AFP
25/02/10
Le président français Nicolas Sarkozy a reconnu jeudi à Kigali les "graves erreurs" et "une forme d'aveuglement" de la France lors du génocide de 1994 au Rwanda et a scellé avec son homologue Paul Kagame la réconciliation entre les deux pays après trois ans de brouille.
Vingt-cinq ans après la dernière visite d'un président français au Rwanda, M. Sarkozy a conclu son bref séjour dans la capitale rwandaise, en détaillant comme il ne l'avait encore jamais fait, la part de la responsabilité de la France et de la communauté internationale dans le génocide.
Il n'a toutefois pas prononcé les excuses attendues par les victimes rwandaises.
"Ce qui s'est passé ici est inacceptable, mais ce qui s'est passé ici oblige la communauté internationale, dont la France, à réfléchir à ses erreurs qui l'ont empêchée de prévenir et d'arrêter ce crime épouvantable", a-t-il déclaré devant la presse à l'issue d'un entretien avec M. Kagame.
Nicolas Sarkozy a notamment évoqué de "graves erreurs d'appréciation, une forme d'aveuglement quand nous n'avons pas vu la dimension génocidaire du gouvernement du président qui a été assassiné, des erreurs dans une opération Turquoise engagée trop tardivement et sans doute trop peu".
L'opération militaro-humanitaire Turquoise a été lancée en juin 1994 par l'armée française, mais trois mois après le début du génocide.
Très attendus aussi bien au Rwanda qu'en France, ses propos sur les "erreurs" reconnues par Nicolas Sarkozy ont dépassé les "faiblesses ou les erreurs" concédées en 2007 au sortir de sa premier entretien avec son homologue rwandais.
Mais ils sont restés en-deçà de la mention de "fautes politiques" évoquée début 2008 par son chef de la diplomatie Bernard Kouchner, un proche du président Kagame, ce qui avait suscité une violente réprobation de plusieurs chefs politiques et militaires français de l'époque.
Nicolas Sarkozy, peu enclin à la repentance, s'est également refusé à suivre d'autres responsables, comme l'ex-président américain Bill Clinton, sur la voie des excuses. "Nous sommes pas ici pour faire une course au vocabulaire, nous sommes ici pour réconcilier des nations", a-t-il tranché.
Sur le même ton apaisant, Paul Kagame s'est contenté d'évoquer le "passé difficile" des deux pays, avant d'estimer qu'il était "temps de mettre sur pied une nouvelle relation". "Nous refusons d'être otages du passé", a-t-il insisté, "l'essentiel est de regarder vers l'avenir".
Depuis 1994, Paul Kagame accusait la France de complicité de génocide pour avoir soutenu celui de son prédécesseur Juvenal Habyarimana, ce que Paris a toujours fermement nié.
En 2006, Kigali avait même rompu avec Paris fin 2006, après l'émission par le juge français Jean-Louis Bruguière de mandats d'arrêt contre neuf proches du président rwandais, soupçonnés d'avoir fomenté l'attentat qui a coûté la vie en 1994 à son prédécesseur, Juvenal Habyarimana — un attentat qui avait marqué le coup d'envoi d'un génocide qui a fait 800.000 morts, en grande majorité d'ethnie tutsie. La brouille n'avait pris fin qu'en novembre dernier.
Interrogé sur le sort de cette enquête, Nicolas Sarkozy a répondu qu'il était tenu par "l'indépendance de la justice, par son calendrier" mais a répété sa volonté que "tous les responsables du génocide soient retrouvés et soient punis (..) où qu'ils se trouvent".
Répondant aux victimes qui ont longtemps accusé la France de protéger certains membres du gouvernement génocidaire poursuivis pour génocide, il a rappelé que la France avait refusé l'asile à la veuve de l'ancien président, Agathe Habyarimana.
Avant de rencontrer Paul Kagame, Nicolas Sarkozy s'est symboliquement incliné devant "les victimes du génocide des Tutsis" en visitant le mémorial où sont inhumés plus de 250.000 d'entre eux.
© 2010 AFP