KGM
11/05/07
C’est en principe ce vendredi qu’interviendra, au Palais du peuple, l’élection du Bureau définitif de la Chambre haute du Parlement congolais. Cette élection va se dérouler dans une ambiance surchauffée, entre accusations d’achat des consciences, marchandages pour d’hypothétiques désistements et consignes de vote plus ou moins contestées par des Sénateurs en quête d’indépendance.
La grande question reste évidemment de savoir, après la lettre accusation du 07 mai signée par un groupe de sénateurs, comment le Bureau provisoire va gérer l’élection sans donner l’impression de vouloir la manipuler dans un sens ou dans un autre. C’est en effet tout l’enjeu de la bataille qui se livre actuellement autour de l’article 20 du Règlement intérieur de la Chambre haute, sur lequel les signataires mettent en garde contre toute interprétation viciée tendant à organiser l’élection de manière concomitante et sans respect de la préséance.
Au total, trois candidats ressortent du lot pour la présidence du Bureau définitif du Sénat. Il s’agit de Mgr Marini Bodho, Léonard She Okitundu et Léon Kengo wa Dondo, dont c’est finalement le grand retour sur les devants de la scène politique après avoir opéré une rentrée discrète par le biais des élections sénatoriales.
Trois hommes, trois parcours, trois styles. Mais la principale surprise de cette confrontation, du moins jusqu’à la date d’aujourd’hui, c’est le fait que Marini Bodho et Léonard She Okitundu appartenaient à la même famille, l’AMP. Avant que le prélat, révolté par ce qu’on n’est pas loin de qualifier de trahison de sa famille politique par son entourage, ne se décide de se présenter comme indépendant. A l’instar, finalement, d’un Kengo wa Dondo qui a ostensiblement opté, sans doute pour des raisons sensiblement différentes, de prendre des distances avec l’UN pour mieux revêtir son costume traditionnel d’homme d’Etat rigoureux et impartial.
Alors que Léonard She Okitundu brille par sa discrétion, c’est là toute la ressemblance entre Marini Bodho et Kengo wa Dondo que, sur le fond, tout oppose pourtant : le parcours, l’expérience des affaires de l’Etat, la connaissance de la scène politique congolaise. Pour le reste, beaucoup d’observateurs ne voyaient pas Marini Bodho, comme hier Gilbert Tshongo Tshibinkubula wa Ntumba à l’Assemblée Nationale, poursuivre longtemps sa chevauchée solitaire. A moins qu’il ne s’agisse, dans la meilleure des hypothèses, d’une cruelle farce ou, dans la pire, d’une subtile mise en œuvre de la machine à perdre au sein de l’AMP.
Handicaps ou atouts ?
Globalement, l’AMP doit faire face à plusieurs handicaps. Il y a d’abord ces fissures au sein de l’espace Grand Kasaï, à la suite de la déception de ceux qui avaient investi tous leurs espoirs dans les candidatures d’Evariste Mabi Mulumba et André Philippe Futa. Il y a aussi, de plus en plus visible, la colère des partisans d’Abdoulaye Yerodia Ndombasi Vuemba Tumba Futa Bingolo, mais aussi la mauvaise humeur des « indépendants » et ressortissants de certaines provinces écartés des « listes » par des « doyens » provinciaux improvisés juste pour le besoin de la cause.
Il se raconte aussi dans la ville haute – à moins que ce ne soit une diversion de plus – que l’AMP aurait perdu une partie de sa « capacité de manœuvre » à cause de l’étroite surveillance dont elle ferait l’objet, sur le plan financier, de la part de certaines chancelleries. Lesquelles, poursuivent les mêmes sources, souhaiteraient en revanche l’élection d’un opposant à la tête de la Chambre haute comme gage d’ouverture démocratique.
Comme dans un système des vases communicants, notent les observateurs sérieux, les fissures au sein de l’AMP constituent plutôt une chance sinon des atouts pour Léon Kengo wa Dondo. L’ancien Premier Ministre qui se présente sous l’étiquette « indépendant » entend en effet mettre en exergue ses qualités propres plutôt que de se complaire dans la posture manichéenne de deux blocs opposés et antagonistes, souligne-t-on dans son entourage. Où l’on rappelle, en fait, que la présidentielle qui avait obligé chaque acteur politique à faire un choix, est déjà loin. Et que désormais, toutes les institutions de la République ainsi que leurs animateurs devraient concourir à la réalisation des chantiers définis par le chef de l’Etat.
« Kengo mettra au service du Sénat et du pays sa compétence, sa rigueur, son expérience, son exceptionnelle connaissance des hommes, sa maîtrise des dossiers et ses qualités d’homme d’Etat », s’enthousiasme un homme du sérail, rappelant au passage que ses amis comme ses détracteurs l’admettent volontiers. Et de poursuivre que ce qu’il faut aujourd’hui, c’est crédibiliser l’institution, c’est convaincre tous les sceptiques que la démocratie commence à fonctionner réellement, que les leaders congolais sont prêts à travailler dans un esprit de tolérance et de réconciliation nationale.
Gages
« Le Sénat a besoin de crédibilité et de sérénité », admet pour sa part un membre de l’AMP sous le sceau de l’anonymat. Pour lui, « Kengo wa Dondo est en mesure de poser des passerelles entre la Majorité présidentielle et l’opposition en s’adressant de manière impartiale aux deux familles politiques ». « Après les événements douloureux de mars dernier, l’AMP se doit de donner des gages qu’elle a tourné la page, qu’elle est prête à envoyer un signal fort à tous nos partenaires, pour leur dire que la RDC est résolument engagée sur la voie de la démocratie », conclut-il.
Le Phare