Jean N'Saka wa N'Saka
11/04/07
Le Congo-Zaïre-RDC partage ses 2. 345.000 km2 fixés depuis la Conférence de Berlin de 1885, avec au nord la République Centrafricaine et le Soudan ; au nord-ouest la République du Congo ; à l’est l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie ; au sud la Zambie et la République populaire d’Angola. Ce géant qui naguère faisait peur à ses voisins et en tenait d’autres à sa merci dans le cadre de la CPGL (Communauté des pays des grands lacs), n’est plus aujourd’hui qu’un colosse aux pieds d’argile. L’un après l’autre, ses voisins semblent piqués par la démangeaison des conquêtes d’expansion de leur espace vital à son détriment par l’envahissement de certaines portions de son territoire. A l’est, l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi ont déjà expérimenté à plusieurs reprises, leur capacité d’occupation des espaces en RDC sans coup férir et de s’y comporter comme en territoire conquis. Il n’y a que la Tanzanie qui reste dans l’expectative sans autant dire qu’elle ne serait pas moins tentée par l’expansion de son espace vital en direction de la RDC.
Partie de l’est, la contagion fait insensiblement boule de neige et se manifeste déjà au Sud. La Zambie se serait signalée dans le territoire de Kapingu, affichant aussi des revendications annexionnistes. Quant à l’Angola, tout le monde sait qu’elle a déjà pris pied dans le territoire de Kahemba. Mais l’annexion de onze villages congolais du Territoire de Kahemba par l’Angola qui n’en disconvient pas et prétend que ce sont ses propres espaces territoriaux, constitue une dangereuse remise en question des frontières coloniales remontant à la Conférence de Berlin de 1885. Si le gouvernement rdcongolais de la IIIème République s’accommodait de ce ballon d’essai lancé par Luanda, comme des déclarations contradictoires de certains de ses membres l’on déjà laissé présager, il créerait un fâcheux précédent dont les autres voisins jusqu’ici réticents tireraient parti pour agir à l’instar de l’Angola. Le Sud a suivi l’Est et est allé encore plus loin. La République centrafricaine et le Soudan au nord, ainsi que la République du Congo au nord-ouest, ne sont pas à considérer comme des Etats angéliques qui ne seraient pas intéressés par de nouveaux espaces vitaux.
Les frontières de tous les pays africains aujourd’hui indépendants et souverains, furent fixées et garanties par des protocoles, des conventions et des arrangements négociés et conclus par les anciennes puissances colonisatrices. Il en est ainsi du Congo-Zaïre-RDC avec ses voisins la République du Congo, la République centrafricaine, la République du Soudan, la République de l’Ouganda, la République du Rwanda, la République du Burundi, la République unie de Tanzanie, la République de Zambie, la République de l’Angola, voire avec l’Enclave de Cabinda. Le quotidien Le Phare dans son édition n° 3040 du lundi 19 mars 2007, reproduit un rapport du Commissaire de district intérimaire de Kwango, adressé le 9 juillet 1956 au Gouverneur de la Province de Léopoldville, ayant pour objet « incident de frontière à Kahemba » et on peut retenir ces passages : « La limite entre le Congo belge et l’Angola dans la région comprise entre les rivières Loange et Lushiko est le 7ème parallèle. Cette limite fut matérialisée sur le terrain par les bornes 20, 21, 22 et 23. Vers les années 1920-1925, l’Administration angolaise établit entre la Loange et la Lushiko une piste coupe-feu, qui depuis 1945 fut entretenue par les soins de cette administration. Ce sentier s’étend plus ou moins parallèlement à la frontière idéale à distance variables allant de 50 à la borne 20, 4 kilomètres à la borne 21. Il est vraisemblable que cette piste ne correspond pas à l’ancienne polygonale télémétrique mesurée par la mission portugaise lors des travaux de la commission de délimitation Angola-Congo belge ».
Selon le Commissaire de district intérimaire W.J. Carels : « Cette piste semble avoir été créée arbitrairement par un agent de l’administration angolaise. Il est possible qu’il ait voulu déterminer sur le terrain la limite entre les deux colonies et s’est trompé. Toujours est-il qu’aux yeux des indigènes, c’est cette piste qui fut considérée comme frontière et ce surtout parce que les Angolais ne dépassaient plus jamais cette piste ». Nos ministres n’ont-ils pas de collaborateurs versés dans l’analyse lucide des archives et des faits historiques lointains et récents sur la colonisation et la décolonisation des pays africains, afin de savoir comment s’y prendre en connaissance de cause lorsqu’il se produit un événement anormal comme la tentative téméraire d’annexion d’une partie du territoire de Kahemba par l’Angola ? Pour une affaire aussi grave qui hypothèque l’intégrité territoriale du pays, on ne peut sous aucun prétexte se hasarder à faire officiellement des déclarations tapageuses à la légère, apportant ainsi de l’eau au moulin du pays annexionniste. Au contraire, c’est la presse nationale et internationale qui, par pure curiosité dans leurs investigations le cas échéant, exhument des documents historiques inattaquables comme pièces à conviction qui crèvent la baudruche lancée en l’air par Luanda.
Que resterait-il encore de la RDC et de ses ressources minérales, énergétiques, forestières et pétrolières si ses neuf voisins se mettaient à rivaliser d’avidité à l’imitation de l’Angola ? Il n’y a que l’espace central qui n’est contigu à aucun pays africain qui échapperait à cette ruée vers l’annexionnisme qui menace la RDC. Il est vrai que nous ne sommes pas le seul pays en Afrique ou au monde dont l’intégrité territoriale serait menacée par des voisins. Mais leurs dirigeants sont conscients de la gravité de leurs responsabilités constitution-nelles et ne ménagent pas leurs efforts pour sauvegarder l’intégrité territoriale, sans pactiser d’une manière ou d’une autre avec des annexionnistes éventuels. Dans cette affaire de Kahemba, l’opinion nationale est plus révoltée que les sphères officielles dont certains dirigeants s’étaient empressés de tenir des propos intempestifs irréfléchis, épousant étrangement les vues annexionnistes de Luanda qui s’en est bien réjoui. Cela montre le peu de cas que l’on fait des affaires sérieuses du pays, et qui permet à l’opinion et aux observateurs d’apprécier combien les dirigeants sont conscients de leur qualité d’hommes d’Etat.
Comme la commission parlementaire est revenue de Kahemba où elle était allée s’enquérir de la situation sur le terrain, tous les yeux sont tournés vers l’Assemblée nationale où sera débattu le rapport de la commission. Mais des bribes d’informations qui transpirent déjà donnent à entendre que les membres de la commission auraient vu des vertes et des pas mûres à Kahemba. En dépit de quelques obstacles trouvés sur leur chemin et destinés à les décourager, ils se sont acquittés de leur devoir et ont constaté que l’occupation de onze villages de Kahemba par l’Angola n’était pas une fiction. Kahemba constitue un test qui va encourager ou décourager l’envahissement de la RDC par ses voisins selon que les dirigeants de la IIIème République récupéreront les parties occupées, ou qu’ils abdiqueront.
Le Phare