Antoinette K. Kankindi
Navarre, 30 Octobre 2007
Pendant qu'à Kinshasa on chante, on danse et on s'époumone à propos du « succès diplomatique » de Joseph Kabila aux Etats-Unis, je finis la lecture du dernier rapport de Human Right Watch portant le titre plutôt monotone de « Nouvelle Crise au Nord-Kivu ». Et je ne peux que me demander pour qui roule HRW, de qui je garde les rapports sur le Nord-Kivu depuis 2004 ? La réponse est évidemment que ou bien HRW roule pour la françafrique ou s'est laissé infiltré par elle, ou encore, ce qui est plus plausible, agit de concert avec elle. Oui, il y a une crise au Kivu, c'est un peu complaisant de l'appeler nouvelle. Une crise est toujours à la fois un chaos et une opportunité. C'est pour cela qu'à la gérer mal on paye un prix exorbitant. Et puisque celle-ci est une crise politique, son coût en vie humaine, en misère matérielle qui entraîne toutes sortes d'autres misères, est incommensurable. Le coût en vie humaine c'est un génocide certain. Les révisionnistes ont presque réussi à faire croire que ce mot est trop fort pour ce qui se passe au Congo, et même au Darfour, c'est dire à quel point la société contemporaine devient de plus en plus insensible au pire des horreurs.
Pourquoi est-on en droit d'affirmer que HRW roule pour la françafrique? C'est à cause de la manière dont les FDLR sont traitées tout au long du rapport. Si HRW veut les excuser de tous les crimes que ces forces négatives commettent au Nord-Kivu en les rejetant tous sur le dos des soldats du CNDP, c'est tout de même ahurissant que le rapport ne dise absolument rien, mais rien de Kaniola ni de Walungu. Mais les aveux des officiers FDLR capturés contredisent et HRW et la MONUC et le gouvernement ensemble. La recommandation que HRW fait à ces forces négatives est tout simplement risible : « cesser d'attaquer les civils, exiger des comptes à tout membre des FDLR qui commet des attaques, cesser de recruter des enfants… ». HRW ignore-t-il que beaucoup d'entre eux ont été recrutés quand ils étaient enfants? Ignore-t-il que ces forces doivent regagner leur pays pour faire face à la justice qui les rattrapera tôt ou tard ?
Là où l'on remarque la veine françafrique la plus évidente, c'est qu'il s'agit d'un rapport contre Nkunda, c'est-à-dire un rapport anti-tutsi. Cela saute aux yeux depuis l'index où le contexte du conflit est titré « la montée des tutsis ». L'espace réservé au FDLR dans le contexte du conflit couvre difficilement une page et demi, mais l'auteur du rapport a veillé à y affirmer : « bien que parfois appelés Interahamwe, du nom de milice génocidaire de 1994, la plupart des combattants FDLR n'ont joué aucun rôle dans le génocide …ils vivent en harmonie avec les communautés congolaises autour d'eux », il faut le faire quand on sait qu'on enterre tous les jours au nord comme au sud Kivu les victimes de ces génocidaires, nouvellement et délibérément blanchis par HRW. Cet organisme s'est arrogé la seule autorité de laver les crimes des uns et en fabriquer pour les autres. Pour rappel, en 2004 en sachant très bien ce que Mbuza Mabe et ses forces ont fait à Gatumba, et le nettoyage ethnique qu'il a organisé après le retrait de Nkunda de Bukavu, cette même organisation n'a trouvé rien de mieux qu'incriminer ce dernier au lieu d'adresser à Interpol une demande d'un mandat d'arrêt international contre le criminel Mbuza Mabe. Parce que pour HRW comme pour la diplomatie française en Afrique et à l'ONU, tuer des tutsis n'est pas un crime.
Les Etats-Unis continuent à accueillir des rescapés de ces massacres encore aujourd'hui. Et un organisme de cette même nation montre aussi effrontément son alliance avec les génocidaires? Il faudra commencer à étayer des mécanismes juridiques pour poursuivre ce genre d'organisations et les médias qui leur servent de haut-parleurs devant la cour internationale de justice. C'est là une manifestation de la schizophrénie dans la stratégie des occidentaux qui nous recolonisent. Ils crient s'être investis dans l'avènement de la paix au Congo et ils sont les premiers à la torpiller! Il ne serait pas étonnant de trouver parmi ceux qui financent HRW quelque bonze de l'industrie d'armement qui vit des conflits partout dans le monde et concrètement du conflit au Kivu !
Les manœuvres comme celle du rapport de HRW visent à réduire l'incapacité multifacétique de Kabila à une seule personne. Une erreur car, comme l'a si bien dit Mauro de Lorenzo la semaine dernière, Nkunda représente « une peur rationnelle », c'est-à-dire objective et légitime de sa communauté. Mais ce n'est pas juste une peur, c'est une soif républicaine dans la mesure où l'esprit républicain réside dans l'affirmation du pluralisme, du droit des tendances, de la liberté d'un dialogue diversifié en vue d'établir un ordre social juste où tout citoyen peut jouir de ses droits humains. La bataille de Nkunda, malgré la persécution que HRW monte contre lui, est une bataille pour la conquête et la sauvegarde des libertés publiques, en vue d'une plus grande justice sociale dans le respect de tous, sans exception. Il s'agit d'une bataille pour un vrai esprit de conciliation et non pas un nivellement des différences ni ethniques, ni d'aucun autre ordre.
Si Kinshasa veut émuler la Chine dans la manière dont celle-ci traite les minorités et les divergences d'opinion, alors là, ceux qui en Occident tiennent encore aux valeurs démocratiques doivent continuer à faire pression sur Kinshasa pour l'encourager à s'engager sur une voie vraiment républicaine, celle du dialogue. Une crise mal gérée entraîne le chaos, mais une crise bien gérée est une opportunité. Si on arrive au dialogue, tout le monde sera reconnaissant envers Nkunda pour avoir persévéré dans sur cette voie difficile mais nécessaire.
copyright © 2007 Virunganews