Berlin II pour la RDC ?

(Kimp)

16/04/09

 

Le Sénat s’échine à dépoussiérer, depuis samedi, le projet de Loi portant limitation des espaces et frontières maritimes de la République Démocratique du Congo. A en croire des informations livrées aux Sénateurs, l’ONU attend, au plus tard le 13 mai 2009, toutes les données relatives à cette matière. Il semble que c’est depuis dix ans que cette institution internationale réclame à l’Etat congolais la documentation nécessaire à la bonne lecture du dossier et que la partie congolaise traîne les pieds.

Les membres de la Chambre Haute du Parlement sont fort indignés de l’indolence des décideurs congolais. Refusant de passer pour des boucs émissaires, ils ont d’ores et déjà fait savoir au gouvernement qu’il leur est impossible de satisfaire, en l’espace de deux mois, la demande pressante de l’ONU. En 8 semaines en effet, argumentent-ils, il leur est impossible de collecter des données sur l’état de nos espaces et frontières maritimes sur le littoral de l’Atlantique, les lacs Albert, Edouard, Kivu et Tanganyika. C’est là la source, ont-ils déploré, du pillage des ressources naturelles congolaises, notamment les hydrocarbures, par les pays voisins. Vers la cession officielle des terres au Rwanda Les frontières des pays africains furent délimitées en 1885 à la Conférence de Berlin, entre grandes puissances de l’époque, propriétaires des colonies et protectorats. L’un des principes adoptés à cette occasion était celui du caractère intangible des limites territoriales entre Etats. Ce principe fut réaffirmé aussi bien dans l’Acte fondateur de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), en 1963, que dans celui créateur de l’Union Africaine. Hélas, la cohabitation entre une RDC politiquement, militairement et économiquement affaiblie et ses voisins apporte, chaque jour qui passe, des signaux inquiétants quant à l’avenir de son espace géo-physique. Tout se passe comme si l’Etat congolais n’a plus le contrôle de ses frontières, chacun des Etats voisins pouvant s’engouffrer et s’installer dans la durée, à l’intérieur de son territoire, au gré des humeurs de ses gouvernants. Ainsi, le Rwanda, après avoir plusieurs fois suscité et parrainé des rébellions depuis la chute du régime Mobutu, en mai 1997, a fini par poser son problème : la renégociation du tracé de la frontière commune au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. A l’heure qu’il est, la matière est inscrite au calendrier des contentieux à revisiter au niveau des commissions ad hoc entre Kigali et Kinshasa. Il n’est pas exclu qu’au finish, la RDC soit amenée à concédée des portions de son territoire au Rwanda, qui persiste à soutenir que sous la colonisation belge, il avait perdu des terres au profit de l’ex-Congo. Naturellement, ceux qui maîtrisent l’histoire coloniale commune ne partagent pas cette vue des choses. Mais, visiblement, Kigali est en passe d’imposer aux Congolais, la loi du plus fort. L’affaire des bornes, des Mbororo et autres… L’Angola s’illustre, depuis 2004, par la revendication de ses terres au Bas-Congo (Kizu et Ina) et au Bandundu (Kahemba), sous prétexte que les villageois congolais se seraient établis au-delà des bornes marquant la limitation de la frontière commune. Jamais évoquées pendant les 32 ans du règne de Mobutu, au cours duquel les ex-FAZ (Forces Armées Zaïroises) étaient les « gendarmes » de l’Afrique Centrale, l’affaire des bornes a curieusement rebondi depuis que Luanda s’est position comme la nouvelle puissance militaire de la sous-région. A Kahemba, le gouvernement congolais a adopté un profil bas, concédant sans appel une partie de son territoire à l’Angola, s’attirant au passage le courroux de l’Assemblée Nationale. Celle-ci était convaincue, sur pied du rapport de sa commission d’enquête ficelé entre mars et mai 2007, que l’Angola venait de spolier, aux yeux et à la barbe de l’exécutif national congolais, que certains députés ont même accusé d’entretenir un agenda caché avec le régime d’Eduardo Dos Santos. En 2007 toujours, l’invasion de la partie Nord de la RDC, en Province Orientale, par des éleveurs Mbororo venus du Soudan a abondamment alimenté la chronique politique. En dépit du constat l’expropriation des paysans congolais par des étrangers, la commission d’enquête parlementaire avait, au regard de la complexité du dossier, recommandé la cohabitation pacifique entre les autochtones et les « envahisseurs ». Ainsi, les Mbororo continuent de camper en Province Orientale, comme en territoire conquis. Dans la partie Sud, l’armée zambienne s’était aussi manifestée dans des villages du Katanga en 2006, avant de s’en retirer difficilement, sous un motif qu’il est facile de deviner : l’expansion territoriale vers un voisin faible. Le pétrole du littoral et du lac Albert Alors que le gouvernement congolais tarde à démarrer l’exploitation de son pétrole sur la côte Atlantique et le lac Albert, Angolais et Ougandais sont à l’ouvrage depuis des années. C’est le grand flou sur les gisements pétroliers appartenant à la République Démocratique du Congo. On se souvient qu’en 2007, devant l’Assemblée Nationale, un ancien ministre des Hydrocarbures avait annoncé la promesse de la rétrocession, par l’Angola, d’une cagnotte annuelle de l’ordre de 80.000 millions de dollars, au titre des royalties découlant de l’exploitation de la zone d’intérêt commun. Personne n’a vu la couleur de cet argent ni dans le budget 2008, ni dans les prévisions budgétaires de 2009. Pourtant, l’Angola continue d’engranger des revenus en devises fortes, depuis 10 ans, au préjudice de la RDC, jusque-là muette comme une carpe. Du côté du lac Albert, l’on vient d’apprendre du ministère des Hydrocarbures que des blocs pétrolifères vient d’être attribués à des partenaires crédibles, deux à trois ans après que l’Ouganda se soit déjà lancé dans l’exploitation de la nappe pétrolière commune. Bref, alors que plusieurs de ses voisins consolident leur statut de producteurs du pétrole, la RDC refuse d’entrer dans ce club fermé des Etats émergents économiquement et industriels. Frontières intangibles sur papier Le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation ne l’est que sur papier, pour le cas de la RDC. Ceci est tellement vrai que le pétrole, le diamant, l’or, la cassitérite, le gaz méthane et tant d’autres matières premières pouvant générer des richesses immédiates, en termes de milliards de dollars, en faveur du peuple congolais, sont laissés à la merci des Etats voisins. Les Congolais sont tentés de se demander si ceux qui les gouvernent ne se sont pas déjà inscrits dans la logique de Berlin II, consistant à sacrifier des pans entiers du territoire national sur l’autel d’alliances politiques et militaires qui ne sont pas soumises à la sanction du Parlement. Sans crier garer, l’Angola a déjà occupé, au Bas-Congo et au Bandundu, l’espace foncier qu’elle pense devoir lui revenir, au mépris de la souveraineté de son voisin. A l’Est, l’Ouganda, le Rwanda et même le Burundi, s’activent pour élargir, à leur tour, à travers les lacs et la terre ferme, leurs territoires. Curieusement, ceux qui sont censés assurer la défense des intérêts de la République, paraissent distraits, pas du tout pressés ou mieux inefficaces. Il vient de nous être démontrés qu’à l’ONU, cela fait dix ans que les renseignements sur le tracé des espaces et frontières maritimes tardent être communiqués.

 

 

Le Phare

 

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