Antoinette K. Kankindi

Nairobi, 16/04/07

Primo Levi, un juif italien, chimiste de profession devenu écrivain, a laissé à la postérité ses impressions et souvenirs de l’année qu’il a passée à Auschwitz. A cause de son expérience personnelle, il affirme dans un de ses écrits que les monstres existent bel et bien. Mais il dit qu’ils sont très peu nombreux pour être vraiment dangereux et que, par contre ce sont les fonctionnaires qui s’avèrent dangereux. En pensant à l’histoire du Congo on voit combien ceci est vrai. En ce sens, qui de Leopold II ou de ses sbires a été plus dangereux pour le Congo ? Ceux qui usaient de la chicotte de la manière la plus horrifiante au Congo-Belge étaient des fonctionnaires, tout comme ceux qui exécutaient le projet diabolique nazi, ou plus proche dans le temps, les génocidaires hutus au Rwanda.  Même l’histoire n’a pas encore dit  son dernier mot là-dessus car les décisions humaines, surtout quand elles sont irrationnelles s’enchevêtrent d’une façon inextricable. D’après Adam Hochischild, les fonctionnaires sont capables de faire exécuter ce genres de décisions macabres parce qu’ils réussissent à créer une certaine distance entre eux et leurs victimes par bourreaux interposés.

Cette logique implacable qui a déjà causé tant de malheurs au monde entier continue à menacer l’Afrique en général et le Congo en particulier. La cruauté de la chicotte n’est plus politiquement correcte et les fonctionnaires du style de Léon Rom ne sont plus de mises. La raison en est simple nous ne sommes plus au temps colonial, nous sommes plutôt en plein dans le néo-colonialisme. La nouveauté se trouve dans le genre de civilité employée pour effectivement coloniser mais en utilisant les canons diplomatiques qui s’appellent maintenant assistance technique, collaboration en partenariat, « peacekeeping », aide humanitaire, gestion de conflits et j’en passe.

Ces derniers jours ont vu l’un des experts de tout ceci déployer son charme et son savoir-faire trop convaincant pour des interlocuteurs convaincus avant la lettre. Le ministre belge des affaires étrangères, Mr Karel de Gucht, très conscient de gros enjeux qui portent le nom de Kahemba, Opposition congolaise, gouvernement démocratique etc… a rendu successivement visite à Joseph Kabila et Eduardo dos Santos. Il a affirmé s’être entretenu avec dos Santos de leur collaboration en matière de reforme des forces armées congolaises. Mr de Gucht est pressé, il veut même une accélération à cause des événements de mars à Kinshasa. L’agence Belga du 13 avril rapporte qu’un autre problème soulevé par lui « à la demande du président Joseph Kabila » était le conflit frontalier entre l’Angola et la RDC. Il a parlé d’un accord entre l’Angola, la RDC, le Portugal et la Belgique pour mettre sur pied une commission technique qui sera chargée de délimiter avec précision le tracé de la frontière entre l’Angola et la RDC. Belga dit que « la Belgique ne souhaite dans ce dossier qu’apporter l’assistance technique aux deux parties ». Le ministre portugais des affaires étrangères s’est dit content de participer aux travaux qui commenceraient la semaine prochaine. Ces fonctionnaires malgré leurs manières diplomatiques ne sont pas moins bourreaux du peuple congolais que ne l’étaient leurs homologues du temps colonial. La différence nette est cependant le bourreau choisi pour infliger au peuple un nouveau joug : des institutions élus par le peuple !

Une question s’impose ici. Par quel miracle Mr de Gucht a-t-il réussi à faire passer l’agresseur, en l’occurrence l’Angola, pour le sauveur de la RDC, et ce, immédiatement après avoir pris soin de voir l’opposition anéantie ? Une autre question, pourquoi les congolais ne réagissent-ils pas ? Si la frontière concernée était celle de l’Est on imagine bien le tollé qui en suivrait, mais Dieu merci la frontière Est de la RDC n’est pas menacée. Le seul problème dans cette partie du pays n’étant que la présence des FDLR qui, un jour peut-être pas très lointain, seront vaincus !

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