Pierre MUKALAY
Kivupeace/Goma
24/01/08
La Conférence sur la paix au Kivu a abouti à la signature à Goma, le mercredi 23 janvier 2008, d’un accord de cessez-le-feu et de désengagement des forces pour faciliter le retour des déplacés internes et des réfugiés et ce, dans un cadre plus global de retour progressif à la paix et à la sécurité dans les provinces du Nord Kivu et du Sud Kivu. Cependant, la signature d’un accord ne suffit pas pour un retour définitif de la paix. Encore faut-il le mettre en œuvre. Cette mise en œuvre ne peut réussir que s’il y a de la bonne foi de la part de tous les signataires, mais, en particulier, de la part du gouvernement et de la MONUC.
Du gouvernement
Le gouvernement a toujours fait preuve de mauvaise foi dans l’application des accords antérieurs. Rien ne permet d’affirmer qu’il en sera autrement ; surtout quand certains conseillers de la Présidence affirment que l’accord de Goma n’a pour but que de transformer la défaite militaire de Mushaki en victoire politique.
La bonne foi du gouvernement sera testée dans les mouvements des troupes, des armes et munitions dans les provinces du Nord et du Sud Kivu, dans ses rapports avec le FDLR et ses autres milices supplétives, dans le comportement de ses services de renseignement qui harcèlent et maltraitent les membres réels ou supposés du CNDP ; dans ses rapports avec les gouverneurs de ces deux provinces longtemps décriés pour leur incompétence notoire, leur tribalisme invétéré et leurs relations louches avec les FDLR. Toutes les démarches des assemblées provinciales pour remplacer ces deux gouverneurs ont été bloquées par le
gouvernement.
Les rapports avec les FDLR constituent le point le plus délicat qui risque de faire échouer ces accords. En effet, les FDLR sont venus au secours de Kabila père en 1998 lorsque le R.C.D. menaçait son pouvoir. Depuis cette période, la base militaire de Kamina a été mise à leur disposition pour l’entraînement de leurs troupes. Les camps de réfugiés rwandais situés en Afrique Centrale et Australe envoient chaque mois des jeunes gens à Kamina pour leur entraînement. A l’issu de leur formation, les meilleurs d’entre eux sont enrôlés dans la garde présidentielle. Les autres sont envoyés au Nord-Kivu et au Sud-Kivu rejoindre l’état-major des FDLR qui décide de leur affectation. Et cela dure depuis dix ans. Les FDLR ont toujours été le fer de lance du gouvernement dans toutes ses opérations militaires. Comment ce dernier arrive-t-il à couper, sans gros dégâts, ses liens avec les FDLR qui crient sur tous les toits que Kabila avait signé des accords pour les aider à rentrer au Rwanda par la force ? Leur intégration massive au sein des FARDC, qui a déjà commencé, ne constitue pas une solution mais, au contraire, une aggravation du problème actuel.
De la MONUC
La MONUC a toujours adopté une attitude partiale dans les différentes situations conflictuelles au Congo. Son appui inconditionnel au gouvernement, même lorsque la mauvaise foi de ce dernier était manifeste, a sérieusement entamé sa crédibilité. Le départ de Mr SWING, qui symbolise l’échec de la MONUC, se traduira-t-il par un comportement juste, responsable et impartial ? Les ventes d’armes au FDLR et aux autres milices par des éléments de la MONUC prendront-elle fin ?
C’est par son impartialité dans le suivi de l’application de l’accord de Goma que la MONUC sera jugée.
Des centres de détentions privés
Dans la ville de Goma, il existe plusieurs centres de détention privés. Le gouverneur de province a un cachot privé. Le commandant second de la huitième région militaire dispose d’un cachot privé dénommé Golgotha ou il torture à volonté. Plusieurs officiers de l’armée, de la police et des services de renseignement gèrent des centres de détention non reconnus. Ces centres; illégaux à tous égards, seront-ils fermés ?
De l’insécurité à GOMA
Les assassinats et les vols à main armée à GOMA sont commandités par des officiers de l’armée et de la police pour l’extorsion des biens et l’intimidation politique. Le gouvernement, mettra-t-il fin à ces pratiques ?
Des arrestations arbitraires
Le délit de faciès (celui d’avoir des traits physiques nilotiques) est une cause d’arrestation à Goma, à Sake et entre ces deux villes. Ces arrestations sont souvent suivies d’assassinats, de déportation à Kinshasa, à Kamina ou dans le meilleur des cas, d’extorsion d’argent. Cette pratique discriminatoire et injustifiée prendra-t-elle fin ?
Des médias
Les médias (journaux, radios, télévisions) du gouvernement et du PPRD cesseront-ils leur campagne de dénigrement des rwandophones ?
Et pour conclure
L‘accord signé à Goma le mercredi 23 janvier 2008 constitue un petit pas sur le chemin de la paix. S’il n’est pas suivi, dans un bref délai, de signes forts qui montrent la bonne foi du gouvernement, il aura été comme ceux qui l’ont précédé, c’est à dire, un chiffon.
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