C'est décidement un pavé qu'Omer N'Kamba, président de la DPRe, a jeté dans la marre congolaise à travers l'interview qu'il a accordée à Congoone pour faire le point de l'actualité congolaise dominée par la situation sécuritaire préoccupante au Nord-Kivu où le général déchu Laurent Nkunda se présente désormais en protecteur de sa communauté, les Banyamulenge. Ancien secrétaire national chargé des Relations extérieures de l'UDPS, Omer N'Kamba salue le courage politique d'Etienne Tshisekedi qui exige aux participants à la commission préparatoire du congrès de ce parti de faire un diagnostic sans complaisance sur les 25 ans de l'UDPS. L'ancien gouverneur du Kasaï-Oriental commente les conflits de terre réccurents dans cette province et propose une thérapie pratique. C'est une interview qui tranche avec un certain angélisme qui caractérise la classe politique congolaise tant Omer N'Kamba se dit fasciné par le cause que défend Laurent Nkunda et soutient que le combat de chef n'a pas sa raison d'être au niveau de l'opposition politique, l'essentiel, pour lui, étant de sortir les congolais de l'obscurantisme actuel. Lisez plutôt!
Congoone: Dans son discours à l'ouverture de la commission préparatoire du premier congrès de l'UDPS, Etienne Tshisekedi relève que les fondateurs du parti ont rêvé d'instaurer la démocratie avec à la clé un Etat de droit. Il pose la question de savoir si après 25 ans, "nous allons demeurer dans l'immobilisme" et recommande un diagnostic sans complaisance de l'UDPS durant les 25 ans écoulés. Vous à qui on reconnaît l'âme Udps dont vous avez été secrétaire national aux Relations extérieures, avant de créer votre propre parti, la DPRE, quel peut être votre diagnostic?
Omer N'Kamba: Effectivement, je suis politiquement né avec et dans l'UDPS qui m'avait permis de forger mes premières armes de combattant de la liberté et de la démocratie dans notre pays avant d'assumer au dedans comme au dehors, les différentes responsabilités liées à la lutte du peuple congolais pour la démocratie et l'Etat de droit.
Le diagnostic qu'Etienne Tshisekedi vient de poser sur l'Udps est, à vrai dire, une autocritique courageuse, une remise en question sans ambages et objective de la conduite du parti par ses Fondateurs et dépositaires depuis sa création à ce jour. Il mérite les félicitations et encouragements de tous les pionniers du combat udpsien qui avaient longtemps en vain plaidé pour la renaissance du parti quant à ses approches méthodologiques, stratégiques et opérationnelles. Dieu merci, il n'est jamais tard pour écouter la voix de la raison et réctifier le tir.
En effet, l'expérience de la lutte politique à l'Udps telle qu'elle a été pilotée 25 durant a largement démontré qu'en Afrique et au Congo-Kinshasa en particulier, face aux dictateurs et autres potentats parachutés de la jungle au sommet de l'Etat, la pédagogie de l'angélisme impliquant non violence, courage, sacrifices personnels et autres vertus morales est contre productive sur toute la ligne, inopérante en matière de libération des peuples et surtout de conquête du pouvoir d'Etat, et enfin suicidaire pour des générations entières qui n'auront pas compris que "le Mal ne sévit que là où on ne lui fait pas mal". L'ANC de Nelson Mandela en Afrique du Sud avait vite compris la leçon dès que son leadership avait été neutralisé par les tout puissants maîtres de l'apartheid. Elle a pu assimiler et mettre en chantier la leçon du poète panafricaniste nigérian Wonlé Sonyika aux chantres de na Négritude:" le tigre ne proclame ni ne révendique sa tigritude, mais il saute sur sa proie et la mange". Tous ceux qui se sentent l'âme de démocrate et vertueuse d'humanisme, qui veulent de la liberté, du bien-être économique et social pour leur pays et leurs peuples ne devraient aucunement lésiner sur les moyens à actionner pour y arriver. Et au besoin avec une détermination supérieure à celle du camps d'en face. Car, dans ce cas, seule la fin justifie les moyens utilisés. A cet égard, le débat sur la philosophie de la non violence chère aux Fondateurs de l'Udps et dont on connait aujourd'hui le bilan se revèle sans objet pour tous ceux qui ont saisi la substance du discours du président de l'UDPS.
Congoone: Sur le plan de la politique nationale, l'actualité demeure dominée par la situation préoccupante au Nord-Kivu où le général dissident Laurent Nkunda est opposé au brassage de ses troupes et exige un dialogue avec Kinshasa qu'il accuse de n'avoir pas respecté, d'après lui, les accords de Kigali entre lui et le général Jhon Numbi dépêché par Kabila. Le vrai problème de Nkunda semble être la protection de sa communauté. Trouvez-vous légitime qu'un individu, général de l'armée soit-il, devienne le protecteur de sa communauté?
O. Nkamba: Voilà au moins quelqu'un qui dit haut ce qu'il veut et qui sait joindre l'acte à la parole pour arriver à ses fins. J'éprouve personnellement beaucoup de sympathie pour cette race d'individus qui ne lésinent pas sur les moyens à mettre en oeuvre, y compris l'hypothèque de leur propre vie, pour défendre et protéger la vie de leurs proches, dès lors que ceux-ci sont en permanence victimes expiatoires de règlements des comptes politiciens. Si toutes les communautés pouvaient chacune disposer en temps réel de son Nkunda, "motu akomonela moninga akoki kozala te na mboka wana" et le dialogue s'imposerait à tous comme voie obligée de résolution des conflits entre ceux qui croient avoir tout à dire et les autres qui doivent tout subir. Les Kasaîens du katanga victimes de la folie de Kyungu wa Kumwanza et les Bakongo de Bundu dia Kongo savent de quoi je parle. Contrairement aux ambitions de libérateurs et conquérants de pouvoirs d'Etat démontrés par la plupart des chefs de guerre et rébellions congolais, le très sérieux et vaillant général Nkunda affiche la modestie de résistant pour une cause noble: la défense des siens contre leurs bourreaux.
Congoone: Toujours en rapport avec la situation à l'Est de la RDC, Karel De Gucht, ministre belge des Affaires étrangères, a proposé au secrétaire général de l'ONU qui l'a accepté la nomination d'un facilitateur en vue d'éviter que la région ne replonge à terme dans une autre guerre. Que vous inspire cette initiative belge?
O.Nkamba: Il est évident que pour la sauvegarde de leurs intérêts dans cette sous-réion, les Belges chercheront toujours à se rendre utiles, quitte même à colmater les brèches. Le ministre Karel De Gucht sait pertinemment bien que son pays et sa suite, la fameuse "communauté internationale" n'ont pas aidé les Congolais à se sortir de ce bourbier de l'Est. En forgeant et en soutenant mordicus l'avènement à la tête du Congo d'un leadership aussi minable que médiocre de toute la sous -région, à quel miracle devrait-on s'attendre pour générer un compromis dans les rapports de forces en présence? Les spécialistes et stratèges congolais de la "bouc-émissairisation" ne tarissent pas de déverser leur bile sur le Rwanda, l'Ouganda ou le Burundi, ou encore les Banyamulenge et leur général Nkunda incriminés dans l'insécurisation et l'instabilité du Congo. Mais, chose curieuse, c'est toujours à ces "criminels" que Kinshasa et ses parrains tendent la main pour retrouver la voie de la paix. L'exemple est patent avec la récente réunion à Lubumbashi (la tripartite plus) des chefs d'état-major des armées de ces trois pays dont le célèbressimo James Kabarebe.
Congoone: Et quand Vital Kamerhe soutient qu'il faut que Kigali organise un dialogue interrwandais pour faciliter le retour des FDLR dans leur pays, reprenant ainsi à son compte la principale révendication des ex-FAR et autres Interhamwe, cela vous semble-t-il la solution idéale?
O.Nkamba: Je trouve pour ma part que dans ce Waterloo des Grands Lacs, nous ne nous en sortirons jamais tant que ceux qui, à l'instar de la bande à Vital Kamhere, sont hissés aux commandes de l'"Etat" congolais persisteront à s'adonner sans scrupules au malin jeu de ping-pong entre les différents protagonistes de ce conflit rwando-rwandais, jouant tantôt la partition des Tutsis, tantôt celle des Hutus, au bon gré de leur petite mégalomanie et visées à court terme. Mobutu Sese Seko et Laurent-Désiré Kabila l'ont expérimenté à leur triste dépens. Et au suivant. Dommage que face à ce jeu mesquin, les élites et notables kivutiens soient toujours prompts à sacrifier les intérêts vitaux de leurs populations contre les mirages offerts par des libérateurs et autres peace makers en carton passés maîtres dans l'art de nouer des alliances le matin pour les dénoncer le soir.
Congoone: Au Kasaï-Oriental, des affrontements armés viennent encore une fois d'opposer les Bena Nshimba aux Bena Kapuya alliés aux Bena Mwembia. Il y a eu plus de 25 morts sans compter les blessés, plus de 500 cases incendiées. La désolation est totale. Quand vous étiez gouverneur de cette province, d'aucuns vous avaient surnommé "Ntalaja matanda" (pacificateur) pour avoir ramené la paix dans le Territoire de Katanda et réconcilié les deux communautés qui avaient fumé le calumet de la paix. Comment pouvez-vous expliquer la résurgence de ce conflit que l'on croyait relever de l'histoire?
O.Nkamba: Certes, sous mon bref mandat à la tête de la province, plusieurs conflits de terres ou de pouvoirs traditionnels intercommunautaires ou intervillageois récurrents avaient trouvé un épilogue heureux. C'était entre autre les cas de rotation du pouvoir coutumier entre les Bena Kalala et les Bena Muila Lutonga à Lukalaba chez les Bakwa kalonji; entre Mutombo et Kankolongo à Bakwa Nsumpi; à Bena Kalambayi aussi. Et plus particulièrement le sempiternel conflitque vous évoquez à Katanda entre les Bena Nshimba et les Bena Kapuya alliés aux Bena Mwembia. Notre thérapie à toutes ces crises a été simple: connaître les lois et mesures politico-administratives existantes aux plans foncier et coutumier, les inculquer sans complaisance ni discrimination aux représentants locaux et légitimes des parties en conflit convoqués d'autorité en concertation, maintenir des arbitrages permanents à travers des réseaux et organisations informels des notables locaux. Sans la vigilance accrue et ferme de l'autorité politico-administrative territoriale et provinciale forte et compétente, les tireurs des ficelles et pécheurs en eaux troubles de ces conflits ( politiciens, faux chefs coutumiers et autres notables en mal de représentativité et trafic d'influence) toujours tapis à Kinshasa et dans les chefs-lieux provinciaux, parfois même au sein des organes du pouvoir, mais loin des intérêts réels de leurs co-villageois, exploiteront toujours sans vergogne la naïveté de ces derniers pour semer la discorde, la division, la haine, les opposer entre eux et les entraîner dans l'irréparable.
Congoone: Des informations du Kasaï-Oriental font état de l'exode de plusieurs opérateurs économiques et autres citoyens vers Kinshasa ou le Katanga à cause des difficultés socio-économiques notamment la banqueroute de la Miba. Dans ce contexte, quels sont, d'après vous, les atouts du gouvernement provincial pour donner des raisons d'espérer à ses administrés?
O.Nkamba: La faillite de cette province en général et la banqueroute de la Miba en particulier ont été programmées depuis des décennies, sous la barbe et même avec la complicité de ses propres ressortissants. Je vous en parle en connaissance de cause pour avoir accepté, sous Mzée Kabila, de gérer la province sans moyens financiers conséquents, la Miba et les divisions provinciales des Régies financières étant d'office et totalement réquisitionnées pour le compte de la présidence de la République, "effort de guerre" obligeant jusqu'au sacrifice de leur propre survie. Après moi, la vache à lait a continué à être pressée pour la même bouche et ainsi de suite pour l'héritière. Devant cette hécatombe économico-financière délibérément imposée et entretenue d'en haut, comment voulez-vous qu'un pauvre gouvernement provincial dont les animateurs sont en place par la grâce et le fait du Prince suceur (en dépit de la farce électorale), soit capable de déroger à la règle de la maison et arrêter l'hémorragie? Disposent-ils d'ailleurs des aptitudes et ressources requises pour oser y penser? Les Kasaïens comme l'ensemble de tous les Congolais en débandade aujourd'hui doivent cesser une fois pour toutes de croire que " le bon Dieu qui les créés sans eux viendra les sauver sans eux". la sagesse luba dit: "Kazolu dilumbuluila".
Congoone: Le Parlement a adopté un statut de l'opposition politique. Le MLC qui se réclame non sans raison de l'opposition institutionnelle, et qui est le deuxième parti au Parlement après le PPRD de Kabila, estime que son président, le sénateur Bemba Gombo, doit être le chef de file de l'opposition. Le secrétaire général du parti de Raphaël Soriano Katebe Katoto estime que ce poste doit revenir à ce dernier. Qui vous semble outillé pour porter le flambeau de l'opposition en tant que chef de file et pourquoi?
O.Nkamba: Pour nos régimes politiques africains à dictature nue ou mal habillée comme chez nous au Congo-Kinshasa, la question fondamentale et prioritaire pour les millions de citoyens déboussolés n'est nullement de savoir si l'opposition est statutaire, institutionnelle ou pas, si son chef s'appelle Omer N'Kamba de la DPRe, Laurent Nkunda du CNDP, Etienne Tshisekedi de l'UDPS, JP Bemba du MLC, etc. Mais celle de savoir de savoir qui pourrait les sortir de la merde et de l'imposture dans lesquels ils pataugent depuis longtemps.
Mais, les amis du MLC peuvent continuer à se masturber et à se complaire dans leur illusion ou slogan d'opposants forts, républicains, démocrates, ils peuvent mimer à longueur des journées et avec brio toute la rhétorique et toutes les gesticulations parlementaires en usage dans les hémicycles des démocraties occidentales; ils peuvent gémir, verser des tonnes de larmes pour quémander, sans cesse et sans effet, auprès du " petit dieu congolais" et ses "anges gardiens" leur magnanimité en vue d'obtenir le retour au bercail de leur chef de file statutaire et institutionnel, mais le vaillant et rusé Vital Kamerhe, lieutenant-général de la majorité dictatoriale commis au Palais du peuple, trouvera toujours une excuse pour les amadouer et les ramener moutonièrement dans les cordes de l'abattoir institutionnel.
Enfin la véritable opposition attendue par notre peuple est celle qui prouvera sur le terrain sa capacité à l'organiser, l'encadrer, le motiver, et le conduire sans compromission ni fausses manœuvres à se débarrasser rapidement de ce niveau conglomérat des charognards, prédateurs, pilleurs et par dessus tout mercenaires recrutés et parachutés au pouvoir aux fins de servir leurs maîtres, casser les résistances autochtones et imposer un nouvel esclavagisme.