Déclaration du Congrès National pour la Défense du Peuple à la Conférence sur la Paix, la Sécurité
et le Développement dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.
– Révérend Abbé Président du Bureau de la Conférence,
– Honorable Président du Bureau du Comité des Sages,
– Messieurs les Membres du Panel des Modérateurs,
– Excellences Messieurs les Ambassadeurs et Chefs des missions diplomatiques,
– Mesdames et Messieurs les Représentants de la Communauté Internationale et des Organismes Humanitaires,
– Distingués Invités,– Mesdames et Messieurs les Conférenciers et Chers Compatriotes,
1. INTRODUCTION
Le Congrès National pour la Défense du Peuple, CNDP en sigle, est heureux d’avoir été invité auxprésentes assises et de se retrouver parmi vous.
Il est venu prendre part, et toute sa part, au déroulement des travaux de cette Conférence dont l’ambition est d’apporter la paix et la sécurité dans notre région, le Kivu, et d’y créer les conditions propices au développement intégral et intégré.
La délégation que je conduis est animée, à l’égard de chacune et de chacun d’entre les participants, sans exception, de sentiments de respect et de fraternité, et partage avec tous l’espoir d’une paix durable dans notre pays, ici et maintenant.
C’est le moment de saluer chaleureusement nos compatriotes venus d’autres provinces du pays pour marquer leur solidarité avec leurs frères et sœurs du Kivu. Permettez-nous de vous souhaiter la bienvenue. Nous savons que vous êtes de ceux que l’extrémisme a abusés pendant longtemps sur les réalités kivutiennes et nous espérons que votre présence à ces assises vous permettra d’aborder ces réalités sans passion, dans le seul et unique souci de nous aider à surmonter nos querelles intestines.
Chers Compatriotes,
Le Congres National pour la Défense du Peuple est un Mouvement politico-militaire congolais,authentiquement national et même nationaliste, au sens noble du terme, c’est-à-dire patriote sansêtre xénophobe, soucieux de la souveraineté nationale et de l’intégrité du Territoire, sans avoirl’obsession de l’encerclement et fier de vouloir pour son pays et pour son peuple un destin degrandeur et de dignité, sans arrogance ni mépris envers qui que ce soit.
Nous sommes donc loin d’être ce qu’une propagande malveillante, calomnieuse et extrémiste répandcontre nous dans l’opinion, à savoir une organisation mono-ethnique qui agirait sous influence audétriment de l’intérêt national. Comme vous nous avez vus alignés devant vous, nous provenons deplusieurs communautés ethniques et de plusieurs provinces de notre pays. Alignés devant vous, noussommes, par ordre alphabétique, Hunde, Hutu, Kongo, Lega, Luba, Nande, Ngbandi, Nyanga, Shi, Tetela,Tutsi, etc.
Le seul et unique tort du CNDP : c’est d’agir afin que l’on entende les cris de détresse et la souffranced’une partie de notre peuple qu’une politique irrationnelle et discriminatoire laisse au bord de laroute, sans aucun espoir à l’horizon. Mais, cette détresse et cette souffrance, nous en sommes les premiers convaincus, ne sont pas le lot d’une seule communauté ni d’une seule ethnie congolaises. Au niveau de la communication, il nous est simplement arrivé souvent de mettre en exergue le sort insupportable réservé à l’une d’entre elles, pour la bonne et simple raison qu’elle nous paraissait emblématique de la faillite de l’Etat en matière de réconciliation et de cohésion nationales.
Nous avons entendu dans ce forum deux éminentes personnalités publiques rappeler que lorsqu’unepartie du corps est malade, le reste des organes ne sont nullement à l’abri. Concernant la santé denotre nation, nous partageons entièrement cette conception des choses. C’est pourquoi, nous necessons de mettre l’Etat et l’opinion en garde contre la menace mortelle qu’une milice criminelle étrangère fait peser en permanence, depuis plus de 15 ans, sur l’ensemble des communautés congolaises vivant à l’Est de la République et particulièrement sur une composante de la communauténationale dont l’existence est incompatible avec l’idéologie génocidaire distillée au sein de sonorganisation. Notre tort serait donc d’avoir décidé, devant la complaisance ou l’impuissance des pouvoirs publics, d’enrayer cette menace, en entreprenant de débarrasser notre pays, quoiqu’il arrive et quoi qu’il en coûte, de ce fléau qui gangrène mortellement notre nation et qui porte un nom,à savoir : ex-FAR/ Interahamwe, déguisés en FDLR, ADF/NALU, FNL/palipéhutu, LRA, etc.
Ce serait aussi de prôner la réconciliation nationale dans un pays déchiré par des haines injustifiéeset des divisions insensées et où l’exclusion et l’intolérance sont, du fait de l’impuissance de l’Etat,érigées en méthode de gouvernement et constituent une réalité de tous les instants.
Notre tort serait encore de demander à ceux qui en ont la responsabilité le rapatriement de noscompatriotes réfugiés dans les pays voisins depuis plus de 10 ans, dont plusieurs sont nos parents,afin d’éviter à certains de nos soldats le sentiment douloureux de servir dans l’armée comme s’ilsétaient des mercenaires dans leur propre pays.
Notre tort serait toujours d’exiger que le processus d’intégration en vue de la formation d’une Arméenationale et républicaine digne de ce nom quitte les voies d’un empirisme incertain et précaire pouremprunter celles de la rationalité et de l’efficacité. Nous pouvons continuer l’énumération et nousespérons en avoir l’occasion au sein de ce forum. Eh bien, Mesdames et Messieurs, ces torts là, nousles assumerons jusqu’au bout, sans remords et sans regrets, et nous ne comptons pas en rester là.
Bien entendu, nous aurions préféré agir sous l’autorité de notre Gouvernement. Nous reconnaissons,en effet, la légitimité des institutions issues des récentes élections générales que, par ailleurs, nousavons sécurisées dans la partie du territoire national sous le contrôle de notre Mouvement. Mais,nous disons aussi, haut et fort, que la légitimité n’est pas acquise pour l’éternité. Elle n’est pas unchèque en blanc que l’on remplit discrétionnairement et à volonté. Elle se mérite tous les jours par lacapacité de ses détenteurs à répondre aux aspirations tout aussi légitimes de leurs concitoyens.Faute d’y parvenir, les gouvernants prennent le risque d’être remis en cause, d’une manière ou d’uneautre, à un moment ou à un autre.
Ainsi, courant 2004, nous avons été au regret de devoir constater qu’en dépit des avertissementsrépétés, le Gouvernement de la Transition ne prenait aucune initiative pour régler quant au fond lesquestions resté sans réponse depuis les accords de Sun City. Nous en avons tiré toutes lesconséquences en créant d’abord la Synergie Nationale pour la Paix et la Concorde qui aura le mérited’avoir réconcilié les Hema et les Lendu en Ituri, ensuite le CNDP. Quant au Gouvernement actuel, ons’aperçoit qu’il risque de dissiper tout son capital de confiance amassé au terme de récents scrutins.A titre d’exemple, cela se traduit, par une indifférence caractérisée face à la question durapatriement de nos compatriotes réfugiés dans les pays voisins. Mais aussi par les exactions detoutes sortes, en particulier les arrestations et détentions arbitraires exercées par l’appareilsécuritaire de l’Etat sur des civils sans défense, ciblés en raison de leur appartenance ethnique,linguistique, phénotypique ou idéologique.
Cela s’est traduit récemment par des combats extrêmement meurtriers dans le Masisi et leRutshuru, dès lors que le Gouvernement, sur incitation d’un certain nombre de nos concitoyenspartisans d’une politique de la canonnière, a cru devoir privilégier l’option militaire dans le règlementde la crise en cours. Et pourtant, le CNDP n’avait cessé d’indiquer, depuis des mois, qu’une telle optionne résoudrait rien du tout, qu’elle serait génératrice d’une catastrophe humanitaire majeure, par lesvies humaines perdues, les infrastructures démolies, les cultures et les élevages ravagés et queseule une « paix de braves », sans vainqueurs ni vaincus, permettrait aux forces en présence detrouver une issue satisfaisante, à la fois pour notre population, le Gouvernement et notre Mouvement.On ne nous a pas entendus et, à notre corps défendant, ce qui devait arriver est arrivé. Pour notrepart, nous le regrettons infiniment et nous espérons que, de son côté, le Gouvernement a tiré toutesles conséquences de cette initiative malheureuse à tous égards.
Cela se traduit également par l’alliance avérée entre les Forces Armées de la République et les groupes génocidaires FDLR/ex-FAR/Interahamwe. Nous en avons fourni la preuve matérielle à maintes reprises sur le théâtre des opérations. Or, personne ne peut imaginer un seul instant quecette collusion puisse se faire à l’insu ou contre la volonté de la hiérarchie politique. C’est pourquoi,en l’occurrence, le CNDP qui, à l’origine, ne se voulait pas une révolution mais plutôt une revendication, est entrain d’observer au jour le jour un effritement de la confiance populaire en les animateurs des institutions actuelles. C’est ainsi qu’il s’est opposé à ce que les troupes sous soncontrôle prennent le risque, en rejoignant les centres de brassage, d’être mêlées aux forces génocidaires étrangères, comme le sont aujourd’hui plusieurs Brigades FARDC brassées. C’est uneposition que nous gardons intacte jusqu’à nouvel ordre.
Nous voudrions tant croire que la tenue de cette conférence soit le prélude à ce nouvel ordre. Nousavons donc décidé d’accorder au Gouvernement le bénéfice du doute. Il est vrai que les proposentendus du Président de l’Assemblée Nationale, par exemple, ou du Ministre des Affaires Etrangères,ou encore de l’Ambassadeur Itinérant du Chef de l’Etat vont dans le bon sens et, à défaut de susciternotre adhésion définitive, ils sont susceptibles de créer un climat propice à l’écoute et à l’échange.Malheureusement, nous ne pouvons en dire autant concernant d’autres discours de certains officielsqui nous ont donné l’impression de fermer toutes les issues et de faire de cette conférence unepièce de théâtre dont toutes les scènes ont été écrites et la fin connue par avance.
Cependant le CNDP se déclare solennellement prêt à apporter une contribution significative, ici et maintenant, dans la recherche de solutions pour une paix durable dans notre pays en général et au Kivu en particulier. Il se réjouit de constater que la majorité des participants entend également s’inscrire dans la dynamique de la paix, même si les voies et moyens pour y parvenir diffèrent d’ungroupe à l’autre et que des positions extrémistes demeurent et sont encore entendus dans ce forum. Aussi, nul n’est besoin de rappeler que l’originalité de l’idée de la tenue d’un tel forum revient à la Synergie Nationale pour la Paix et la Concorde, allusion faite à sa publication de décembre 2004 intitulée ‘’Nécessité d’un dialogue au Kivu’’.
Le CNDP regrette qu’il ait été affirmé à cette tribune que les présentes assises n’auraient pas le mandat d’apporter des solutions durables aux questions de fond qui se posent au pays, mais qu’elles se contenteraient de faire des propositions aux Institutions de la République qui jugeraient de la nécessité ou non de leur mise en œuvre.
Quant à nous, nous réaffirmons la nécessité de dialoguer, sans figer les positions des uns et desautres et sans exclure des engagements novateurs qui lieraient les pouvoirs publics, parce qu’ilss’inscriraient dans la consolidation des valeurs fondamentales propres à toute démocratie digne dece nom.
Le CNDP, en effet, appelle de tous ses vœux l’éclosion dans notre pays d’une culture des droits. Nonpas uniquement tels qu’alignés mécaniquement dans la Constitution, mais tels que chaque congolaiseet chaque congolais devraient les ressentir dans leur vie quotidienne, délivrés des peurs, desdiscriminations, des tracasseries, des exactions, des menaces de mort, des entraves à la libre circulation, à la libre expression, à la libre entreprise et au libre établissement etc.…Nous appelons de tous nos vœux l’avènement d’une société congolaise au sein de laquelle les valeurs essentielles telles que la solidarité, la justice, l’égalité, la fraternité, la liberté, la tolérance, le respect mutuel et lacohésion nationale ne sont pas des slogans comme aujourd’hui, mais d’authentiques réalités.
2. DES REVENDICATIONS FONDAMENTALES DU CNDP
• Le CNDP demande au Président de la République, garant constitutionnel de l’unité et de lacohésion nationales ainsi qu’au Gouvernement de s’investir totalement dans la promotion, au seindu peuple congolais, de la culture de réconciliation nationale et interethnique, de paix, detolérance et d’acceptation mutuelle. Il demande le rétablissement de la Commission « Vérité etRéconciliation », de le doter d’un leadership à la hauteur de sa tâche ainsi que des ressourceshumaines, matérielles et financières conséquentes.
• Le CNDP demande expressément et fermement que les autorités de notre pays, mais aussi notrepeuple dans son ensemble et dans toute sa diversité prennent l’exacte mesure de la menaceFDLR/ex-FAR/Interahamwe, ADF/NALU, LRA, FNL/Palipéhutu et ne capitulent pas devant elles. Lesautorités de notre pays doivent faire montre d’une détermination sans faille pour débarrasser leKivu en particulier et notre pays en général de ces forces génocidaires. Au stade actuel, ellesdoivent spécialement veiller à ce que le plan convenu à leur sujet à Nairobi ne soit pas uneoccasion pour leur permettre de reprendre des forces, de se réorganiser et de se renforcer.
• Le CNDP demande instamment au Gouvernement que, plus que jamais, il soit aujourd’hui permis àtous les congolais exilés et/ou expatriés contre leur volonté de rentrer au pays, surtout s’ilsn’ont pas eu la chance de participer au processus électoral, mais tout au moins qu’il leur soitdonnée celle de participer à l’œuvre de la reconstruction nationale. Ici, nous pensons toutspécialement à la nécessité de permettre le rapatriement et la réinsertion de nos compatriotesréfugiés dans les pays voisins, mais aussi au retour, sans conditions et dans la sécurité, de notrecompatriote Jean-Pierre Bemba Gombo, ancien vice-président de la République et leader naturelde l’Opposition parlementaire.
• Le CNDP demande au Gouvernement de favoriser le retour des déplacés internes dans leurs foyers, de leur apporter une assistance en vivres et non-vivres nécessaires à la soudure entre les saisons culturales ;
• Le CNDP demande la formation d’une armée nationale et républicaine capable de rassurer et deprotéger tous les congolais, sans discrimination aucune. Une telle armée, pensons-nous, ne peutsortir que d’un processus de brassage complètement revisité, parce que la formule actuelle aplus que montré ses limites, elle a manifestement échoué.
• Le CNDP exige la restauration de la dignité du Congo et des congolais. En effet, nous condamnons sans réserve les pratiques actuellement en vigueur consistant à soustraire des concitoyens,contre leur gré, au juge que les lois nationales leurs assignent, en les extradant vers des juridictions supranationales. En agissant de la sorte, on prive notre Etat de ses fonctions régaliennes d’administration et de distribution de la justice. De telles pratiques sont incompatibles avec la notion de souveraineté nationale.
• Le CNDP apprend par des media que des mandats d’arrêt auraient été émis contre certains parmi ses Chefs militaires. Elle les déclare sans fondements et demande leur retrait pur et simple. Il exige, en outre, la libération sans conditions, de tous les prisonniers politiques et de toutes les personnes arrêtées et détenues illégalement dans des conditions inhumaines et soumises à des traitements cruels et dégradants au simple motif de collaboration et/ou de sympathie envers le CNDP.
• Le CNDP demande au gouvernement de mettre fin à ses pratiques qui consistent à créer desmilices supplétives à son armée et qui sont l’expression illégale de sa volonté. C’est dans cecadre qu’il faut situer l’activité de la nébuleuse Mai-Mai, du PARECO et des autres.
CONCLUSION
Enfin, le CNDP demande solennellement aux présentes assises de prendre toutes leurs responsabilités en recommandant au Gouvernement des négociations directes entre belligérants par le biais d’une médiation neutre et selon des modalités acceptables par tous, afin que les requêtes exprimées ci-dessus trouvent des réponses adéquates dans les plus brefs délais et que, dans la foulée, la paix et la sécurité reviennent très vite dans nos deux Provinces.
Que vive la Patrie.
Fait à Goma, le 14 janvier 2008
Pour le CNDP
KAMBASU NGEVE
Chef de la délégation
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