Antoinette K. Kankindi
Navarre, 07/11/07
Il y a deux équipes de travail susceptibles de secouer les nouvelles institutions en RDC : la commission instituée par le gouvernement Gizenga pour examiner les contrats miniers et l'équipe annoncée par les Nations Unies et qui sera chargée de faire rapport sur les atrocités commises en RDC entre 1993 et 2003. Mais procédons par ordre. En quoi la commission chargée d'examiner les contrats miniers menacerait-elle la stabilité des institutions de la république ? Ceux qui suivent de près la question des « contrats léonins » au Congo se rappellent que face aux pressions de l'opinion, au mois de mars courant, plusieurs firmes opérant en RDC dans ce domaine avaient reçu du Ministère des Mines des garanties quant au maintien de leurs contrats respectifs. Garanties qui semblent avoir été réitérées plus récemment, au mois d'octobre.
Mais dans l'entre-temps, c'est-à-dire entre mars et octobre et plus précisément en septembre, le flirt économique entre la RDC et la Chine est passé à une vitesse supérieure avec l'accord signé par la China Development Bank (pour le compte du gouvernement chinois) et le gouvernement congolais. On ne sait pas en quelle proportion, mais ce qui est certain, c'est que l'objet du contrat serait les concessions minières contre la construction d'infrastructures. Le Business Report sud-africain parle par exemple de 68% des concessions d'exploitation du cuivre. Quatre entreprises publiques chinoises signeraient une joint-venture avec la Gécamines dans cette proportion si majoritaire. Il semble que Paul Fortin ne se fait pas d'illusion avec les chinois. Il aurait dit « qu'ils iront vite en besogne, ils sont ici pour le métal ». C'est surtout la Metorex qui doit être très inquiète puisqu'elle avait réussi à rafler 80% de la concession cuprifère de Ruashi. Même Nikanor attendait encore son sort à la fin de la semaine dernière. On peut deviner que dès lors, les couteaux sont tirés, comme ils peuvent l'être dans le monde des affaires, entre le géant asiatique qui y va de ses chiffres mirobolants aveuglant les leadership congolais (spécialement le très xénophobe Yerodia Ndombasi à en juger par ses dernières déclarations invitant les congolais à émuler les chinois), et les entreprises occidentales et sud-africaines arrivées les premières sur la scène de cette prédation gigantesque. Ces dernières se considéraient comme les vétéranes et j'ose croire avec certains droits acquis, ne fut-ce qu'en termes de précédent.
C'est ici que la menace contre les institutions s'annonce et peut-être elle pourrait avoir des effets plus dévastateurs qu'une insurrection ou un coup d'Etat. En voici la raison. Le congolais est de plus en plus conscient du fait que le pouvoir en place n'est là que pour machiner ce genre de combine. Il y a de plus en plus de congolais qui sont conscients que la guerre contre Nkunda et le refus de négocier avec lui ne constituent qu'une diversion pour obliger les congolais à ne pas exiger des comptes sur des questions plus destabilisatrices pour le pays. Le peuple voudra demander des comptes à un gouvernement qui, loin d'assainir l'économie, est en train de la criminaliser de plus en plus, à l'échelle de la globalisation même. Le peuple n'y gagne rien et il peut compter qui y gagne, avec des noms et surnoms de ces quelques caciques de la majorité dite présidentielle. Mais le peuple a, depuis les fameuses élections, des représentants dans les deux chambres de l'Assemblée Nationale. Maintenant on devrait assister à une sorte de rapport de force entre l'impatience du peuple qui ne croit plus aux cinq chantiers, et la cupidité de la majorité présidentielle qui siège dans les deux chambres. Est-ce que les députés vont pour une fois faire passer les intérêts du peuple d'abord ? On peut en douter puisque jusqu'à présent, les députés et sénateurs ont excellé dans l'art d'étouffer les rapports des commissions dans leur zèle pour couvrir les bévues ou bien du chef de l'Etat, ou bien de son gouvernement. Ils sont allés parfois jusqu'à porter atteinte à la constitution importée (affaire de double nationalité pour en citer une) qui régit la nouvelle république. Point n'est besoin de rappeler ici les rapports de la commission Lutundula et la commission Lumbala pour n'en citer que deux. On voit mal l'Assemblée Nationale secouer le gouvernement pour faire passer les intérêts du peuple avant ceux des prédateurs internes ou externes. Que fera-t-elle ? Cette fois-ci n'est-elle pas au fin bord de l'implosion ?
Venons-en à l'équipe de 16 personnes que les Nations Unies sont sur le point d'envoyer en RDC pour trois mois, avec un budget de 2,3 millions de dollars. Les contribuables occidentaux ont décidement de l'argent à jeter dans la forêt équatoriale congolaise. Sa mission serait de faire de la lumière sur les exactions commises en RDC depuis 1993 jusqu'en 2003. L'on se demande pourquoi les exactions commises à Bukavu, Gatumba, Walungu, Kaniola, Minembwe, Kamina, Kitona etc, sont omises à cause du lapse de temps considéré. On imagine bien que c'est parce que l'ONU travaille sur les hypothèses de Human Rights Watch dont les rapports sont toujours anti-tutsi. L'instrument du travail pour cette équipe dont le Guardian a parlé le premier cette semaine vient de cette même ONG. Il aurait été très intéressant que le rapport Garreton soit tenu en compte. Comme le dit si bien le Guardian, l'ONU peut mener cette enquête maintenant car à l'époque de Kabila père, celui-ci avait fait tout pour obstruer toute tentative d'enquête internationale. Naturellement puisqu'il devait protéger son fils qui commandait l'armée de terre. Il parait que le gouvernement à Kinshasa soutient cette dernière initiative de l'ONU. Il faudrait que quelqu'un se rappelle que cette équipe pourrait produire des résultats qui feraient tomber des têtes, et de bien grosses, à partir de la plus haute hiérarchie dans les institutions de la troisième république. On aurait aimé voir le gouvernement soutenir une initiative visant à pousser l'ONU à enquêter sur elle-même au lieu d'essayer une nouvelle démarche visant à blanchir les FDLR comme le veut HRW.
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