A Son Excellence Monsieur le Secrétaire Général des Nations-Unies Bwiza, le 25 septembre 2007
à New-York (USA)
Objet : dénonciation du comportement militariste du Président KABILA
Excellence Monsieur le Secrétaire Général,
Le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), par mon intermédiaire, a le très grand honneur de
vous adresser la présente pour dénoncer auprès de votre Excellence, le comportement militariste dont fait
preuve, en ce moment, notre Président de la République Joseph KABILA KABANGE, dans la gestion de la crise
politico-militaire en cours à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), en particulier dans la
Province du Nord-Kivu. Comme vous devez le savoir, sans doute, cette crise est née avec le refus de certains
éléments des Forces Armées de la RDC (FARDC) issus du Rassemblement Congolais pour la Démocratie
(RCD) d’intégrer les centres de brassage de l’armée, parce qu’ils se sentaient véritablement floués par la
légèreté avec laquelle le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), qui les avait recrutés, avait
négocié, puis mis en œuvre, au terme du Dialogue Inter-congolais, certains points des accords de SUN-CITY
et de PRETORIA.
Les soldats que nous sommes, et fiers de l’être pour notre pays, la RDC, étions particulièrement vexés,
voire scandalisés par au moins trois choses : premièrement, le comportement irresponsable des politiciens
du RCD qui se précipitèrent à KINSHASA pour prendre leur part du gâteau concocté en Afrique du Sud, sans
se soucier nullement du sort des militaires qui les avaient portés au pouvoir et qu’ils laissaient derrière eux,
comme des brebis sans bergers. Deuxièmement, non seulement rien n’avait été dit sur le sort de nos
parents qui croupissent dans la misère des camps de réfugiés dans les pays voisins depuis 1996, mais
surtout, au fil des mois, des dirigeants influents et membres du cercle présidentiel récusaient l’existence de
ces réfugiés. Tutsi dans leur grande majorité, on prétendait qu’il s’agissait de citoyens rwandais rentrés
volontairement dans leur patrie.
Le discours discriminatoire de ces politiciens était amplifié dans le pays par une presse manifestement
aux ordres de la présidence et dont l’extrémisme reflétait bien l’intolérance, la discrimination et l’ethnicisme
qui s’étaient emparé de la classe politique congolaise, spécialement du parti présidentiel, le Parti du Peuple
pour la Reconstruction et le Développement (PPRD) et ses satellites. L’exemple le plus connu est le discours
que prononça à l’époque, lors de sa visite à Goma, un des 4 Vice-Président de la République de l’époque,
Monsieur YERODIA Abdoulaye Ndombasi « gardien du temple kabiliste ». Brandissant une lance qu’on venait
de lui offrir en cadeau de bienvenue, il proclama à l’adresse de la foule, nous citons : « voici ce avec quoi
nous allons désormais nettoyer les fesses de ces gens (les Tutsi) que nous avons accueillis dans notre
maison et qui prétendent y jouir de mêmes droits que nous les vrais propriétaires ». De tels discours qui
étaient monnaie courante à l’époque et qui ne se sont pas démentis depuis ont beaucoup contribué à semer
la zizanie entre les ethnies du Kivu, de façon générale, et tendent à élargir chaque jour davantage le fossé qui
les sépare sans raison plausible, si ce n’est la manipulation et la surenchère politiciennes.
Nous voudrions indiquer que nos dirigeants qui ont été élus depuis bientôt une année, pas plus que ceux
de la Transition, n’ont jamais pris la peine de rendre une seule visite de réconfort à nos parents réfugiés au
Rwanda, en Ouganda et au Burundi, pays pourtant frontaliers. Après les massacres de Gatumba où, en août
2004, périrent plusieurs de nos parents qui avaient échappé aux assassinats sélectifs de Bukavu au mois d’
avril précédent, le Président Joseph KABILA KABANGE n’a manifesté aucune compassion envers les familles
des victimes, accréditant du coup, en même temps que d’autres sérieux indices, les rumeurs qui faisaient de
lui le véritable commanditaire de cet acte de génocide. Depuis lors, ceux qui nous gouvernent n’ont donné
aucun signal fort allant dans le sens de la réconciliation nationale et de quelque côté que nous nous
tournions, nous ne voyons aucune lueur d’espoir poindre à l’horizon.
Troisièmement, les forces génocidaires rwandaises ex-FAR/Interahamwe, reconverties en Forces
Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), n’ont jamais été inquiétées par le Gouvernement en
place à Kinshasa. Bien au contraire, le Président Joseph KABILA n’a eu de cesse, depuis son accession au
pouvoir, en 2001, que de les entretenir, de les équiper et de les armer en vue d’en faire des supplétifs de son
armée, pendant qu’à l’Est du pays, elles massacrent, pillent et violent ses compatriotes en toute impunité,
mais aussi empêchent tout retour de nos parents et toute réinstallation des déplacés internes.
Cet état des choses qui tient nos parents hors de leur pays malgré eux et n’offre aucune perspective
crédible de leur retour prochain, nous a interpellés pour savoir à quoi nous servions sous les drapeaux, si
nous n’étions même pas capables d’offrir la sécurité à nos propres proches délaissés par le pouvoir qui
nous employait. Tout à coup, nous avons eu le sentiment d’être des mercenaires dans notre propre pays et
nous en avons éprouvé une immense frustration. Nous ne pouvions en aucun cas le supporter plus
longtemps. C’est pourquoi, nous avons décidé, voici maintenant plus de trois ans, c’est-à-dire bien longtemps
avant la fin de la Transition et avant la tenue des élections générales dans notre pays, de nous doter d’une
organisation politico-militaire que nous avons rendue publique seulement en 2006. Mais, dès décembre
2OO4, elle nous avait permis d’enrayer à KANYABAYONGA l’offensive gouvernementale connue sous le nom
de code « OPERATION BIMA » destinée à chasser de la RDC, comme son nom l’indique, les populations
congolaises rwandophones. Cette organisation a porté un court moment la dénomination de « CMDP » ou
Conseil Militaire pour la Défense du Peuple. Aujourd’hui, elle s’est transformée en « Congrès National pour la
Défense du Peuple », en sigle « CNDP ».
Excellence Monsieur le Secrétaire Général, en janvier dernier, l’ANC ou Armée Nationale Congolaise, la
branche militaire de notre Mouvement est entrée en partenariat avec les forces gouvernementales FARDC
pour initier un processus exceptionnel d’intégration de l’Armée dénommé « MIXAGE ». Ce processus est le
résultat du « gentleman agreement » conclu en début d’année à KIGALI, sous la médiation rwandaise, entre le
Chairman du CNDP, le Général de Brigade Laurent NKUNDA MIHIGO, d’une part et d’autre part, l’Envoyé
Spécial et Plénipotentiaire du Président KABILA, l’actuel Inspecteur Général de la Police Nationale
Congolaise, le Lieutenant-Général John NUMBI. La mise en œuvre de ce processus avait préalablement reçu
le feu vert du Président de la République, Commandant Suprême des FARDC en personne. Il se justifiait par l’
impérieuse nécessité de neutraliser et de mettre hors d’état de nuire les forces criminelles et génocidaires
FDLR/ex-FAR/Interahamwe qui sèment la terreur et la désolation au Kivu.
Pourtant, à l’heure actuelle, notre Mouvement constate avec beaucoup d’indignation que ce même Chef
de l’Etat orchestre une campagne médiatique de diabolisation à l’encontre des unités FARDC issues du CNDP
et dont le seul tort est d’avoir déféré aux consignes de la hiérarchie militaire relatives au processus de «
Mixage ». Prenant à court aussi bien ses partenaires du CNDP que les plus hautes autorités rwandaises dont
il avait demandé la médiation, le Président de la République vient de revenir sur la parole donnée. A l’instar d’
un défunt Chef d’Etat voisin dont la spécialité était le double langage et le reniement de sa signature et qui, un
jour de 1994, traita de « chiffon de papier » un accord qu’il venait de signer devant ses pairs de la sous-
région, avec les terribles conséquences que l’on sait, Joseph KABILA KABANGE foule aux pieds un contrat,
certes non écrit, mais néanmoins passé avec ses compatriotes du CNDP devant d’éminents témoins
étrangers requis à sa demande expresse et dont on peut deviner l’immense déception.
En effet, le Président de la République vient à la fois de récuser les unités mixées et de mettre fin à leur
mission première, à savoir l’éradication du sol congolais des FDLR/ex-FAR/Interahamwe, ses alliées de
toujours, comme l’a confirmé leur chef Ignace MURWANASHYAKA, dans l’émission de la BBC « INVO N’
IMVANO » de samedi 22 courant, nous citons : « les armes que détiennent les FDLR ont été fournies par
Kabila-père, elles servent aujourd’hui à défendre le régime en place contre KAGAME, NKUNDA et consorts,
elles sont numérotées, mais nous ne les rendrons qu’à certaines conditions bien précises que KABILA
connaît parfaitement ». Ce comportement du Magistrat Suprême de notre pays, garant constitutionnel de la
souveraineté nationale et de l’intégrité du Territoire, constitue une infamante capitulation face à des groupes
armés étrangers opérant illégalement en territoire congolais. Bien plus, c’est un acte de haute trahison,
dans la mesure où, en vérité, Joseph KABILA KABANGE a décidé de faire de ces hors-la-loi le fer de lance des
FARDC dans la nouvelle mission qu’il vient d’assigner à celles-ci pendant son récent séjour à GOMA, à savoir :
forcer les bataillons anciennement mixés à gagner les centres de brassage ou les réduire par la force.
Mais, ces centres de brassage constituent une véritable honte pour notre pays et un mépris total envers
l’Armée nationale. Comment peut-on faire croire, en effet, qu’on y forme des vrais soldats aptes aux missions
d’une armée républicaine au service de tous les congolais sans exclusive, alors qu’on ne fait qu’y juxtaposer
des militaires issus du Gouvernement et des diverses rébellions, qu’ils y viennent comme à une foire
accompagnés de leurs familles et autres dépendants, qu’ils y vivent dans une promiscuité indescriptible qui
fait de leurs progénitures de véritables enfants de la rue, qu’ils passent l’essentiel de leur temps à rançonner
les populations civiles environnantes pour subvenir aux besoins de leur familles, puisqu’ils ne sont ni nourris
ni payés, qu’on n’y dispense aucune instruction ni technique ni civique et qu’ils en sortent plus abrutis qu’ils
n’y sont entrés ?
Le résultat est naturellement désastreux : non seulement ils sont incapables de tenir au combat face à
un adversaire résolu, comme on l’observe si souvent dans les confrontations actuelles, mais aussi dans les
contées où ils sont déployés, ils se comportent en véritables bourreaux des populations civiles qu’ils sont
censés protéger, par la prédation des récoltes dans les champs et des réserves dans les greniers ou par l’
extorsion des vestes, des bottes, des jaquettes, de l’argent, des téléphones et même des aliments sous
cuisson etc… Ainsi, si le brassage actuel n’est pas revisité de fond en comble, il est illusoire de penser qu’un
jour nous permettrons à nos éléments de l’intégrer. Notre pays mérite mieux que cette intégration
caricaturale qui sert de prétexte aux pontes de l’Armée pour subtiliser l’argent public et se sucrer sur le dos
des soldats du rang.
Face à la nouvelle donne qui consiste pour le Président de la République à recruter des FDLR pour mener
sa guerre, le CNDP prend à témoin votre Excellence, mais aussi le peuple congolais : il déclare que la
légitimité d’un élu, à plus forte raison lorsqu’il s’agit du plus haut personnage de l’Etat, le Président de la
République en l’occurrence, ne peut absolument pas être opposée aux citoyens confrontés à un cas de haute
trahison. Or, celle-ci est avérée dans le chef du Président Joseph KABILA KABANGE qui recrute des miliciens
criminels et génocidaires étrangers et les incorpore dans l’armée de la République pour réduire au silence
les soldats de son propre pays qui ne lui réclament qu’une seule chose : remplir son devoir conformément à
son serment constitutionnel, c’est-à-dire être le garant de l’unité et de la cohésion de la nation congolaise, en
la réconciliant dans toute ses composantes et dans toute sa diversité, sans en laisser aucune sur le bord de
la route.
Pour toute réponse, le Chef de l’Etat entreprend de préparer l’opinion à l’option militaire qui est désormais
la sienne face à la crise du Nord-Kivu. Il fait répandre par ses partisans nationaux et internationaux des
allégations mensongères et calomnieuses sur les unités FARDC retirées du mixage. Pour les discréditer, on
invente pour les mettre sur leur compte des tueries des civils, des découvertes des fosses communes, l’
enrôlement des mineurs dans les rangs de l’armée, la chasse aux militaires qui se rendent aux centres de
brassage, la mort de nourrissons dans des couveuses débranchées etc… Bref, un tissu de mensonges
cousu de fil blanc qui ne trompe aucunement les populations que ces unités protègent depuis plusieurs
mois. On feint d’ignorer que le CNDP a fourni en groupes électrogènes et en médicaments tous les centres
de santé de la zone sous son contrôle, que grâce aux cotisations de ses membres, les enseignants de ces
zones sont les seuls qui sont à leur poste, pendant que partout ailleurs en RDC, ils sont en grève illimitée pour
non paiement des salaires, que tous les élèves orphelins et indigents sont pris en charge et étudient grâce à
ces cotisations, bref que, dans tous les cas de figure, le CNDP se montre plus responsable que le
Gouvernement, alors que leurs ressources respectives sont sans commune mesure.
En dépit des limites évidentes de l’option militaire face à la crise actuelle, de telles allégations ne visent
qu’une seule chose : légitimer par avance la guerre généralisée que le Président KABILA KABANGE s’apprête
à livrer au CNDP et dont il vient de dévoiler les plans à ses commandants de brigades juste avant le
décollage de son avion . En effet, ordre leur a été donné d’engager les hostilités dans un délai ne dépassant
pas trois semaines pour en finir une fois pour toutes avec le CNDP. Le Président de la République ne
reconnaît aucun cessez-le-feu et n’a aucune intention de négocier quoique ce soit avec qui que ce soit, alors
que la MONUC a clairement demandé l’arrêt des combats et que, tout comme le CNDP, le Conseil de Sécurité
des Nations-Unies a recommandé le dialogue et la concertation en vue de la résolution pacifique du conflit. Le
Gouverneur de Province, pour sa part, a été instruit par le Chef de l’Etat, lors de la réunion qui s’est tenue
dans les installations du contingent indien de la MONUC à Mubambiro, près de SAKE , de traquer tous le civils
soupçonnés de sympathie envers notre Mouvement. Or, l’on sait ce qu’une telle traque implique comme
excès de zèle et exactions en tous genres et naturellement, comme toujours, ce sont des civils Tutsi qui vont
en faire les frais. Déjà, on a entrepris de fermer des entreprises qu’on pense leur appartenir, telle la société d’
assurances « SCAR » dont les actionnaires se sont violemment opposés aux policiers venus mettre des
scellés, mais aussi des listes des personnes à mettre sous les verrous ont été dressées.
Pendant ce temps, les écoles sont en grève générale illimitée sur toute l’étendue de la République
Démocratique du Congo, mais le Président de la République préfère utiliser l’argent des contribuables pour
faire sa guerre contre le CNDP au Nord-Kivu. La stratégie présidentielle consiste à brandir une panoplie de
contre-vérités dans le triple objectif suivant : d’abord, démoraliser les partisans et sympathisants du CNDP
dont il a reconnu publiquement le grand nombre dans ses reproches aux divers groupes et associations de
Goma convoqués en audience chez lui, ensuite assurer une couverture légitime aux opérations meurtrières
projetées, enfin forcer la main aux contingents onusiens afin qu’ils s’impliquent dans la guerre par un appui-
feu substantiel aux troupes gouvernementales, au fallacieux prétexte de protéger la population civile, alors
que le CNDP ne la menace en rien, bien au contraire. Une telle stratégie offre l’avantage de couvrir du
manteau de la légitimité les dégâts forcément irréparables qui résulteraient d’une éventuelle et indécente
coalition FARDC-FDLR-MONUC et qui seraient ainsi versées sans autre forme de procès dans la poubelle des
effets collatéraux prétendument inévitables dans toute guerre.
En considération de ce qui précède, le CNDP rappelle le principal objectif qu’il s’est fixé et qu’il entend
faire prévaloir en toutes circonstances et contre vents et marrées : défendre les intérêts de tout ou partie du
peuple congolais, en particulier lorsque celui-ci est agressé, délaissé ou trahi, comme c’est le cas en ce
moment, par ceux-là mêmes qui sont censés avoir été élus pour le protéger et le guider. En conséquence, le
CNDP prévient qu’il est prêt à s’opposer par tous les moyens à sa disposition à toute aventure militariste des
tenants du pouvoir qui, au dialogue et à la concertation, veulent substituer la politique de la canonnière. Ceux-
là porteront seuls la responsabilité des conséquences fâcheuses qui ne manqueront pas d’en résulter.
Tirant les leçons d’un passé récent, le CNDP rappelle à ces va-t-en guerre qui nous gouvernent que le
radicalisme et la cécité politique institués en mode de gestion des affaires publiques n’auront d’autre effet
que de perpétuer dans le pays le règne du chaos, de l’insécurité et de l’instabilité. Convaincu que la politique
est et demeure l’art du dialogue et du compromis, le CNDP croit fermement que seule la solution politique
négociée est porteuse d’espoir et de paix durable dans notre pays.
Ainsi, avant qu’il ne soit trop tard, le CNDP tend la main au Président de la République et au
Gouvernement. Il les invite à prendre la peine d’ouvrir son Cahier des Charges pour examiner avec lui, en
présence d’un facilitateur impartial, les revendications qu’il contient et dont la légitimité est évidente. Faute
qu’il en soit ainsi, le CNDP déclare que tout sera désormais possible, y compris la légitime défense que
constituerait la remise en question de la légitimité des dirigeants actuels de notre pays.
Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Secrétaire Général, l’expression de notre très haute
considération.
Pour la Derection Politique, le CHAIRMAN
Laurent NKUNDA MIHIGO
Gen. De Brigade.