Colette Braeckman
23/06/07
Afin d’éviter toute interprétation tendancieuse, incomplète ou déformée, voici le texte intégral de la communication faite à Kigali le 14 juin 2007, à l’invitation de la Commission chargée de déterminer le degré d’implication de la France dans le génocide au Rwanda
L’engagement politique et militaire de la France au Rwanda est relativement récent, il date de la fin des années 80, début des années 90, où la Belgique prend ses distances avec le régime Habyarimana après avoir été extrêmement présente. En effet, alors que, depuis longtemps, la France est très active au Burundi, envers lequel la Belgique se montre distante et critique car il s’agît d’un pouvoir perçu comme dominé par les Tutsis et que les relations entre Bruxelles et le Zaïre sont en dents de scie, au gré des crises avec le maréchal Mobutu, Paris tente peu à peu de s’imposer dans la région.
Cette rivalité avec la Belgique est loin d ‘être récente : lorsque fut créé l’ Etat indépendant du Congo, propriété de Léopold II, la France marqua son accord à condition que figure dans l’acte de naissance du nouvel Etat un « droit de préemption ». Autrement dit, dit si l’EIC tombait en déshérence, la France aurait priorité pour y mener un entreprise coloniale. Cette clause visait à faire obstacle aux visées britanniques. En 1960, lors de l’accession du Congo à l’indépendance, le Ministre Couve de Murville rappela cette clause, soulignant que le consentement de la France était nécessaire pour que soit accordée l’indépendance du Congo.
Les rapports entre la France et le président Mobutu évoluèrent au gré des relations avec la Belgique : la France s’offrait toujours pour prendre la relève lorsque Mobutu était en froid avec Bruxelles, une rivalité qui fut plus évide,te encore sur le plan militaire. Un seul exemple : lors des évènements de Kolwezi, en 1978, lorsque des troupes de rebelles congolais venues d’Angola avaient traversé la frontière au Katanga, les deux pays poursuivaient des objectifs différents : la Belgique voulait protéger ses ressortissants et les évacuer, les Français entendaient se porter au secours du régime, chasser les rebelles et s’affirmer auprès de Mobutu. Ce dernier, qui souhaitait provoquer l’intervention étrangère, avait permis (pour dire le moins) le massacre d’expatriés rassemblés dans une villa, ce qui avait précipité la décision d’intervention. Mais lorsque les Belges envoyèrent leurs avions militaires sur Kolwezi, ils ne reçurent pas les autorisations de survol escomptées, ni au dessus de la France ni au dessus des pays africains francophones et furent obligés de faire un long détour via l’Afrique du Sud. Et lorsqu’ils arrivèrent à Kolwezi, la légion avait déjà sauté, les militaires français occupaient la place et se positionnaient comme les sauveurs du régime Mobutu.