Joseph Kabila entretient le flou au Nord-Kivu.

B. Amba Wetshi

22/09/07

 

jk_kabila.jpgArrivé mercredi 19 septembre à Goma, le numéro un Congolais s’y trouvait encore vendredi. Il a fait part aux habitants de la localité de Sake de sa « détermination » de rétablir la paix dans la région et de ne « jamais négocier » avec Laurent Nkunda. En décembre 2006, Kabila avait fait la même promesse lors d’une visite éclair à …Sake.

A quel jeu se livre Joseph Kabila dans la gestion de l’instabilité qui prévaut dans les provinces du Kivu ? A la surprise générale, le « président élu » est arrivé mercredi 19 septembre à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Depuis plusieurs mois, des éléments des FARDC (Forces armées de la RD Congo) affrontent les combattants du CNDP (Congrès national de défense du peuple) du général mutin Laurent Nkunda Mihigo dans cette partie du pays.

Les combats ont lieu essentiellement sur l’axe Masisi-Rutshuru. La localité de Sake a failli tomber entre les mains des insurgés ce qui aurait ouvert à ceux-ci la route de Goma. Que vient faire le « commandant suprême » des FARDC sur le théâtre des opérations ? Aussitôt après son arrivée, Kabila s’est rendu à Mungunga à 15 km de la ville de Goma sur la route de Sake « pour visiter les déplacés de guerre en vue de leur donner un message de réconfort et de compatir avec eux », indique une dépêche de l’Agence congolaise de presse. Il s’est par la suite rendu au chevet des blessés de guerre à l’hôpital militaire de Katindo « pour compatir avec ces braves combattants ». Dans la soirée, Kabila s’est entretenu, à l’hôtel «La Joie Plazzia » de Goma, avec les membres de l’Assemblée provinciale et du gouvernement provincial du Nord-Kivu, les notables et les représentants de la société civile ainsi que ceux des couches sociales de la place.
Au cours d’un point de presse tenu à Goma, Joseph a assuré être venu « palper du doigt la situation sécuritaire de la province ». Il a par ailleurs clamé « sa détermination » à mettre fin à la guerre dans cette contrée du territoire national. Du déjà entendu. « Nous sommes déterminés pour que la paix et la stabilité reviennent au Nord-Kivu comme partout ailleurs dans d’autres provinces de la RD-Congo», a-t-il martelé.
Quant à la « négociation avec les dissidents », Kabila a surpris l’assistance en déclarant « qu’il n’y a jamais eu et qu’il n’y aura pas de négociations avec des gens qui tuent la population ». Une allusion claire sur le général dissident Laurent Nkunda et ses hommes. Pour lui, « la seule voie et chance pour ces derniers est le brassage et l’intégration dans l’armée nationale. » De même, « personne ne peut s’arroger le pouvoir de sécuriser sa communauté ou son ethnie. Il revient à l’armée nationale de sécuriser toute la population congolaise ». Une nouvelle allusion à Nkunda qui, pourtant, défie les pouvoirs publics depuis juin 2004. Kabila d’entonner son refrain bien connu selon lequel « la période de l’impunité est révolue » et que « tous ceux qui ont des mandats d’arrêt internationaux et nationaux seront appréhendés et la justice fera son travail ». Quid des combattants des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) ? Joseph paraît plutôt évasif en relevant que « la question est en train d’être réglée étape par étape ». Questions : D’où vient l’esprit guerrier et jusqu’au-boutiste inattendu qui anime (?) désormais Joseph Kabila à l’égard de Laurent Nkunda ? Cette surprenante détermination s’explique-t-elle par le « lâchage » hypothétique de ce dernier par le Rwanda de Paul Kagame ou par la conclusion d’un « deal secret» entre Kinshasa et Kigali ? Kabila, Kagame et Nkunda auraient-ils conclu un pacte dont les Congolais ne verraient que du feu ? En tous cas certains observateurs trouvent suspects l’injonction du « commandant suprême » des FARDC invitant les combattants de Nkunda d’aller aux brassages. La Mission de l’ONU au Congo avait révélé dernièrement la découverte de plusieurs soldats de l’armée régulière rwandaise parmi les combattants du « général Laurent ». « Cet appel au brassage constitue en réalité une opération destinée à organiser l’infiltration des soldats rwandais au sein des FARDC », estime une source militaire jointe au téléphone à Goma. Selon un expert militaire joint à Kinshasa, « le général Kisempia Sungila Lombe, a été limogé de son poste de chef d’état-major général notamment pour avoir refusé l’intégration des anciens soldats de l’Armée patriotique rwandaise, étiquetés CNDP, au sein des FARDC ». A Goma, des observateurs ont été surpris d’entendre Kabila promettre le retour de la paix aux habitants de Sake. En décembre 2006, l’homme avait fait la même promesse lors d’une visite éclair à Sake. Les habitants de cette localité attendent toujours les premiers signes. Les mêmes observateurs ont été étonnés d’entendre Kabila s’écrier « qu’il n’y a jamais eu et qu’il n’y aura pas de négociations avec des gens qui tuent la population ». Le ministre congolais de l’Intérieur Denis Kalume Numbi avait exclu toute négociation avec Laurent Nkunda. Selon certaines sources militaires à Kinshasa, le général Kisempia avait appuyé cette thèse. « Au grand dam de Joseph qui décida proprio motu de faire « la paix de braves » avec l’officier dissident par l’entremise du général John Numbi », commente un officier. « C’est encore Joseph Kabila qui sollicita les bons offices du Rwanda pour faciliter les négociations Numbi-Nkunda ». Rappelons qu’aux termes de ces négociations un « gentleman agreement » a été signé à Kigali entre John Numbi et Laurent Nkunda mettant fin aux hostilités déclenchées le 25 novembre dernier. Dans cet accord, il a été convenu notamment la formation de six brigades « mixées » et non « brassées ». Mission : traquer et désarmer les combattants des FDLR. Aux dernières nouvelles, ceux-ci combattraient dans les rangs des FARDC pendant que le régime de Kigali les accuse d’avoir participé au génocide de 1994. Le moins qu’on puisse dire est que la gestion de l’instabilité qui secoue la province du Nord ne brille guère par sa cohérence ou clarté.

 

 

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