Marie-France Cros
16/10/07
Le président Kabila est convaincu qu'une victoire militaire contre Nkunda est à portée de main. La diplomatie internationale, persuadée du contraire, tente d'obtenir la cessation des combats. Dramatique suspense.
Alors que l'ultimatum adressé par Kinshasa aux troupes insurgées du général mutin Laurent Nkunda expirait lundi à minuit, une intense activité diplomatique tentait hier d'empêcher une dérive qui pourrait mener à un retour à la guerre au Kivu (est du Congo, frontalier avec le Rwanda).
En effet, Kinshasa a massé des troupes près du bastion de Nkunda, décision encouragée par de récents succès militaires de l'armée, rendus possibles notamment par un appui de la Monuc (Mission de l'Onu au Congo, soit les casques bleus), ce qui a valu à celle-ci l'accusation d'être partiale. Persuadé qu'une victoire militaire est à portée de main, Kinshasa sera difficile à convaincre du contraire. Nkunda, de son côté, a fait savoir dimanche qu'il n'était pas question pour ses hommes de rendre les armes alors que l'armée "continue à attaquer".
Inquiétude internationale
La semaine dernière, les pays du groupe "P3 + 2" (trois membres permanents du Conseil de sécurité – Etats-Unis, Grande-Bretagne, France – et deux autres pays fortement impliqués dans l'aide au Congo – Afrique du Sud et Belgique), inquiets de la perspective d'une action militaire, avaient demandé à rencontrer le président Kabila.
Celui-ci s'est montré disposé à les recevoir mais ce lundi, à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu – où les quatre ambassadeurs, le chargé d'affaires américain, le patron de la Monuc, William Swing, et son chef d'état-major, le général Gaye, se sont donc rendus.
Une solution "globale"
Leur souci est d'éviter une évolution vers une reprise de la guerre dans la région. Tous ces pays exercent donc des pressions diplomatiques sur les adversaires congolais afin de promouvoir une solution négociée et "globale" (c'est-à-dire ne se limitant pas à la seule insoumission de Nkunda et ses hommes).
Lundi soir, la présidence portugaise du Conseil a diffusé une déclaration au nom de l'Union européenne (UE) exprimant sa "vive inquiétude" devant "la concentration des moyens militaires" ordonnée par Kinshasa (qui a fait venir du Katanga des troupes commandos encore non brassées), "la rupture de la trêve par le général rebelle Laurent Nkunda "et "la poursuite de l'activité" des FDLR (rebelles hutus rwandais issus des génocidaires) "et d'autres groupes armés illégaux", soit les Maï Maï (groupes armés de paysans congolais, qui appuient l'armée, comme les FDLR).
L'UE appelle toutes les parties "à cesser immédiatement les combats" et estime que "la proposition de Laurent Nkunda d'envoyer 500 de ses hommes au brassage (formation accélérée avec des soldats issus d'autres forces armées ex-belligérantes , avant dispersion dans tout le pays – ce que Nkunda refusait jusqu'ici ) devrait être mise en oeuvre immédiatement. Elle devrait être suivie dans un bref délai du brassage de tous ses hommes", comme le réclame Kinshasa. "L'UE lance un appel pour qu'un dialogue constructif s'instaure sur cette base."
L'UE "réitère son soutien aux autorités congolaises qui sont les seules autorités légitimes et souveraines", ce qui est un appui à Kinshasa; "les encourage à saisir cette occasion afin de trouver une issue pacifique à la crise actuelle", ce qui ne semble pas être le désir du pouvoir; "rappelle l'importance de mettre un terme à la présence de toutes les autres forces irrégulières dans l'est du Congo (FDLR, Maî Maï)", alliés de Kinshasa, et "d'oeuvrer pour le retour de tous les réfugiés", revendication de Nkunda.
Enfin, l'UE "souligne qu'une approche exclusivement militaire des problèmes dans l'est du pays ne fera qu'aggraver la situation, notamment sur le plan humanitaire, et qu'une telle approche risque d'avoir des conséquences négatives sur la stabilité régionale", soit réveiller le risque de guerre avec les voisins.
Une déclaration, on le voit, calibrée au millimètre près.
La Libre