Par Gilbert Kiakwama Kia Kiziki
06/9/07
Honorable Président,
Chers Collègues
Aujourd’hui nous examinons enfin les conclusions de la Commission d’enquête dépêchée par notre Assemblée pour déterminer les causes et les responsabilités dans les massacres survenus dans la province du Bas-Congo. Permettez-moi d’entrée de jeu de dénoncer, au nom du Groupe Parlementaire des Chrétiens Démocrates, les conditions dans lesquelles s’organise ce débat. En effet je regrette que deux mois se soient écoulés avant qu’enfin le débat sur le rapport de la Commission d’enquête se tienne. Je regrette ensuite que dans sa lecture des dispositions de notre Règlement intérieur, la Majorité ait choisi de privilégier la solution du huis clos. Mes regrets sont d’autant plus vifs que l’on annonce partout que le huis clos sera levé pour l’examen du rapport de la Commission Kahemba. A vrai dire, en bonne démocratie, le huis clos devrait être l’exception et non la règle. Le peuple congolais a le droit de savoir.Nous savons tous que la communauté nationale toute entière a été choquée par la nouvelle de ces massacres du mois de février. Le peuple congolais attend de nous, ses représentants, de défendre publiquement sa cause. Les rapports des commissions d’enquête sur les massacres du Bas-Congo et sur les événements de Kahemba sont du point de vue de tous, le premier test de notre détermination à placer les intérêts de notre population, l’Intérêt Supérieur de la Nation, au dessus des clivages partisans et de nos intérêts égoïstes. Je crains que la Majorité gouvernementale ne soit en train de rater son examen d’entrée en démocratie. Mais la Majorité ne pourra pas continuer indéfiniment à couvrir l’impéritie de ce gouvernement. Comme on dit vulgairement ; Ca va se savoir. Cette attitude est d’autant plus regrettable qu’elle mène à une crise de confiance envers la Représentation nationale et au dévoiement du rôle de l’Assemblée Nationale – qui souffrira de plus en plus d’une affection rare et fatale : la contagion des dysfonctionnements. Les Chrétiens Démocrates pour leur part ont toujours été d’avis que c’est dans la transparence et la lumière que se bâtira la démocratie au Congo.
Honorable Président,
Chers Collègues
Le 30 juillet et le 29 octobre 2006, des millions de Congolais ont parcouru de longues distances et bravé les intempéries pour aller voter. Nos compatriotes ont voté en masse, pour consacrer une nouvelle ère, celle d’une gestion régulée des affaires politiques. Et notre auguste Assemblée est le cadre ultime au sein duquel les citoyens Congolais attendent que les questions qui concernent la nation, dans ses démembrements ou dans sa globalité, soient débattues, publiquement, sereinement, et de manière responsable. C’est là, Honorable Président, le sens que notre groupe parlementaire donne au débat au sein de cette chambre.Dans la tradition en démocratie représentative, les commissions parlementaires d’enquête sont des instruments de contrôle du Gouvernement par le Parlement. En créant la Commission Parlementaire d’Enquête sur les événements survenus les 31 janvier et 1er février 2007 dans la Province du Bas-Congo, notre assemblée a exprimé sa volonté politique de se saisir d’un problème significatif et très grave. Plus d’une centaine de citoyens Congolais ont perdu la vie des mains de personnes appartenant à des services publics sensés assuré leur protection. A travers sa Commission d’enquête, Notre Assemblée a voulu recueillir des éléments d’information sur des faits déterminés survenus dans la Province du Bas-Congo les 31 janvier et 1er février 2007 et sur la gestion de cette situation grave par les autorités publiques et les services de sécurité tant au plan national qu’au niveau provincial. Les événements du Bas-Congo sont, pour notre Groupe Parlementaire, très graves. Car, ils remettent en cause les principes fondamentaux pour la consécration desquels les Congolais ont voté il y a quelques mois : (i) le principe selon lequel le Gouvernement, dans ses trois branches, représente le peuple ; (ii) le principe selon lequel les lois sont votées pour assurer la transformation pacifique de la société pour le bien de tous ; (iii) le principe selon lequel les contrevenants aux lois de la République sont sanctionnés conformément aux dispositions légales et dans le strict respect de leurs droits fondamentaux tels que garantis par la Constitution ; et enfin (iv) le principe selon lequel les représentants du peuple que nous sommes avons la lourde responsabilité de garantir que les branches exécutive et judiciaire du Gouvernement n’imposent pas l’arbitraire.
Honorable Président,
Chers Collègues
En créant la Commission Parlementaire d’Enquête sur les événements du Bas-Congo, notre Assemblée n’avait pas l’intention de se substituer aux instances judiciaires ni d’interpréter la loi. Bien au contraire, notre Assemblée, émanation de la Nation, a voulu être informée de ce qui s’est réellement passé les 31 janvier et 1er février 2007 dans plusieurs agglomérations de la Province du Bas-Congo. Or Malheureusement, la lecture des 70 pages du Rapport de la Commission nous laisse dans la même situation confuse qu’avant sa lecture. Ce rapport ne nous dit pas ce qui s’est réellement passé. Il n’identifie de manière précise et non équivoque, ni les faits, ni leurs auteurs, ni les circonstances exactes des faits. Le Groupe Chrétien Démocrate estime que la crédibilité de l’Assemblée Nationale dans sa fonction de contrôle du Gouvernement sera remise en cause si ce Rapport est adopté.Les faits sont têtus, Chers Collègues. Gardez la chose suivante à l’esprit : nous n’avons pas, à l’Assemblée Nationale, le monopole pour recueillir l’information, encore moins pour la diffuser. Au sujet de ces massacres d’autres rapports circulent de par le monde. La Monuc a déployé des investigateurs et a produit un rapport intermédiaire dès le mois de février, transmis en mars au bureau de l’Assemblée Nationale, suivi d’un rapport final gardé confidentiel jusqu’à ce jour. L’ONG de défense des droits de l’homme Human Rights Watch a dépêché son enquêtrice principale et produit un rapport intermédiaire public, dont elle avait réservé la primeur à la Commission d’enquête et au bureau de l’Assemblée Nationale il y a bientôt deux mois.Il y a tant de faits dans ces rapports MONUC et Human Rights Watch qui n’apparaissent pas dans le rapport de notre Commission. Quant aux conclusions, elles en sont si diamétralement opposées qu’on ne peut croire que toutes ces personnes aient enquêté dans la même Province.A la lumière de tout ceci, une conclusion s’impose : Il est triste, il est scandaleux, il est pénible, que des étrangers aient vu, entendu, et rapporté sur ces massacres d’une centaine de citoyens congolais, plus que nous-mêmes, les représentants du peuple congolais. Face à ce triste constat, il ne nous reste plus que les yeux pour pleurer. En clair, rien n’a changé. On est toujours complice des forfaitures du pouvoir. C’est tellement plus simple. C’est tellement plus confortable. Est-ce cela que nous voulons que nos concitoyens retiennent de nous dorénavant ? L’image d’un nouveau « Parlement Croupion » ? Quelle sera notre image lorsque l’Assemblée provinciale du Bas-Congo rendra public son rapport ? J’espère que cette Assemblée-là au moins aura le courage de relater les faits dans toute leur vérité et d’en tirer les conclusions.Les faits sont têtus, Chers Collègues. L’Omerta sera brisée. Déjà les deux membres Chrétiens-Démocrates de la Commission d’enquête, les Honorables MPAKA et MUPATA, dans une lettre aux bureaux de l’Assemblée et de la Commission, se sont désolidarisés d’un rapport à l’adoption finale duquel ils n’ont pas été associés. A la lecture de ce rapport, on les comprend, et on comprend pourquoi la Commission a adopté ses conclusions en catimini, à l’insu même des plus indépendants de ses membres.