Omar Basile Diatezwa
01/10/07
Quelle est la différence entre l’identité congolaise et l’identité africaine ?
L’identité congolaise est une identité léopoldienne, sans notre volonté individuelle ou commune; nous sommes des
Congolais pour avoir été des simples sujets domestiqués dans un territoire dont le propriétaire était le roi Léopold 2 ;
celui-ci a décidé souverainement d’identifié son bien avec le label Congo, malgré l’existence des communautés
autochtones africaines organisées politiquement. Vers la fin de sa vie, il a cédé son bien (le Congo) à son royaume (la
Belgique). Comme des bêtes de somme, nous faisions partie de son espace terrien voué à l’exploitation. Suite aux
conséquences de la guerre froide, nous avons acquis une indépendance nominale, mais notre territoire est toujours
considéré comme la chasse gardée de la Belgique, donc de l’Europe.
Aujourd’hui, nous avons une identité propre qui nous différencie des européens, des asiatiques…, mais qui nous
rapproche spatialement et culturellement des autres africains et surtout, qui nous affranchi définitivement du carcan
colonial: c’est l’identité africaine.
L’objectif de ces 25 questions est simplement d’aider les Congolais à mieux cerner quelques problématiques pour nous sortir de cette crise grave qui va sûrement entraîner la disparition du Congo dans ses frontières actuelles si nous persistons dans nos égarements:
1. Qui sont les premiers occupants de l’Afrique centrale, particulièrement du Congo ?
D’après les historiens africanistes, les premiers occupants de l’Afrique centrale, plus particulièrement du Congo, sont
les Pygmées.
2. D’où viennent les Bantous et les Nilotiques ?
Les Bantous, par vague migratoire, fuyant les mauvaises conditions climatiques et les guerres, sont venus du bassin
de Bénoué (entre le Cameroun et le Nigéria) ; ils ont ensemencé la côte ouest- africaine, la côte atlantique et l’Afrique
du Sud. En Afrique centrale, ils ont repoussé les Pygmées dans les forêts. Les Nilotiques sont des éleveurs de vaches
qui viennent des régions longeant le bassin du Nil (Erythrée, Somalie…) ; à la recherche des pâturages pour leurs
troupeaux, ils sont arrivés dans la région des Grands Lacs, en se mixant avec les Bantous cultivateurs.
3. Où sont aujourd’hui les Pygmées et quel est leur sort dans le Congo actuel ?
Les Pygmées, qui sont les premiers occupant, ont été repoussé dans les forêts ; pendant la période précoloniale et
coloniale, ils ont vécu dans la marginalisation totale, méprisé par le colonisateur et les indigènes Bantous. Aujourd’hui,
ils subissent encore le mépris des autres.
4. Quel est le sujet congolais, le clan, la tribu, l’ethnie ou la race qui a émergé du sous-sol du
Congo comme des champignons ?
Aucun être humain, aucun congolais n’est sorti sous-sol comme un champignon ; nous sommes tous issus des
courants migratoires, nous venons tous de quelque part et nous avons tous connus des brassages raciaux et
culturels.
5. Qui a tracé les frontières actuelles du Congo ?
Ce sont des Européens, pour leurs intérêts politiques et économiques, qui ont tracé les frontières des pays africains à
la Conférence de Berlin de 1885, sans le consentement des autochtones africains, considérés comme faisant partie
de la faune et de la flore des terres vouées à l’exploitation. Le territoire congolais, avec ses composantes vivantes,
était la propriété privée de Léopold 2, ensuite la propriété du royaume de Belgique.
6. Quels sont les grands ensembles raciaux (d’après l’ethnocentrisme colonial) qui ont
constitué le Congo Belge ? Quels sont ces groupes culturels ?
Le colonisateur belge, qui était le propriétaire du Congo, nous a appris que, dans sa géographie humaine, le Congo
était constitué racialement des Bantous, des Soudanais, des Pygmées et des Nilotiques. La composition culturelle
était la suivante :
• Groupe Bantou / semi-Bantou : Ne-Kongo, Lunda, Luba, Bashi, Anamongo, Banyarwanda…
• Groupe Soudanais : Azande, Ngbandi, Ngbaka…
• Groupe Pygmées : Twa…
• Groupes Nilotique ou Hamite: Hema, Banyarwanda
Le groupe culturel Banyarwanda, qui s’est constitué dans le royaume précolonial du Rwanda, est un brassage entre
Bantous, Nilotiques et Pygmées.
7. Qui a regroupé les différentes communautés culturelles en les identifiants à travers des
labels arbitraires ?
C‘est le colonisateur belge qui a regroupé les différentes communautés culturelles du Congo en adoptant ou en
inventant des labels pour les distinguer. Par exemple, d’après la nomenclature coloniale, les groupes culturels
considérés comme des ethnies (Ne-kongo, Anamongo, Luba…) sont constitués de plusieurs sous groupes ou tribus.
8. L’appartenance à une communauté identifiée au Congo est-elle génétique ou culturelle ?
La transmission des valeurs culturelles n’étant pas de nature biologique, l’appartenance à une communauté culturelle
ne peut être génétique. Un enfant né des parents ayant la culture Luba mais élevé et grandi totalement dans un
microcosme culturel Ne-Kongo est un Ne-Kongo ; un enfant né des parents blacks africains mais élevé et grandi
totalement dans la culture suédoise est un Suédois. L’identité culturelle n’est pas un acquis génétique.
9. Le label caractérisant un groupe culturel (Bashi, Bafulero, Baluba…) a-t-il une essence
naturelle ou une codification circonstancielle et temporaire ?
Un label caractérisant un groupe culturel n’a pas une essence naturelle ; c’est une codification humaine,
circonstancielle et temporelle. L’histoire de l’humanité connaît des labels disparus des communautés humaines qui
ont dépéries (les Francs, les Wisigoths, les Alamans…). Chez les Ne-Kongo, le label du groupe Besi-Ngombe est une
création humaine de l’époque coloniale ; chez les Banyarwanda du Sud-Kivu, le label Banyamulenge est une création
humaine des années 70 pour se distinguer des migrants Banyarwanda post-coloniaux (réfugiés, infiltrés…) ; mais les
humains qui composent ces labels culturels sont connus comme étant des autochtones (Besi-Ngombe,
Banyamulenge…). Les Banyarwanda du Nord-Kivu ne s’identifient pas avec le label Banyamulenge, malgré la même
appartenance culturelle. Ainsi il est erroné d’affirmer que dans le répertoire colonial des groupes ethniques du Congo,
le mot Banyamulenge est inexistant ; ce n’est pas le label qui précède l’existence d’une communauté humaine, c’est
plutôt le contraire.
10. Quelle est la différence entre l’identité congolaise et l’identité africaine ?
L’identité congolaise est une identité léopoldienne, sans notre volonté individuelle ou commune; nous sommes des
Congolais pour avoir été des simples sujets domestiqués dans un territoire dont le propriétaire était le roi Léopold 2 ;
celui-ci a décidé souverainement d’identifié son bien avec le label Congo, malgré l’existence des communautés
autochtones africaines organisées politiquement. Vers la fin de sa vie, il a cédé son bien (le Congo) à son royaume (la
Belgique). Comme des bêtes de somme, nous faisions partie de son espace terrien voué à l’exploitation. Suite aux
conséquences de la guerre froide, nous avons acquis une indépendance nominale, mais notre territoire est toujours
considéré comme la chasse gardée de la Belgique, donc de l’Europe.
Aujourd’hui, nous avons une identité propre qui nous différencie des européens, des asiatiques…, mais qui nous
rapproche spatialement et culturellement des autres africains et surtout, qui nous affranchi définitivement du carcan
colonial: c’est l’identité africaine.
11. Existe-t-elle au Congo une volonté commune pour un destin commun ?
L’appartenance à un espace politique commun ne signifie pas une volonté collective pour un destin commun, surtout
que l’identité congolaise est une oeuvre coloniale. Les Congolais sont encore au stade primaire d’une communauté
politique consciente (47 ans après l’indépendance) c'est-à-dire l’acceptation de l’autre pour une communauté de
destin. Les tentatives d’épurations ethniques, l’ostracisme et les guerres intercommunautaires dans certaines
régions du Congo prouvent l’inexistence d’une volonté commune pour un destin commun, ou du moins l’inconscience
communautaire : la nation congolaise, un construit colonial, est une fiction animée par notre souffle de vie et notre
vanité, ni plus, ni moins !
12. Quel est le fondement moral et intellectuel pour un destin commun des populations
congolaises ?
Au 21ième siècle, la condition préalable pour une communauté politique conviviale, c’est l’acceptation de l’autre, le
vouloir vivre ensemble. Cette volonté commune est le fondement moral. Dès lors que cette condition est remplie, on
se donne des institutions capable d’harmoniser la cohabitation des différentes composantes nationales pour le bien
commun : c’est le fondement intellectuel.
13. Existe-t-elle une communauté Banyarwanda au Congo ?
Cette question semble naïve, mais un ancien ministre congolais a confirmé publiquement lors d’une conférence-débat
que les Banyarwanda n’existent pas au Congo : ce sont tous des squatteurs à renvoyer au Rwanda !
Le colonisateur du Congo a identifié ce groupe culturel comme étant celui qui parle le Kinyarwanda, langue unique
utilisée au Rwanda. Cette communauté congolaise appartenait à l’ancien royaume précolonial du Rwanda. Lors du
partage de l’Afrique à la Conférence de Berlin, une partie du Rwanda précolonial s’est retrouvée dans les frontières du
Congo Belge (Rutshuru, Goma, Masisi…) et de l’Ouganda (Bufumbira, Kigezi). Les populations Banyarwanda du Congo
ont conservé la stratification sociale de leur royaume précolonial en se distinguant entre Hutu, Tutsi et Twa. La
communauté Banyarwanda se retrouve au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et nord du Katanga. Il est bon de rappeler que le
pouvoir traditionnel en Afrique précoloniale ne s’étendait pas sur des espaces terriens mais plutôt sur des
communautés humaines ; cette remarque est importante pour percevoir la différence entre la notion de la propriété
terrienne en Afrique et celle du colonisateur européen.
14. Quelle est la différence entre un Hutu et un Tutsi congolais ?
Hutu, Tutsi et Twa appartiennent tous au groupe Banyarwanda (label colonial), communauté culturelle homogène du
royaume précolonial du Rwanda. Lors de la genèse de ce royaume, la vache était une valeur d’échange dominante ;
les rapports de puissance étaient déterminés par la quantité de vaches détenues, entraînant une stratification sociale
caractérisée par la domination progressive des possédants de bétail surnommés Tutsi ; les autres étaient appelés
Hutu ou Twa en fonction de leur origine. Dans l’organisation sociétale du Rwanda précolonial, un Hutu pouvait devenir
un Tutsi et vice versa. Le Rwanda précolonial a connu un brassage actif entre Bantous, Nilotiques et Pygmées, créant
ainsi une seule identité culturelle. Le même phénomène sociohistorique se retrouve au Burundi.
Pour asseoir son pouvoir issu de la Conférence de Berlin, le colonisateur allemand s’est servi de la classe sociale
dominante Tutsi. Lors de la défaite allemande à la Première Guerre Mondiale (1914-1918), le nouveau tuteur belge a
poursuivi la même stratégie de domination en utilisant la classe Tutsi, qui sera à l’avant-garde de la lutte
indépendantiste. Mécontent, le tuteur belge va exciter la majorité Hutu contre la minorité Tutsi, entraînant l’idéologie
du « Hutu Power » dont l’apothéose est le génocide anti-Tutsi au Rwanda.
Les mots Tutsi et Hutu n’ont aucune origine raciale ; ils reflètent simplement une stratification sociale temporelle
aujourd’hui obsolète. Les préjugés ataviques alimentent encore les relations communautaires à l’Est du Congo ; nous
devons les transcender pour construire une communauté de destin sur des bases objectives car les générations
nouvelles doivent l’emporter sur les générations passées.
15. Faut-il désarmer et intégrer les rebelles rwandais ou faut-il les renvoyer au Rwanda ?
Mobutu avait commis une faute fatale, celle d’avoir acceptée en 1994 les réfugiés militaires rwandais sans les
désarmer ; Laurent KABILA s’est égaré en prenant comme alliés objectifs les rebelles rwandais contre le RCD/Goma
et dans sa politique régionale. Aujourd’hui, le Rwanda soupçonne l’intégration des rebelles rwandais dans l’armée
congolaise.
Depuis leur arrivée comme réfugiés en 1994, les rebelles rwandais commettent des actes de violence contre les
populations congolaises et sont à la source des divergences entre le Rwanda et le Congo : la seule solution viable c’
est de les désarmer ; chacun sera libre de s’intégrer au Congo ou de rentrer au Rwanda !
16. Est-il possible, à travers une loi, de donner la nationalité congolaise à un Africain (Angolais,
Rwandais, Burundais…) ou un Européen (Belge, Français, Portugais…) nés ou vivant au Congo ?
Cette question semble être anodine, mais quand on observe les faits autour de cette problématique, il est temps que
le législateur clarifie les concepts car nul n’est sorti du sol congolais comme un champignon. Le débat sur la
nationalité au Congo est faussé par l’intrusion, à dessein, des préjugés rwandophobes.
17. L’Etat congolais a-t-il l’obligation d’assurer la sécurité des personnes et des biens ?
Autre question anodine ! La légitimité du pouvoir actuel dépend de cette obligation, celle d’assurer la sécurité des
personnes et des biens !
18. Que doit faire une personne ou une communauté dont la sécurité n’est pas assurée par l’Etat ?
Une personne ou une communauté mature dont la sécurité n’est pas assurée par l’Etat se donne le droit, pour sa
survie, d’organiser sa propre défense ; si l’autorité établie devient la cause de son insécurité, la rébellion devient un
acte légitime !
19. Les Congolais ayant opté pour une nationalité étrangère (belge, française, américaine,
canadienne, anglaise…) sont-ils étrangers au Congo ? Ont-ils perdu leurs droits et devoirs
familiaux ou claniques ?
Dans la jurisprudence occidentale, ils sont étrangers ; mais dans notre culture africaine, ils ne le sont pas car ils
gardent toujours leurs droits et devoirs familiaux ou claniques. Sur ce, nous devons inventer une formule juridique
appropriée à notre culture favorable à la double nationalité.
20. Quels sont les effets positifs et négatifs de la double nationalité ?
Les effets négatifs pour le Congo peuvent provenir des individus marginaux sans scrupules qui sont tentés à la
trahison pour leurs intérêts égoïstes ; les traites se retrouvent aussi parmi les nationaux d’origine congolaise. Les
effets positifs sont plus nombreux : renforcement des capacités institutionnelles à travers une mobilité des
ressources humaines, intellectuelles et financières, contribution à la croissance du Congo et à la lutte contre la
pauvreté, lobbying…
21. Que doit être le comportement des Bateke autochtones de la région de Kinshasa vis-à-vis des
Congolais venant des autres régions ?
Les Bateke autochtones de la région de Kinshasa ont un comportement digne, irréprochable et responsable par
rapport à ceux qui prônent l’épuration ethnique dans leur terroir d’origine. Les autres communautés doivent suivre
leur exemple !
22. Un pays limitrophe du Congo a-t-il le droit et le devoir de s’assurer d’un pouvoir allié au Congo
pour ses intérêts ?
Tout pays limitrophe du Congo a le droit et le devoir de s’assurer d’un pouvoir allié à Kinshasa ; en fonction de ses
intérêts, il doit mener une politique régionale de bon voisinage et d’entente mutuelle. Tirant les leçons du passé, les
dirigeants angolais et rwandais surveillent bien le pouvoir de Kinshasa.
23. Sommes-nous conscients des conséquences de la politique régionale et des interventions
intempestives du régime de Mobutu dans les pays limitrophes (Angola, Rwanda…) ?
Notre narcissisme occulte nos propres fautes politiques ! Il est connu que le Zaïre de Mobutu a soutenu la rébellion de
l’UNITA en Angola ; son armée n’a pas été capable de désarmer les soldats fuyards du Rwanda en 1994 ; Mobutu a fait
le jeu des autres puissances non africaines dans la région des Grands Lacs pour ses propres intérêts.
24. Qui sont responsables du chaos actuel au Congo ?
Nous sommes seuls responsables du chaos actuel dans notre pays, payant ainsi nos propres turpitudes d’hier. Je me
rappelle d’un slogan populaire à Kinshasa à l’époque de Mobutu : Ebeba, ebeba lelo ! Tokobongisa lobi !
25. Le pouvoir actuel à Kinshasa est-il capable de résoudre les problèmes politiques et
économiques du Congo ?
Non, car c’est le pouvoir pour le pouvoir !
Omar Basile Diatezwa