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16/08/11
KINSHASA (AP) — La campagne pour les élections générales du 28 novembre au Congo-Kinshasa entre dans le vif du sujet cette semaine avec le début du dépôt des candidatures. Si le président Joseph Kabila part favori, tout reste encore à faire au sein de l'opposition où les appels à l'unité sont pour l'heure peu suivis d'effets.
Au pouvoir depuis l'assassinat de son père Laurent-Désiré en janvier 2001, Joseph Kabila a remporté la présidentielle de 2006. Cinq ans après, la donne électorale est différente puisque le scrutin, tant présidentiel que législatif, se déroule désormais sur un seul tour et non plus deux. L'opposition se voit donc contrainte d'unir ses forces pour éviter de disparaître.
Les craintes sont également élevées en cas de victoire d'un opposant, certains observateurs redoutant un scénario à l'ivoirienne. En République démocratique du Congo (RDC), notamment dans sa partie orientale, théâtre de violences récurrentes perpétrées par des soldats, des milices locales ou des mouvements rebelles étrangers, tout peu très vite dégénérer. La capitale elle-même avait connu des affrontements entre les forces gouvernementales à l'issue du second tour en octobre 2006 quand le vice-président Jean-Pierre Bemba avait refusé de reconnaître sa défaite.
Encore faudrait-il qu'un opposant puisse se détacher et cela, au prix d'une alliance avec les autres compétiteurs. Mais il sera dur de mettre son ego de côté. "Il y a tellement d'égocentrisme", se désole le politologue Banza Mukalay Nsungu. "Chacun d'eux est orgueilleux, persuadé que sans lui rien ne peut se faire."
Alors que Kabila reste encore muet sur sa candidature, l'opposition est représentée par trois principaux hommes: l'opposant historique Etienne Tshisekedi, Jean-Pierre Bemba, président du Mouvement de libération du Congo (MLC), actuellement détenu et jugé à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, et Vital Kamerhe, l'ex-président de l'Assemblée nationale parti fonder l'Union pour la nation congolaise (UNC).
Lors d'une grande réunion politique le 9 août devant plus de 80.000 personnes au stade des Martyrs à Kinshasa, M. Tshisekedi a assuré être prêt à négocier avec les autres partis d'opposition pour mener le combat contre Kabila fils. Toutefois, le "Sphinx de Limete", opposant historique à Mobutu, s'est toutefois dit partisan d'un "programme commun" de l'opposition mais pas d'un candidat commun.
A 78 ans, celui qui a fondé en 1982 l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le premier parti d'opposition de l'histoire du pays, ne cache pas qu'il entend bien se présenter à la magistrature suprême, d'autant plus qu'il n'aura guère plus d'autres chances.
M. Tshisekedi est rentré au Congo le 8 décembre dernier après avoir été soigné trois ans durant en Afrique du Sud et en Belgique pour une affection non précisée. Afin de dissiper les inquiétudes sur son état de santé, il n'a pas hésité à parcourir à pied les 25km séparant l'aéroport international de N'Djili de sa maison de Limete, dans les faubourgs de Kinshasa.
Autre candidat, Vital Kamerhe a martelé le même message unitaire. "Je voudrais (…) dire tout haut à Jean-Pierre Bemba et Etienne Tshisekedi que je suis prêt à discuter, en toute humilité, avec chacun d'eux et avec les autres forces du changement de la formule qui va rencontrer les espoirs de notre peuple", avait-il lancé le 8 août. "Nous sommes convaincus qu'il n'y a aucune force politique, sociale, personne qui va gagner les élections seul en 2011."
Agé de 52 ans, M. Kamerhe est un ancien proche du président Kabila, dont il a dirigé la campagne électorale en 2006 avant de présider l'Assemblée nationale jusqu'en 2009. Chassé du "perchoir" par Kabila, il a fondé son propre parti, l'Union pour la nation congolaise (UNC). Qualifié parfois de très ambitieux, l'homme a aussi essuyé des accusations d'être une "taupe" de Kabila dans ce processus électoral. Ce qu'il a toujours nié.
Le troisième larron est le turbulent Jean-Pierre Bemba, 48 ans, derrière les barreaux à la CPI depuis trois ans où on le juge pour des meurtres et des viols commis en Centrafrique voisine en 2002 et 2003, lorsque sa milice était venue défendre le président Ange-Félix Patassé d'un putsch. S'il s'est déclaré candidat depuis sa cellule, on voit toutefois mal comment il pourra se présenter légalement. Sa candidature, qui a provoqué la démission du N 2 du MLC François Muamba, apparaît surtout aux yeux des observateurs comme un moyen de monnayer son soutien à Tshisekedi ou Kamerhe.
L'ancien Zaïre a sombré dans la guerre civile en 1997 quand les rebelles de Laurent-Désiré Kabila soutenus par le Rwanda ont attaqué le régime du maréchal-président Mobutu Sese Seko, au pouvoir depuis 1960. Le renversement du "Léopard de Kinshasa" ouvrira la boîte de Pandore, chacun voulant sa part du gâteau dans un pays regorgeant de richesses minières. On comptera jusqu'à huit armées africaines et 25 milices se faisant la guerre.
Des millions de civils périront avant qu'un accord de paix ne soit conclu en 2003. Mais la situation reste fragile, comme en témoignent la poursuite de violences dans le Kivu (est) et les assassinats de journalistes ou de défenseurs des droits de l'Homme.
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