Marie- France Cros
08/07/08
Le Mouvement de Libération du Congo (MLC, principal parti d'opposition) a annoncé dimanche dans un communiqué qu'il suspendait sa participation aux travaux de l'Assemblée nationale, du Sénat et de l'Assemblée provinciale de Kinshasa. En cause, l'assassinat à 2h du matin, dimanche, de Daniel Botethi Loleke, premier vice-président de l'Assemblée provinciale de Kinshasa et haut cadre du MLC.
Garde présidentielle
M. Botethi a été abattu d'une balle dans la tête, dans le quartier Ma Campagne, à Kinshasa, alors qu'il rentrait d'un mariage. Selon les informations recueillies par "La Libre Belgique", il aurait été pris à partie, avenue Nguma, par deux Gardes républicains (gardes présidentiels). Son chauffeur aurait abattu un des deux meurtriers. L'autre assaillant a été arrêté et serait détenu au camp district Lukunga.
La presse de Kinshasa s'indignait, lundi, de ce nouvel exemple d'insécurité et stigmatisait l'incurie de la société nationale d'électricité, qui laisse des quartiers entiers dans l'obscurité, facilitant ainsi la délinquance. Plusieurs sources, cependant, soulignent l'accumulation d'agressions contre des membres de l'opposition.
Il y a peu, Adolphe Onusumba, ancien président du Rassemblement des Congolais pour la démocratie (RCD-Goma, ex-rébellion) a ainsi été criblé de balles dans le même quartier que M. Botethi, et ne devrait sa survie qu'à sa résistance physique et à son rapide transfert en Afrique du Sud, où il est toujours soigné.
Un autre élu d'opposition, Me Matadi Nenga, a lui aussi été victime d'une embuscade, à laquelle il a pu échapper.
Le MLC cible d'attaques
"Depuis août 2006 et en passant par mars 2007", dates de deux affrontements armés entre la garde présidentielle de Joseph Kabila et les soldats de Jean-Pierre Bemba, président du MLC (le second a abouti à son départ en exil et au démantèlement de sa garde personnelle), souligne ce parti dans son communiqué, "le président national du MLC ainsi que d'autres cadres du parti ont été les cibles d'attaques d'éléments armés".
Une enquête de l'ONU a stigmatisé la chasse aux partisans du MLC et aux ressortissants de l'Equateur natal de M. Bemba, supposés l'appuyer, qui a suivi les événements de mars 2007.
Le parti d'opposition, qui souligne "qu'il n'y a jamais eu d'enquête sérieuse ayant conduit à l'arrestation, au jugement et à la condamnation des auteurs de ces actes odieux", a donc décidé de ne plus participer aux travaux des assemblées citées plus haut, jusqu'à "l'arrestation des auteurs de ce crime et leur jugement public" et "la délocalisation sans délai des éléments de la Garde républicaine" du quartier où MM. Botethi et Onusumba ont été attaqués, soit "les périmètres du Palais de marbre et de l'hôtel Okapi".
Nouveau coup dur
Ce nouveau coup dur pour le MLC survient alors que, la semaine dernière, Jean-Pierre Bemba a été transféré à La Haye, dans la prison de la Cour Pénale Internationale (CPI), qui le poursuit pour plusieurs crimes de guerre et crimes contre l'humanité, en tant que chef de la rébellion MLC, pour des faits commis en Centrafrique en 2003-04.
L'arrestation de M. Bemba en Belgique, à la demande de la CPI, est survenue alors que la classe politique congolaise pensait être parvenue à un accord permettant à ce dernier de rentrer d'exil et de prendre la place de chef de l'opposition, pour lequel un statut spécial a été concocté.
Plusieurs commentateurs et acteurs politiques ont souligné que la décapitation de l'opposition congolaise n'était pas bonne pour l'avenir du processus démocratique dans ce pays, dont les nouvelles institutions ne sont pas solidement ancrées et où les vieux réflexes de type "parti unique" refusent de mourir.
D'aucuns remarquent ainsi que l'agence de presse congolaise, officielle, a renoué petit à petit avec le ton adulateur envers le chef d'Etat qui était de mise sous Mobutu.
D'autres ont sursauté à l'annonce que le parti du président Kabila, le PPRD, voulait créer une "école du parti" comme sous le mobutisme et le parti unique.
Les appétits s'aiguisent
Jusqu'ici, le MLC a réussi à garder à peu près sous le boisseau les ambitions des lieutenants de Jean-Pierre Bemba, pas si mécontents que cela que "le chef" soit bloqué à l'extérieur.
Son incarcération à La Haye va-t-elle déboucher sur une lutte ouverte pour la direction de la principale formation d'opposition ? Celle-ci y résistera-t-elle ?
lalibre.be