Germain Kadima
21/05/07
Pour 11 millions de dollars américains, la Minière de Bakwanga (MIBA) va être bientôt liquidée, renseignent des sources généralement bien informées. Des sources qui font état d'un prêt de la Raw Bank destiné, semble-t-il, à permettre à la Miba de faire face aux besoins urgents d'équipements de production, d'intrants et de charges fixes récurrents pour l'année 2007.Il nous revient qu'en date du 30 avril dernier, à la demande du ministre du Portefeuille, l'ancien patron de la Miba a sollicité auprès de la Raw Bank la fameuse enveloppe de 11 millions. Cette demande faisait suite à une autre adressée, le même jour, aux ministres des Finances et du Budget, visant à permettre le paiement d'un mois de salaires évalué à 2,5 millions de dollars à partir du compte général du Trésor public, dans le but de restaurer la paix sociale.
Bradage
C'est ainsi que la Raw Bank a répondu une première fois, le 4 mai 2007, puis dans une seconde lettre, le 9 mai, en énonçant les conditions qui étaient les siennes pour l'octroi dudit prêt. Tout le problème, c'est que dans sa seconde lettre, la banque n'exige plus la perception des recettes pétrolières comme garantie de ce prêt. Elle exige plutôt les titres miniers de la Miba, tout en sachant dès le départ que cette entreprise dont la dette pèse sur elle comme un boulet sera dans l'impossibilité de faire face au calendrier de remboursement proposé.
D'après nos investigations, le taux annuel serait de plus de 20% si l'on comptabilise toutes les charges et conditions qui se greffent à cette proposition, sans tenir compte du fait que la banque a déjà reçu la garantie de l'Etat congolais. De plus, en raison des frais élevés de cette transaction prélevés par anticipation, il semble que la Miba ne devrait recevoir que 9,8 millions Usd sur le 11 accordés, dont 2,5 sont déjà engagés au titre de salaires. Plus grave, après la mise en réserve de la première échéance de remboursement prévu le 25 juin prochain, le solde ne sera que de 6,4 millions. Et il ne permettra point de payer à la fois les salaires jusqu'à la fin juillet, les investissements nécessaires au redémarrage de la production et les consommables.
Pour toutes ces raisons, on ne comprend pas pourquoi et comment les administrateurs et actionnaires de Miba devaient accepter de donner en hypothèque les certificats d'exploitation miniers tel que requis dans la proposition de la Raw Bank. En effet, expliquent les experts, accepter une telle condition dans le contexte du droit minier actuel, signifie ni plus ni moins qu’hypothéquer définitivement les actifs et le futur de la société. Dès lors, on peut craindre que, conformément à l'article 172 du Code minier, la banque ne se substitue, soit directement, soit indirectement à la Miba, et devienne de ce fait titulaire des droits miniers de cette société, la privant ainsi de ses actifs et la réduisant à une coquille vide. Les sources rapportent que derrière tout ce montage, on soupçonnerait la main cachée d' Emaxon, l'acheteur contractuel qui commercialise les produits Miba ; mais dont l'ambition a toujours été de contrôler la Minière de Bakwanga à concurrence de 50% d'actions sur les 80 que détient l'Etat congolais.
Sibeka sceptique
Voici une entreprise dont la marche est aujourd'hui caractérisée par un arrêt quasi-total de la production, un chiffre d'affaires très en deçà du seuil de rentabilité et un endettement de près de 200 millions Usd. En 2006, le déficit de trésorerie de la société a atteint plus de 40 millions de dollars hors investissement. Il nous revient que face à cette situation catastrophique, SIBEKA, l'actionnaire minoritaire (20% d'actions), aurait exprimé sa volonté d'injecter un montant de 50 millions de dollars dans Miba sous forme à convenir avec l'Etat, actionnaire majoritaire.
En effet, sur base d'une évaluation technique conduite par des experts de Sibeka en avril dernier avec la participation du management de la Miba, l'on avait estimé que le besoin de financement était au minimum de 75 millions Usd pour faire face aux investissements indispensables. Et cela, sans compter les besoins en fonds de roulement et le remboursement des dettes de la Miba, qui a bien besoin des capitaux à moyen et long terme plutôt que des prêts à court terme.
D'où l'actionnaire minoritaire qui, au terme des statuts, a le droit de préemption, aurait émis des réserves quant à la proposition financière de la Raw Bank, laquelle ne prévoit aucun différé d'amortissement. Somme toute, de l'avis des experts, le sauvetage de la Minière de Bakwanga requiert donc que des actions urgentes et concrètes soient entreprises tant au niveau financier qu'opérationnel. Au plan financier, le sauvetage nécessite impérativement un apport massif d'argent frais sous forme de capital, combinée à une restructuration de la dette. Toute autre solution parait tout simplement illusoire.
Quant au volet opérationnel, la Miba se doit de mettre en place un plan d'investissement ambitieux qui puisse lui permettre de relever ses objectifs de production et des résultats. A ce titre, une première évaluation technique réalisée par des experts chiffre les besoins d'investissement à un minimum de 75 millions Usd. Aussi étonnant que cela puisse paraître, toutes ces propositions salutaires de l'actionnaire minoritaire n'avaient pas encore été prises en compte que le dernier Conseil d'administration de la Miba tenu le 15 mai courant à Mbuji-Mayi a avalisé la proposition de Raw Bank pour laquelle Sibeka n'a du reste pas été associée à la négociation en tant qu'actionnaire pour voir si d'autres solutions moins onéreuses et moins risquées ne pouvaient être envisagées. Nous y reviendrons.
Le Phare