Marie-France Cros
11/06/07
L'ambassade belge est réticente à autoriser une délégation syndicale pour son personnel congolais. Logique belge ou logique congolaise ?
Nous nous demandons pourquoi les Belges passent leur temps à donner des leçons de démocratie aux Congolais à la télévision, si c'est pour agir de cette manière quand il s'agit de passer aux choses concrètes."
Celui qui parle ainsi est un membre du personnel congolais de l'ambassade de Belgique à Kinshasa, où un conflit social est apparu à la fin 2006.
En décembre, en prévision d'une inspection de poste, des travailleurs congolais de l'ambassade se sont réunis pour faire le point sur leurs doléances en vue de les transmettre au diplomate chargé de l'inspection, l'ambassadeur Cardon.
Une délégation syndicale
Il s'agissait, à côté de revendications touchant aux salaires et à des avantages financiers, de l'absence de délégation syndicale à l'ambassade – comme dans toutes les ambassades à Kinshasa, bien que ce droit soit reconnu par le code du travail congolais.
L'ambassadeur Cardon, lors de son inspection, précisa "que l'existence d'une telle délégation syndicale était légale", admettent deux sources belges de l'ambassade. "Nous ne refusons pas. Je ne sais pas où ils ont été chercher cela", nous déclare, pour sa part, le responsable belge du personnel de l'ambassade.
Selon une source congolaise de l'ambassade, toutefois, "dans les faits, le responsable du personnel refuse de recevoir le permanent syndical; or, la procédure congolaise, pour mettre sur pied une délégation syndicale, prévoit qu'ils organisent des élections syndicales à deux; ils doivent donc se voir".
Fidèle Kiyangi, permanent à la Confédération des syndicats du Congo (CSC), nous a confirmé ses "grandes difficultés avec l'ambassade de Belgique". "Je n'ai pu être reçu par le responsable du personnel malgré plusieurs demandes. Ils estiment que l'ambassade étant territoire belge, ils n'ont pas à l'accepter. Mais les travailleurs congolais sont engagés sous contrat congolais. Si l'ambassade ne respecte pas le code du travail congolais, qu'elle octroie à ses employés congolais des salaires belges !"
Le meilleur traitement
Le responsable belge du personnel nous explique : "Comparativement à toutes les autres ambassades occidentales, nous sommes parmi celles qui, sur le plus grand nombre de points, traitent le mieux son personnel. Mais celui-ci veut plus. Il est sûr qu'on pourrait améliorer certains points – comme l'allocation en cas de décès (l'assistance est de 3,5 euros – sic – en cas de décès d'un parent du premier degré) mais, pour les autres demandes, ce sera difficile. J'étudie un paquet de mesures avec le ministère; c'est une question de budget."
Une autre source belge de l'ambassade commente : "Nous sommes la plus grosse ambassade à Kinshasa, mais aussi celle qui coûte le plus cher. Il serait logique, lorsqu'on nous demande des économies, de diminuer le personnel. Nous y avons renoncé – les économies ne seraient pas plantureuses; simplement, nous ne remplaçons pas le personnel pensionné.
Oui, l'allocation de décès est basse, mais il y a toujours une enveloppe qui circule pour recueillir des fonds pour la personne frappée. C'est vrai, les allocations familiales ne sont pas très élevées (7,54 euros/mois/enfant) ni les salaires, mais ce n'est pas notre faute si un employé a deux ménages à entretenir… En fait, le personnel congolais veut les avantages de deux systèmes : les contractuels, comme en Belgique, et la solidarité spontanée, comme au Congo."
Grille de salaires inférieure
Les Belges sans doute aussi, qui ont confié "un ou deux postes" à des Congolais alors qu'ils devraient l'être à des Belges ("mais le ministère n'a pas trouvé preneurs") alors que les travailleurs congolais sont payés selon une grille de salaires inférieure à celle des Belges.
La Libre