Bahati Amani
Lyon, 11/02/08
Du 28 au 31 janvier 2008, s’est tenue à Bunia, dans la Province Orientale, une rencontre qui réunissait deux délégations. Celle de la République Démocratique du Congo conduite par Monsieur Tchikez Diemu, ministre de la défense nationale et des anciens combattants et la délégation ougandaise, conduite par Monsieur Crispus Kiyonga ministre ougandais de la défense. Pendant trois jours, les deux délégations se sont penchées sur la question de la paix à l’est de la République Démocratique du Congo, notamment à sa frontière avec l’Ouganda et dans la région des Grands Lacs. Ces assises étaient menées sous la supervision de la Mission des nations Unies au Congo.
La démarche était salutaire en soi. Mais le contenu du communiqué final trahit l’esprit de paix qui plane sur le Kivu depuis la signature de l’acte d’engagement, le 2 » janvier 2008 à Goma. Ce communiqué montre clairement la volonté du gouvernement congolais à saper les efforts de paix en cours. Les déclarations fracassantes du désormais « ministre de la guerre » ne sont pas de nature à rassurer ceux qui croient dans la paix des braves. Déjà, à la fin de la conférence sur la paix et le développement qui s’est tenue à Goma, il n’a pas été facile d’amener ce gouvernement à apposer sa signature sur l’acte d’engagement en faveur de la paix et du développement. Seule l’intervention de Monsieur Allan Doss, représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en République Démocratique du Congo a contraint ce dernier à adhérer à l’engagement pour la paix. On se demande, jusqu’à quel point le peuple congolais va continuer à subir les méfaits de l’incompétence et de la mauvaise gestion du pouvoir par des hommes sans scrupule. Détruisant tout, ils s’arrangent pour envoyer leurs enfants dans des belles écoles à l’étranger, tant pis pour les autres. Pour ceux qui tiennent à rester au pays, leurs enfants fréquentent dans les écoles françaises et belges. C’est pourquoi, la destruction du pays ne leur dit rien !
Le communiqué survenu à la fin des travaux crée un amalgame dans la définition des voies de retour à la paix dans cette partie de la République Démocratique du Congo. L’esprit qui guide ce communiqué, instruit que seule la voie militaire, c’est-à-dire la guerre, est susceptible de rétablir la paix. Il est évident que sont évoqués les accords ultérieurs entre les deux pays, notamment celui signé en Tanzanie entre Joseph Kabila et Yoheri Museveni. L’anachronisme de ce communiqué est qu’il confond de façon délibérée, le Congrès National Pour le Défense du Peuple (CNDP), mouvement politico-militaire national, aux forces négatives nationales et étrangères qui opèrent en complicité avec les FARDC à l’Est de la République Démocratique du Congo. Cette considération dont le caractère injurieux n’est plus à démontrer, est une mise en scène de ce que le gouvernement congolais refuse de dire tout haut. En fait, Monsieur Tchikez Diemu place dans le même plat, l’ADF/NALU, la LRA, les Mai Mai et les FDLR. Ce n’est pas sérieux de la part d’un ministre qui parle au nom de la république. Il y a au moins, le principe de la retenue dans le langage si on sait que ses déclarations peuvent compromettre un processus. Mais comme en République Démocratique du Congo on ne sait pas qui dirige quoi, tout le monde fait ce qu’il veut ; dit ce qu’il veut où il veut et comme il veut. Monsieur Tchikez Diemu a réitéré la détermination de son gouvernement à « tout faire pour mettre hors d’état de nuire les différentes forces négatives y compris le CNDP. » Ce n’est ni normal, ni acceptable. La République Démocratique du Congo est l’un des rares Etats à traiter les question d’ordre internationaux sans impliquer le ministère des relations extérieures. Même si c’est la sécurité qui est à l’ordre du jour, lorsque cela implique deux Etats, la politique internationale du pays doit être privilégiée. Cela peut constituer une exception dans les régimes militaires. Traiter de la sorte un partenaire avec lequel on vient de signer un accord de cessation des hostilités en moins d’une semaine, justifie un réel manque de transparence dans la gestion des acquis de la conférence de Goma. Ce qui semble confirmer la thèse d’une réunion de routine parmi tant d’autres qu’a connu souvent la République Démocratique du Congo. On ne sait pas comment la Monuc peut cautionner une telle déclaration qui met en péril les espoirs de tout un peuple.
La mauvaise foi du gouvernement n’est plus à démontrer. Habitué au mensonge et aux déclarations tapageuses des chorales dirigées par les médias pro-kabilistes, le gouvernement de Kinshasa semble persister dans le choix du jeux avec le feu. Depuis sa signature, l’acte d’engagement de Goma, signé en présence du président de la république et de plusieurs représentants de la communauté internationale, fait l’objet d’un sabotage permanent par les rêveurs d’une victoire militaire des FARDC sur le CNDP. La thèse de la trahison soutenue par les médias kabilistes ayant réussie à gagner les esprits, beaucoup croient que la République Démocratique du Congo disposerait d’une armée capable de défendre le pays. Or, depuis 1996, cette armée renouvelée, réorganisée, brassée, mixée, melangée etc n’a pas pu assumer héroïquement ses responsabilités. Confiant dans cette structure mythique, Monsieur Tchikez Diemu, chef de file des va-t-en guerres congolais, continue à prêcher à qui veut l’entendre que, seule la solution militaire écrasera et anéantira le CNDP. Alors qu’à la conférence de Goma, toutes les délégations étaient unanimes pour pointer du doigt la
responsabilité des FDLR dans la déstabilisation et l’insécurité dans les Kivu, la rencontre de Bunia vient de faire plusieurs pas en arrière, en omettant volontairement de mentionner les vrais causes de la souffrance des congolais que sont les FDLR et leurs alliés. C’est tout simplement un manque de sérieux dans le chef du gouvernement congolais à respecter les engagements pris. Ce n’est pas la première fois et ce ne sera pas non plus la dernière. Décidément, Monsieur le « ministre de la guerre » a soif du sang. Espérons que cette-fois-ci, c’est lui-même qui se tiendra devant pour
diriger les opérations contre un mouvement qui rappelle aux FARDC qu’ils sont encore des bébés en matière de confrontation militaire depuis quelques années.
Où va le pays ?