16e et dernière carte du monde en crises : le Nord-Kivu.

Colette Braeckman

 27/11/2007

 

 

assaut_final.jpgEn octobre, les forces armées congolaises déployaient plus de 20.000 hommes au Nord-Kivu, avec la ferme intention d'en finir avec les 4.000 militaires du général Laurent Nkunda, défenseur des Tutsis congolais.

On allait voir ce qu'on allait voir : en octobre, les forces armées congolaises avaient déployé plus de 20.000 hommes au Nord-Kivu, avec la ferme intention d'en finir une fois pour toutes avec les 4.000 militaires se réclamant du général Laurent Nkunda, qui se présente comme le défenseur des Tutsis congolais. En réalité, soumis à de fortes pressions internationales, le président Kabila a dû surseoir à l'offensive, accepter que les Etats-Unis envoient un observateur à Goma et modifier ses priorités : à Nairobi, un accord signé le 8 novembre avec le Rwanda et garanti par les Américains prévoit le désarmement et le rapatriement des combattants hutus des FDLR, (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda), avec le 1er décembre comme date butoir.

 

Les populations civiles congolaises sont, elles, prises entre deux feux : les actions militaires du général N'Kunda ont provoqué le déplacement de plus de 350.000 civils, abrités dans des camps pris en charge par la communauté internationale et qui ont déjà été attaqués et pillés à plusieurs reprises. Pendant ce temps, dans les collines et les forêts du Nord et du Sud-Kivu, les miliciens hutus, Rastas ou FDLR, se livrent à des atrocités contre les paysans congolais, qu'ils chassent de leurs terres et dont ils violent et mutilent les femmes avec une rare cruauté.

Refusant de faire incorporer ses hommes par la nouvelle armée congolaise et de les voir ainsi dispersés sur l'ensemble du territoire, le général Laurent Nkunda défie l'autorité de l'État et pose des conditions politiques à son éventuel ralliement : il exige, entre autres, le rapatriement de 40.000 Tutsis congolais qui se trouvent dans des camps situés au Rwanda et en Tanzanie. L'opinion publique congolaise considère que la neutralisation de Nkunda représente une priorité, et est prête à accuser le président Kabila de laxisme ou de complaisance face aux pressions internationales. En revanche, pour Kigali, il importe de mettre hors d'état de nuire les combattants hutus des FDLR, accusés d'occuper les positions reprises par les forces gouvernementales ou abandonnées par Nkunda, ce qui rapproche dangereusement de la frontière rwandaise ces opposants radicaux, qui exigent un dialogue politique comme préalable à leur retour au pays.

En fait, malgré les élections et la stabilisation de l'ensemble du pays, les populations du Kivu sont toujours victimes de la guerre que les Rwandais, Hutus d'un côté, Tutsis de l'autre, se livrent sur leur territoire, entretenant un désordre qui permet l'exploitation anarchique des ressources minières exportées sans taxes vers les pays voisins et l'occupation de terres très convoitées.

Les deux groupes antagonistes bénéficient d'appuis à l'intérieur même du Congo : les Hutus ont quelques fois combattu aux côtés des forces gouvernementales et des Mai Mai, et exigent que l'on tienne compte des « services rendus ». Dans leurs rangs se retrouvent des hommes qui ont participé au génocide de 1994, ainsi que des jeunes qui ont grandi en exil et partagent l'idéologie extrémiste. S'y ajoutent des Hutus venus du Rwanda : les uns ont traversé la frontière pour fuir les tribunaux « gaçaça » (tribunaux populaires traditionnels), d'autres sont des prisonniers libérés. Et parmi ces derniers, il ne serait pas étonnant de découvrir des « infiltrés » ayant gardé le contact avec Kigali et menant des actions particulièrement atroces, mises ensuite sur le compte des FDLR afin de torpiller toute idée de dialogue avec eux…

Quant aux hommes de Nkunda, ils comptent dans leurs rangs des démobilisés de l'armée rwandaise et de jeunes Tutsis nés au Kivu, mais ils sont également assurés de divers soutiens politiques et militaires : des commerçants du Kivu les financent, redoutant que la paix et le rétablissement de l'autorité de l'État leur fassent perdre les privilèges acquis durant les années de guerre, des éleveurs (congolais mais aussi rwandais) présents dans le Masisi redoutent de perdre leurs troupeaux et, surtout, d'anciens responsables du RCD Goma (le mouvement rebelle naguère soutenu par Kigali) estiment n'avoir pas une place suffisante dans les institutions nationales et utilisent le général déchu comme un moyen de pression politique sur Kinshasa. Une attitude dangereuse pour les Tutsis congolais dans leur ensemble, car elle nourrit les soupçons à l'égard de leur loyauté sinon de leur nationalité…

 

Le Soir

 

 

 

 

 

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