Bahati Amani
20/03/08
L’actualité congolaise se développe avec rapidité, à tel point qu’il faut être aveugle pour ne pas voir, qu’une nouvelle page est en train de se tourner dans l’histoire du « grand Congo » qui risque de devenir « petit » Congo. Depuis l’avènement de Joseph Kabila à la tête des institutions, le peuple congolais passe de déceptions en déceptions, de mensonges en mensonges, de massacres en massacres et de misère en misère. Depuis que ce pays existe, on n’a jamais vu le tribalisme prendre une telle ampleur jusqu’à devenir une norme sociale. Au plan économique, c’est le fiasco. Les négociations avec les organisations de Breton Woods trébuchent et les représentants du Fonds Monétaire International n’ont pas caché leur insatisfaction. Le point d’achèvement atteint par beaucoup de pays africains, attendra encore longtemps au Congo.
Certains analystes vont jusqu’à utiliser le terme provocateur de la vente du Congo. C’est comme lorsque le ministre français des relations internationales, Alain Juppé parlait de génocide au Rwanda, on qualifiait ses propos d’excessifs. Mais la suite lui donna raison. Au plan social, la grogne monte à tel point que le président du sénat a vu son discours censuré par la télévision nationale, pour avoir fait allusion aux problèmes qui fâchent. Au plan sécuritaire, c’est plus grave. On peut se faire tuer même en pleine journée. La famille de l’homme d’affaire congolais Ngezayo Albert Prigogine de Goma en sait quelque chose, pour avoir perdu leur père. Au plan territorial, la grande partie du pays échappe au control de l’Etat. Des entités entières sont occupées par des étrangers. Seule la culture garde encore le souffle car, Koffi Olomidé, JB M’Piana, Ngiama Werra Son ou L’Or Mbongo et autres, sont les seuls à redonner encore de l’espoir aux Congolais : mais jusqu’à quand doit-on continuer de danser, alors que le pays va mal ? En disant que : « La raison est Hélène, l’émotion est Nègre » Léopold Sedar Senghor faisait-il allusion aux Congolais ?
L’économie congolaise va mal
A peine le ministre des finances venait de donner son bilan annuel où il se félicitait d’avoir augmenté les recettes de l’Etat et amélioré les conditions de vies des congolais ; à peine le gouverneur de la Banque centrale, le Katangais Jean Claude Massangu venait de présenter ses nouvelles coupures monétaires à la population, le cours du dollar américain montait en RDC, les prix des denrées de première nécessité se multipliaient et les fonctionnaires voyaient leurs salaires réduits. Comme cela ne concerne que les congolais, on peut encore supporter. Mais une affaire intolérable, ce sont ces contrats miniers signés entre le gouvernement et les exploitants étrangers. Des contrats qui vont jusqu’à trente voir cinquante années d’exploitations anarchiques du sol congolais. Ce qui signifie que, nous allons vieillir en contemplant comment le pays est exploité, sans que cela ne profite, ni aux congolais d’aujourd’hui, ni aux enfants ! Le pire dans ces contrats, c’est leur caractère maffieux. Personne ne sait comment les choses se sont passées. Tout ce qu’on sait est que : le pays est exploité. Le terminator des dossiers, c’est le litige entre le « grand » Congo et le FMI. Alors que le gouvernement se ventait d’avoir atteint le point d’achèvement, avant les vérificateurs du FMI, ces derniers sont venus calmer les enthousiasmes en déclarant le rapport financier du gouvernement congolais fantaisiste. Ils ont promis de retourner dans trois mois. On attend.
Dans la société : tout le monde pleure
Il est devenu difficile de faire la différence entre les fonctionnaires, les étudiants et les chômeurs en RDC. A l’exception des hommes politiques qui se sucrent sur le dos des populations, tous les autres pleurent leur sort au quotidien. Le mercredi 19 mars, ce sont les enseignants de Bukavu qui se plaignaient que leur solde soit réduit, sans leur avis. Par qui ? Pour quoi ? Comment ? Le vol, seul héritage enraciné de la période de Mobutu continue de faire ses ravages, alors qu’on semblait sonner fin de la recréation. Or, elle ne fait que commencer. Les médecins sont en grève
depuis longtemps et aucune perspective ne leur permet d’espérer un lendemain meilleur. En fait, pour atteindre le point d’achèvement, il faut serrer la ceinture. Les Camerounais en savent quelque chose. Les professeurs d’universités commencent eux à se fatiguer dans leurs revendications. Ils ne savent plus s’il faut continuer ou arrêter. Personne n’est prêt à les écouter. Le pays étant dirigé par les militaires Katangais, la seule chose qui vaille la peine, c’est la survie du pouvoir et cela a un prix : « priver les autres pour privilégier certains militaires ». Mais surtout pas ceux de l’Equateur !
Quant au panier de la ménagère, il est tout simplement vide. La seule chose qui reste, c’est de prier le Bon Dieu pour que le miracle arrive au Congo : mais quel miracle ?
Le territoire : Joseph Kabila est-il le nouveau Gorbatchev ?
Seuls le ministre de l’intérieur et de la sécurité nationale Denis Kalume Numbi et son petit frère Joseph Kabila Kabange, président de la république par défaut, semblent croire au mythe d’un Congo uni et fort. Cette vision est battue en brèche par la réalité sur le terrain. A vrai dire, le Congo n’existe plus comme Etat unitaire. Sauf si on est menteur ou aveugle. La radio Okapi reporte chaque jour les pleurs des populations des territoires occupés par des bandes armées, ou des armées étrangères. Ces territoires échappent totalement au control du gouvernement central congolais, mais le gouvernement n’ose pas bouger. Parmi ces territoires citons : L’Ituri où l’armée n’arrive pas à imposer l’autorité de l’Etat ; Kahemba où les angolais font la loi, Bas-Ouele et Haut-Ouele où les Mbororo sont les maîtres. Rappelons que le rapport de l’envoyé spécial de l’Union Africaine, l’ancien ministre sénégalais Abdoulaye Bathily en novembre 2007, est resté caché sans suite. Le territoire de Walikale est sous le control des FDLR qui jugent et administrent les congolais à leur guise. Ils en profitent pour injecter l’idéologie génocidaire. On a vu les fruits à la conférence de Goma. Enfin, c’est le Katanga qui évolue lentement mais sûrement vers une plus large autonomie, sans avoir besoin d’un référendum comme au Sahara occidental. Voyant cela, les compatriotes Ne Kongo se demandent, pourquoi on ne peut pas leur permettre aussi de faire comme les autres ? Cet état de fait que certains appellent la balkanisation du Congo, constitue juste une étape vers la création de l’union des Etats du Congo, anciennement colonisés par la Belgique, Union que beaucoup de congolais avaient souhaité depuis l’indépendance, mais que les belges refusaient d’accorder. Ceux-ci sont morts, sans voir leur rêve se réaliser ! D’Albert Kalondji au Kassaï à Moïse Tchombé au Katanga ; de Jean Schraam au Kivu à Pierre
Mulele au Bandundu, tout le monde a toujours souhaité voir émerger une association d’Etats libres. Ce qui arrangerait d’ailleurs la Belgique qui aurait plusieurs anciennes colonies qui lui apporteraient un précieux soutien aux nations Unies et dans les institutions internationales. Alors que les dirigeants congolais supputent sur la restauration de l’autorité de l’Etat au Bas-Congo, tous les députés nationaux et provinciaux confondus, originaires de cette province, commençant par le président de l’Assemblée provinciale du Bas-Congo, déclarent leur soutien aux idéaux du mouvement Bundu dia Kongo. Il est en quelque sorte, leur porte-parole. Il dit tout haut ce que tous les Ne Kongo pensent tout bas, c’est-à-dire qu’il faut « un Etat pour les Ne Kongo » au sud de la RDC. D’ailleurs, à la rentrée parlementaire provinciale, ces compatriotes n’ont-ils pas chanté l’hymne nationale en Kikongo, alors que la langue officielle de la RDC c’est le Français ? Joseph Kabila est peut-être le nouveau Michael Gorbatchev fabriqué spécialement pour la RDC ? En attendant, on chante et on danse le Kisanola, et la vie continue !