Amba Wetshi
17/01/08
Les analystes s’arrachaient les cheveux mercredi 16 janvier pour comprendre le sens des déclarations – que d’aucuns qualifient d’incohérentes – faites à l’agence britannique Reuters par Joseph Kabila, la veille, excluant la participation de Laurent Nkunda, leader du CNDP (Congrès national du peuple) aux travaux de la Conférence sur la paix. Du berger à la bergère, les Nkundistes ont accusé Kabila de saboter le processus de paix. Ambiance
La politique poursuivie par Joseph Kabila dans la crise qui prévaut dans les provinces du Kivu continue à baigner dans une totale opacité. Le «raïs» congolais est passé maître dans l’art de vouloir une chose et son contraire : négocier à Kigali avec Laurent Nkunda, sous la facilitation du commandant en chef de l’armée rwandaise James Kabarebe alors que l’état-major général des Forces armées congolaises s’y oppose ; accepter le «mixage» exigé par le chef du CNDP au lieu de «brassage» ; enfin, faire la guerre au moment où la communauté internationale conseille une solution politique. Une solution négociée. Comment pourrait-il en être autrement quand on sait que l’option militaire s’est soldée par une humiliante défaite des troupes loyalistes. Pas moins de 2000 soldats ont ainsi perdu la vie lors des combats à Mushaki. Une bonne partie de la province du Nord-Kivu échappe depuis mi-décembre dernier à l’imperium de Kinshasa par la bêtise de ceux qui gouvernent la RD Congo. Arrivé mardi 15 janvier à Goma, «Joseph» est sorti de son mutisme légendaire en se répandant en propos aux conséquences imprévisibles. "Personne ne va inviter Nkunda ici parce qu’il a des problèmes avec la justice", a-t-il confié à un journaliste de Reuters avant de quitter Kinshasa rappelant au passage que le gouvernement congolais a transmis à Interpol un «mandat d’arrêt» visant le général dissident Laurent Nkunda Mihigo. Et dire que dans la même interview Kabila prétend se rendre au Nord Kivu "pour m’impliquer personnellement dans la recherche d’une solution". Présents à la réunion qui se tient au chef-lieu de la province du Nord-Kivu, les représentants du leader du CNDP n’ont pas tardé à réagir en regrettant cette prise de position qui «ne va pas dans le sens de la paix ». Les délégués Nkudistes, qui réclament à cor et à cri des «discussions directes» avec les autorités de Kinshasa ont néanmoins opté pour la modération en formulant l’espoir de voir le numéro un Congolais changer sa position et revenir sur ces déclarations à l’emporte-pièce «qui ne font que jeter de l’huile sur le feu », a déclaré Kambasu Ngeve, chef de la délégation du CNDP. Que veut Kabila ? Escompte-t-il faire échouer la conférence en cours pour donner à Nkunda le prétexte qui lui manquait pour relancer les hostilités ? Fallait-il opter pour une solution négociée tout en tenant un discours belliqueux ? Trois questions qui revenaient sans cesse mercredi alors que les conférenciers avaient entamé les travaux au niveau des commissions. D’aucuns n’ont pas hésité à qualifier les propos de Joseph d’«incohérents» dans la mesure où ils prennent le contre-pied de l’«ouverture» affichée il y a à peine deux semaines par le président de l’Assemblée nationale, le PPRD Vital Kamerhe, qui s’exclamait : «Nous ne pouvons faire la paix qu’avec ceux qui font la guerre». Il faut bien reconnaître que l’ex-général continue à exprimer sa volonté de participer au colloque de Goma. A la seule condition de recevoir un carton d’invitation. "Si je suis invité, déclarait-il à Reuters, j’irai. Je n’ai pas reçu d’invitation personnelle". Pour Nkunda, une rencontre avec Kabila serait une «bonne chose» pour amorcer un «rapprochement». «Quand les gens se parlent de loin, ils se méfient. Quand ils se parlent de près, ils se disent des choses", estime-t-il. Questions : un mandat d’arrêt international a-t-il été lancé à l’encontre de Nkunda ? Pourquoi ? Qui a lancé ce mandat ? Quand ? Ce mandat a-t-il été transmis aux gouvernements étrangers ? Selon des bonnes sources un mandat d’arrêt a effectivement été «élaboré» à l’encontre du colonel Jules Mutebusi et du général Laurent Nkunda. Le document, sans date, porte la signature de l’Auditeur général des Forces armées congolaises Joseph Ponde Isambwa, général de brigade. Par lettre, sans date, n°AG/1050/D21/2005, cette pièce judiciaire a été transmise au président de la République ainsi qu’à plusieurs autorités civiles et militaires.Trois chefs d’inculpation sont articulés à l’encontre des intéressés : constitution de mouvement insurrectionnel, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Le mandat aurait été émis au lendemain de la mutinerie de Bukavu menée par le colonel Jules Mutebusi et le général Laurent Nkunda. Selon des bonnes sources, pour devenir «international», ce mandat d’arrêt doit être transmis aux gouvernements étrangers. Des sources militaires et diplomatiques à Kinshasa assurent que c’est Joseph Kabila qui a « gelé » la transmission de ce mandat d’arrêt. «Kabila continue son jeu de poker-mensonge quand il dit que Nkunda a des ennuis avec la justice»,conclut un magistrat militaire joint à Kinshasa.