correspondances lui adressés par les autres parties à l’accord du 23 mars 2009, le Président de la République, dans son discours à la nation du 7 décembre 2009, décréta la fin du dialogue et de la réconciliation en République Démocratique du Congo. Il dit solennellement : « Je ne renierai pas mon serment… sous prétexte d’esprit de dialogue ou de quête de réconciliation. » La concrétisation de ce discours vit ses premiers actes en début mai 2012 avec une attaque militaire appuyée par des chars, des avions de combats et une forte troupe pour nous éradiquer définitivement sur les hauteurs de Runyoni. En guise de légitime défense, nous avons repoussé lesdites attaques jusqu’à la prise de la cité de JOMBA et BUNAGANA. Plutôt que de tirer profit de cet avantage militaire, nous avons tendu la main au gouvernement pour la réouverture des négociations directes visant à mettre fin à la crise et pacifier le pays.
Le refus du gouvernement sera sans appel. Fidèle à sa logique guerrière, en juin 2012, il va masser des troupes à Rutshuru et KIWANJA puis, lancer des attaques qui seront repoussées jusqu’à la prise de ces deux cités. Mais, nous nous y retirerons pour favoriser les négociations et laisser une zone tampon contrôlée par la MONUSCO et la Police Nationale Congolaise.
Le même phénomène se répétera le 17 Novembre 2012, lorsque nos forces avaient décidée de s’arrêter aux portes de goma pour donner la chance a la paix en créant une zone tampon pour éviter la confrontation des forces en présence, l’armée gouvernementale décida alors de lancer l’assaut contre nos positions, ce qui nous obligera à prendre le contrôle de la ville de Goma. Fidele a notre conviction du dialogue comme seule option pour la résolution définitive de la crise, nous avons décidé de nous en retirer contre toute attente pour donner la chance à la paix. C’est ce sacrifice qui nous permet aujourd’hui de nous réunir en ce lieu. Il est à noter que nos troupes ont abandonnée une zone distante de 60 km de Goma en direction du sud-ouest alors que la déclaration des chefs d’états de la région ne nous le demandait pas.
Nous espérons qu’à la signature de ces accords, des mécanismes seront trouvés pour que notre pays cesse d’être la machine à fabrication des rébellions pour la déstabilisation des pays voisins. Le gouvernement de Kinshasa a su entretenir des mouvements rebelles contre chacun de ses voisins, surtout ceux de l’Est. Notre pays abrite les FNL contre le gouvernement du Burundi, les FDLR contre le gouvernement du Rwanda, les ADF/NALU et la LRA contre la paix et la prospérité de l’Ouganda. Ces groupes armés étrangers constituent une menace permanente contre les populations de l’Est de la RDC qui n’en peuvent plus de subir des violences en toute impunité des bourreaux. Lorsqu’il s’agit de ces groupes étrangers, jamais le gouvernement de Kinshasa ne considère la souveraineté nationale en danger. Mais quand les fils et filles du pays décrient ce phénomène comme le fait le M23, très rapidement, l’on crie à l’agression, à la balkanisation et l’on recourt à l’arme de la haine ethnique.
L’exemple de la gestion tolérée du poste frontalier d’Ishasha par les FDLR alors que celui de Bunagana est fermé à la demande du gouvernement congolais en imposant un embargo contre sa population montre a suffisance la collusion du gouvernement et des FDLR.
Nous saisissons cette tribune pour alerter la communauté internationale sur une chasse à l’homme qui a commencé dans les zones abandonnées par le M23 et récupérées par les forces gouvernementales. Il est entrain de leur arriver ce que la nation garde en mémoire à savoir les massacres de juillet 2006 contre les partisans de Jean-Pierre Bemba, ceux de 2008 contre les partisans du Bundu Dia Kongo et en 2011 contre des centaines de partisans d’Etienne TSHISEKEDI. Plusieurs cas sont à signaler dans ce sens, mais nous préférons nous en arrêter là.
Cette violence est même entretenue idéologiquement par les membres de la famille idéologique du chef de l’état qui se sont souvent illustrés par des incitations à la haine ethnique et à la xénophobie. Voir par exemple la matinée politique du PPRD, parti du Chef de l’Etat et différentes manifestations organisées par le pouvoir à travers lesquelles la communauté tutsi a été souvent prise pour cible. Voir également des nombreuses émissions organisées et retransmises en direct par la Radio Télévision Nationale Congolais reprise par plusieurs medias proches du pouvoir ayant comme principal animateur de la haine LUSHIMA et le député Zacharie BABABASWE. Le gouverneur du Nord-Kivu, Julien PALUKU rivalise des ailes avec les plus extrémistes de ce camp.
Permettez-nous de vous dire également que l’échec de l’intégration des militaires issus de l’ex-CNDP et autres groupes armés est imputable au manque de volonté politique et de la mauvaise foi du gouvernement. Alors que le gouvernement reproche aux militaires de l’ex-CNDP de refuser le redéploiement dans des provinces autres que les Kivus, ceux qui ont accepté d’aller opérer ailleurs, notamment en province orientale y ont été massacré par leurs collègues d’obédience présidentielle. Nous faisons ici mémoire de 46 militaires ex-CNDP ainsi assassinés à Dungu. L’officier supérieur auteur de ces atrocités fut promu. Une commission conduite par les Majors Douglas Kiroko Mbera, Jean-Marie Vianney Kazarama et Amaniyo sera mise en place pour diligenter l’enquête sur ces assassinats. Ses membres seront obligés de rebrousser chemin sur ordre du Général-Major Amisi Kumba Tango Four, alors Chef d’Etat Major des forces terrestres.
A la suite de ces actes de meurtres et assassinats de plusieurs autres commandants et hommes de troupes issus de l’ex-CNDP et du PARECO/FAP, un mémorandum sera adressé au Chef de l’Etat Joseph Kabila KABANGE. Il lui demandait d’intervenir personnellement pour mettre fin à ces tueries à l’encontre des militaires d’expression Kinyarwanda. Dans ce mémorandum, sera dénoncé aussi la discrimination dans l’armée, le manque de logistique pour éradiquer les forces négatives étrangères (FDLR, ADF/NALU, LRA…) mais aucune suite ne sera réservée à cette initiative. D’autres officiers et hommes de troupes sont jusqu'à ce jour arrêtes et séjournent dans les prisons du Gouvernement congolais.
Qu’il nous soit permis aussi d’esquisser quelques phrases sur le social des Congolais.
La RDC est classée 187ème sur 187 nations de la planète en ce qui concerne l’IDH – Indice de développement Humain en 2011 selon le PNUD. Selon la fondation Mo Ibrahim sur le niveau de Bonne Gouvernance en Afrique, notre pays se situe à la 50ème position sur 54. 73,2% de la population congolaise vit sous le seuil de pauvreté. 46,5% dans un état d’extrême pauvreté. L’espérance de vie est de 48,4 ans. L’enseignement secondaire n’est accessible qu’à 36,7% de garçons et 10,7% de filles durant la période 2001-2001. De 2006 à 2010, la RDC n’a réussi à bitumer que 110 Km de routes. L’environnement des affaires est l’un de pires au monde, soit 175ème sur 179 pays. L’administration est complètement paralysée et le service public quasiment inexistant. L’armée est clochardisée et il se vit une extradition systématique des nationaux vers des juridictions étrangères. Les cas du sénateur Jean-Pierre Bemba est le plus emblématique. Un aveu d’incompétence et d’absence du sens de la dignité nationale. La condition misérable des missions diplomatiques a conduit un journaliste de Jeune Afrique à s’écrier : « Vivant chichement, les diplomates congolais inspirent de la pitié à leurs pairs ».
Mesdames et Messieurs,
Distingués invités,
Le M23 est la conséquence de toutes ces larmes. La fracture sociale est inacceptable. L’exclusion sociale entretenue par le gouvernement contre les populations de l’Est de la RDC d’être des étrangers a atteint son paroxysme. Des compatriotes Rwandophone sont systématiquement accusés d’être des Rwandais. Un dérapage à stopper à tout prix.
Les blessures sont profondes. Quel est ce pays qui continue à fournir des réfugiés au monde, alors que des élections y sont organisées ? Peut-on parler de démocratie et avoir des réfugiés et des prisonniers politiques et d’opinion ?
Il est impératif de panser les blessures de ces injustices et mettre en place une société juste et stable. Le M23 est un mouvement essentiellement congolais, mais il est accusé d’ « étranger » pour la simple raison que parmi ses animateurs, l’on trouve des Congolais rwandophones. Une fuite en avant qui cache des problèmes majeurs fondamentalement congolais et n’engagent aucun Etat étranger.
La Nation se souviendra toujours que le Président Joseph Kabila a déjà signé plusieurs accords, mais souvent pour ne pas les respecter. Nous invitons les gouvernements des pays membres de la CIRGL et spécialement le Président en exercice de cette auguste institution des mécanismes de suivi pour garantir la mise en œuvre des accords que nous signerons bientôt.
Avec le concours et le soutien des Etats membres de la CIRGL, le M23 ne ménagera aucun effort pour participer à la résolution pacifique du conflit qui mine, non seulement l’’Est de la RDC, mais toute la RDC. Combattre les antivaleurs, le tribalisme, la xénophobie, toute forme d’exclusion et surtout la lutte contre la corruption érigée en système de gouvernance en RDC ne peut être considéré comme une faute. Aucune nation ne peut se construire sur les démons de la division, de l’exclusion et du mensonge.
Eu égard de tout ce qui précède, le M23 a demandé des négociations directes avec le gouvernement et remercie pour les présentes assises.
Je vous remercie,
Fait à Kampala, le 09 décembre 2012
François Rucokoza
Secrétaire exécutif du M23.
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