Kivupeace
27/07/07
Il n’est plus un seul jour sans versement de sang dans la ville de Goma, les assassinats, les enlèvements, les visites nocturnes et diurnes à domicile par des hommes en armes et en tenue militaire, des menaces de mort au téléphone, des tortures et autres exactions de ce genre font le lot du quotidien à Goma.
Tenez, trois personnes dont un berger accompagné par deux membres de la famille de son patron ont été assassinés à MUGUNGA le mardi dernier aux environs de 16h et leurs bétails emportés par les assassins qui, selon plusieurs témoignages, sont des éléments de la 8ème région militaire en poste à la barrière de MUGUNGA à environ 10 Km de Goma. D’après ces témoignages, les victimes auraient été interpellées par ces militaires lorsqu’ils tentaient de traverser la barrière avec leurs vaches qu’ils conduisaient vers la localité de Sake. Ils furent arrêtés et acheminés à un endroit reculé dans la brousse où quelques temps plus tard l’on trouvera leurs corps gisant dans un bain de sang pendant que les militaires, quant à eux, s’étaient déjà volatilisés dans la nature emportant avec eux les quelques dizaines des vaches. Surprise, car on entendra plus tard le colonel Jonas PADIRI responsable de la brigade qui contrôle la ville, dire que ces personnes étaient des voleurs qui avaient tenté de subtiliser le bétails appartenant à une tierce personne dont curieusement l’identité n’a jamais été révélée.
Dans la journée de ce mercredi, un autre corps sans vie a été trouvé abandonné dans un des quartiers de KATINDO, il portait des traces des coups et blessures encore fraîches ; l’infortuné semble avoir été exécuté à l’arme blanche. Selon les témoignages des habitants du quartier où le corps a été trouvé, cet homme dont l’identité n’est pas connue aurait eu des altercations avec des patrouilleurs la nuit, suivies des cris puis après un grand silence ; il a fallu attendre le matin pour que l’on découvre le corps inerte du supplicier de la veille gisant dans un bain de sang, il a été enterré dans l’après-midi ; à la place de son identité sur la croix, on pouvait plutôt lire la mention ‘’inconnu’’.
On se rappellera que deux jours auparavant, madame SAUDA, la première de la série, tuée le 28 juin dernier, une corde enroulée autour de son corps et attachée à une grosse pierre et plongé ensuite dans le fond du Lac-Kivu ; le vendredi 20 juillet dernier, le docteur Patrick MAZIMPAKA, médecin responsable de l’hôpital de BOBANDANA en provenance de MINOVA a été tué par balle tirée par un militaire FARDC aux environs de 13h à l’entrée de Sake ; le motard qui l’escortait y a également trouvé la mort.
Notons qu’à la veille de ce jour, une série d’assassinats se sont succédés dans la ville, notamment le Sieur BWANA CHUI, responsable du service des produits avariés à l’Office Congolais de Contrôle enlevé et atrocement torturé avant que son corps soit abandonné dans l’enclos de l’Hôtel Karibu à Goma. Le cas suivant est celui d’un capitaine faisant partie de la garde rapprochée du Colonel KABUNDI commandant adjoint de la brigade écho qui contrôle la ville, qui a été retrouvé abandonné dans le quartier BIRERE, une banlieue de Goma. Ce corps portait des traces de strangulation et de torture.
Ajouter à ces assassinats, des nombreux cas d’enlèvement et de disparition mystérieuse des personnes dans la ville. Hier soir, par exemple, autour de 20h, le chauffeur de l’honorable député national VUNABANDJI, nommé NGURIRE a été enlevé par des militaires FARDC. Selon les habitants du quartier Himbi qui ont assisté à l’événement, la victime se trouvait à l’extérieur de l’enclos de son patron lorsqu’une jeep de couleur bleue qui roulait à toute allure a stationné net devant la victime, l’opération aurait duré quelques secondes, juste le temps d’embarquer la victime et lui rouer des coups puis s’en servir comme marchepieds de ses bourreaux. Vérification faite par la suite, il s’est avéré que cette jeep fait partie de l’escorte de l’actuel numéro un de la province. Monsieur NGURIRE est jusqu’à présent porté disparu, les membres de sa famille qui ont pu sillonner tous les cahots de la police et de l’armée ont affirmé ce matin à notre rédaction qu’ils ne l’y ont pas trouvé, ils comptent faire un seating au cabinet du gouverneur de province pour obtenir la libération de leur fils.
Parmi les rares cas des personnes enlevées et qui ont eu la chance de glisser d’entre les mains de leurs bourreaux, deux personnes (un motard et son client) ont était mortellement agressées à l’arme blanche par les militaires de la GSSP sur la route de l’aéroport ce mercredi vers 19h. Il nous est reporté que les victimes ont d’abord fait l’objet d’une tentative d’enlèvement avant leur agression. Pour l’instant les deux victimes sont internées à l’hôpital général de Goma où ils reçoivent des soins appropriés. Un autre cas est celui du Chauffeur de l’ancien gouverneur de province, SERUFULI qui s’en est sorti avec la moitié de son pouce arraché après avoir subi des tortures atroces. L’on cite également le cas de monsieur Théophile, ancien chauffeur de l’ex-conseiller du Gouverneur SERUFULI Eugène, qui a échappé à une tentative d’enlèvement pendant qu’il garait la voiture de son nouveau patron (l’actuel occupant du fauteuil provincial) au parking.
Plusieurs autres personnes nous ont affirmé avoir fait l’objet d’enlèvement par des hommes en armes et continueraient à recevoir des menaces de mort au téléphone. Mais ce qui est cependant indéniable, c’est des cas d’enlèvement spectaculaire qui sévissent dans la ville de Goma actuellement, des véhicules de l’armée, en l’occurrence la Garde Spéciale pour la Sécurité Présidentielle, GSSP en sigle et la 8ème région militaire circulent à travers la ville ramassant des personnes dans les quartiers. Ces personnes sont entassées sous le siège arrière du véhicule pour servir soit de siège ou de marchepieds aux militaires. Hier, par exemple, une jeep de la GSSP qui venait d’enlever plusieurs personnes, on ne sait dans quel quartier, roulait à toute allure sur les artères principales de la ville, perturbant pendant quelques minutes la circulation sur la voie routière. Il y a encore une semaine, les passants qui empruntent la route Sake – Goma, ont vu une voiture transportant des personnes voilées, se faire escorter par une jeep de la GSSP.
Tout compte fait, il s’avère, avec une curieuse coïncidence, que toutes les victimes de ces exactions semblent appartenir à une seule communauté, celle des Rwandophones. Pour quelles raisons ?
La suite de ces événements nous élucidera, on l’espère, ce mystère, mais en attendant les spéculations vont bon train à Goma, certains pensent que cette déstabilisation des rwandophones s’inscrirait dans un vaste programme de nettoyage de la ville de toute ‘’vermine’’ terme cher à YERODIA NDOMBASI, ancien Vice-président de la République et actuellement Sénateur. D’autres par contre estiment qu’il s’agirait tout simplement des effets de l’idéologie génocidaire qu’auraient réussi à transposer en RDC les Interahamwe/rwandais infiltrés dans la ville de Goma par l’entremise de leurs traditionnels collaborateurs congolais qui occupent des postes de responsabilité au sein de la 8ème région militaire.
Malgré le niveau de plus en plus croissant de l’insécurité dans la ville de Goma, aucun responsable politique ou militaire n’a tenu jusqu’à présent à déplorer publiquement cette situation et informer la population sur des éventuelles mesures ou des consignes sécuritaires qui seraient arrêtées en vue de la rassurer.
L’on se demande pourquoi cette situation alarmiste ne semble pas inquiéter ces responsables qui vaquent à leurs occupations comme si de rien n’était.