Richard Kabamba
07/08/08
Du 03 au 06 août 2007, la République Démocratique du Congo a vécu au rythme du deuil national décrété par le gouvernement de la République en mémoire (sic) du décès du professeur Guillaume Samba Kaputo, proche collaborateur du président Joseph Kabila.
72 heures avant sa mort, il venait d’être nommé conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité, poste qu’il avait occupé avant son élection comme député national dans la circonscription électorale de Moba, district de Tanganika, dans la province du Katanga, sa province natale.
Le défunt fut professeur d’université. Il a eu de son vivant à assumer des responsabilités au niveau provincial et national. Ainsi, il fut vice-gouverneur de province, gouverneur de province, conseiller du chef de l’Etat et député national élu de la première législature de la 3ème République
Est-ce pour autant que le Conseil des Ministres, dans sa séance hebdomadaire du vendredi 03 août dernier, a eu à décréter trois jours de deuil national en mémoire de l’illustre disparu?
Nenni. Le gouvernement de Kinshasa a usé de tricherie en profitant du catastrophe ferroviaire survenu le même 1er août entre les gares de Kakenge et Bakwa Nkenga, dans la province du Kasaï Occidental, catastrophe dont le bilan annoncé est tantôt de 100 morts, tantôt 120 morts et le tout dernier chiffre, est de 160 morts d’après le ministre congolais des Transports et Voies de communication, Remy Henri Kuseyo Gatanga, qui a précisé à la presse qu’il ne s’agit là que d’un bilan encore provisoire, pour décréter trois jours de deuil national et en mémoire des victimes de cet accident, et en mémoire de l’homme fort de Joseph Kabila.
Dans ce pays, personne ne comprend pas pourquoi tant d’honneurs à un collaborateur d’un président de la République? Il y a des ministres, gouverneurs, députés nationaux et provinciaux qui sont morts en fonctions sous le règne de Joseph Kabila et qui n’ont même pas eu l’honneur d’une minute de recueillement de ce dernier devant leurs dépouilles. A Kinshasa, on refuse de croire que le pays a voulu rendre hommage aux victimes de l’accident du Kasaï Occidental.
Pourquoi cette obstination au refus de croire au geste patriotique du gouvernement Kabila? Tout simplement puisque les images de l’accident en provenance de Kananga, chef-lieu de la province du Kasaï-Occidental, ne traduisent rien de la compassion du pouvoir central envers les victimes, moins encore envers leurs familles. Des cadavres jonchés par terre recouverts à peine des pagnes de leurs proches alors qu’il y avait lieu de les couvrir des couvertures ou des draps de lit qui coûtent à peine 2$ la pièce. Aucune aide alimentaire ou pharmaceutique n’a été apportée aux victimes car, en plus de 160 morts, il y a plus de 500 blessés qui se trouvent dans des conditions moins heureuses. S’il faut tenir compte que les soins médicaux dans le périmètre de l’accident sont quasi inexistants, il y a lieu de craindre le pire pour bon nombre de survivants de cet accident.
A Kinshasa, tout le monde croit à la distraction avec cette histoire du deuil national où les diplomates étaient obligés de venir se recueillir au Palais du Peuple, siège du Parlement de la République où était exposé le corps du défunt et où Joseph Kabila lui même a passé plus d’une demie journée en guise de recueillement avec tout son gouvernement et toutes ses autres institutions. On a noté l’absence de deux personnalités à savoir le premier ministre Antoine Gizenga et le président du Sénat congolais Léon Kengo wa Dondo.
Si l’absence de Kengo wa Dondo est justifiée par le fait qu’il se trouve en vacances à l’étranger en ce moment, il n’en est pas le cas pour le patriarche Antoine Gizenga qui, dit-on, a seulement boudé la «farce» de Kabila. Le vieux Lumumbiste n’a pas apprécié la comédie et est resté calmement chez lui sans rendre compte à personne. Mais, dans son entourage, on affirme que le vieux n’était pas d’accord avec le président sur cette manière d’élever un collaborateur à titre posthume.
Somme toute, le Congo-Kinshasa qui est moribond économiquement, n’est pas prêt à sortir de son marasme à l’allure où vont les choses. Que de l’argent dépensé pour faire venir des délégations de l’arrière pays dans la capitale! Quelle institution congolaise a travaillé le lundi 06.08.07 jour de l’enterrement? Même pas le président Kabila lui même! La circulation était même paralysée dans la commune de Lingwala où se trouve la cathédrale Notre-Dame du Congo et le Palais du Peuple ainsi que dans la commune de la Gombe où se trouve le cimetière où il a été inhumé!
C’est ça le Congo de Kabila qui se bat pour sortir de son marasme économique au moment où la politique et le social continuent à s’enfoncer.
A chacun sa lecture de la situation. Pour nous, on va du gaspillage en gaspillage. Et du temps, et de l’argent, et de l’énergie.
Qui dit mieux?
kric.org